La prescription excessive d’antimicrobiens chez les hommes et les animaux explique l’expansion de ce phénomène.
Depuis plusieurs années, l’ampleur croissante du phénomène de résistance aux antimicrobiens inquiète au point que les instances politiques nationales et internationales ont fini par s’emparer du sujet. En septembre 2016, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, mettait en garde contre « une menace fondamentale, à long terme, pour la santé humaine, la production durable de nourriture et le développement ». Au même moment, Margaret Chan, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, évoquait « un tsunami au ralenti. »
Le rapport AMR Review sur la résistance aux antimicrobiens, paru la même année, estimait que, si rien n’était fait, les infections tueraient jusqu’à 10 millions de personnes par an en 2050, soit plus que le cancer. Il avançait également que le coût économique cumulé, d’ici à 2050, atteindrait 90 000 milliards d’euros. Un rapport de l’OCDE publié le 7 novembre estimait que les bactéries résistantes aux antibiotiques pourraient tuer 2,4 millions de personnes en Europe, en Amérique du Nord et en Australie d’ici à 2050. Une étude publiée quelques jours plus tôt dans la revue scientifique The Lancet Infectious Diseases chiffre à 33 000 le nombre de morts imputables à ces bactéries en 2015 dans l’Union européenne.
La résistance aux antimicrobiens est au départ un phénomène naturel : les organismes vivants que sont les bactéries, les virus ou les champignons développent des mécanismes de survie face aux médicaments destinés à les éliminer. Les souches bactériennes résistantes aux antibiotiques acquièrent ainsi un avantage sur celles qui ne le sont pas. Il en va de même pour les virus face aux antiviraux et aux champignons face aux antifongiques.
Ralentissement des investissements
Mais si le phénomène est inéluctable, il n’en est pas moins grandement accéléré par le mauvais usage des médicaments tant chez l’homme que chez l’animal. Les prescriptions inappropriées d’antibiotiques (inutiles dans les infections virales), les interruptions intempestives du traitement dès les premiers signes d’amélioration, pour ce qui est de la médecine humaine, et, en médecine vétérinaire, l’utilisation préventive excessive d’antibiotiques chez l’animal, quand ce n’est pas dans le seul but de favoriser la prise de poids des bêtes, ont accéléré l’apparition de résistances. Car la présence de souches bactériennes résistantes chez des animaux avec lesquels l’homme est en contact ou bien présents dans la chaîne alimentaire peut être une voie de transmission de l’antibiorésistance.
Dans ce contexte, le ralentissement des investissements de recherche et développement de l’industrie pharmaceutique pour mettre à disposition de nouveaux antibiotiques a aggravé la situation. Résultat, le fossé se creuse. D’un côté, l’armement des bactéries pour se protéger ne cesse de s’étendre avec l’émergence et la propagation, notamment en milieu hospitalier, de souches résistantes, en particulier chez les entérobactéries (présentes dans le tube digestif). De l’autre, l’éventail de recours thérapeutique se réduit et la fréquence des infections problématiques à traiter augmente partout dans le monde.
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