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mercredi 17 octobre 2018

La santé mentale des femmes en questions

Publié le 10/10/2018

Trois thèmes ont retenu l’attention dans ce symposium dédié spécifiquement à la santé mentale des femmes : le peripartum, le conflit materno-fœtal et la dépression chez les adolescentes.

De la grossesse

Les femmes enceintes pourraient probablement bénéficier d’une approche globale associant une évaluation médicale, psychosociale et environnementale dès le début de la grossesse. Un soutien approprié aux femmes enceintes pourrait permettre un meilleur vécu de la grossesse et possiblement une réduction des complications néonatales et postnatales. Mais on est encore loin du compte si l’on en croit Gisèle Apter (Le Havre) qui constate que la santé mentale des femmes dans le peripartum est encore très secondaire aux yeux des autorités de santé alors que l’on sait que le risque d’affections psychiatriques est très élevé chez les enfants et adolescents nés d’une mère avec maladie psychiatrique durant la grossesse. Pire, les études ont également montré ce risque en cas de traumatisme ou de stress au moment de la naissance. « Il y a donc lieu de changer les mentalités » conclut-elle (1). Parmi celles-ci, la notion de conflit materno-fœtal qui laisse supposer que les mères refuseraient certains traitements durant la grossesse et ne tiendraient pas compte de la santé du fœtus en particulier en cas d’abus de drogue ou d’addiction voire lorsqu’elles présentent un état-limite. « Il serait bon que l’on se pose la question dans ce contexte de la motivation et des possibilités des femmes à prendre en charge cette addiction » signale Gail Robinson (Canada).

Dans le registre des conflits materno-fœtal a été évoquée la situation extrême que l’on ne peut contraindre une femme enceinte à donner son rein pour son fœtus car elle y perdrait son droit à l’autonomie et sa liberté de choix. « La grossesse est souvent la fin de la liberté reproductive » pour Gail Robinson « et nous ne pouvons en tant que psychiatre ignorer ce fait et être coercitif » (2).

A la vie de tous les jours

Dans un autre ordre d’idée, Jair Mari (Sao Paulo, Brésil) rappelait que si l’incidence de la dépression augmente fortement au moment de l’adolescence entre 12 et 17 ans, les filles y sont plus exposées que les garçons (8,1 % contre 3,3 %) alors que l’incidence est identique (1,8 % et 2,1 %) entre 6 et 12 ans. Si l’on ne peut éviter d’évoquer des facteurs génétiques pour expliquer ce fait, il ne faut pas oublier le rôle de facteurs environnementaux – et donc la possibilité de faire une bonne prévention, souligne-t-elle (3). Et pour ce faire, il faut se plonger dans le quotidien de la femme.

L'histoire de la condition féminine et de ses origines démontre abondamment la facilité avec laquelle on (la société, les institutions médicales, etc..) qualifie de « malades » les femmes extraordinaires (héroïnes, artistes, écrivains au comportement masculin) mais aussi celles qui se conforment passivement à leur rôle de dominées et de dépendantes. Il y a plus de femmes que d'hommes, en nombre absolu, parmi les malades névrotiques et chez les schizophrènes. Mais l'âge, le statut marital, l’ethnie, le statut économique jouent un rôle et il faut se garder de généraliser. Par ailleurs, les appareils de la santé, contribuent puissamment à faire des femmes des malades, les médecins ayant tendance à accorder plus d'importance à un trouble psychosomatique chez le sujet masculin que chez les sujets féminins. De plus, ce sont des hommes qui, dans la très grande majorité des cas, ont le rôle de thérapeutes et c'est leur image de la femme, de son rôle, qu'ils projettent dans les plans de traitement. Enfin, la femme a un double rôle, intérieur et extérieur, dont les finalités s’opposent souvent entre un rôle de maîtresse de maison relativement peu structuré et qui rend les femmes invisibles, et un rôle social professionnel extérieur.

Être une super-femme est fatigant… De plus, les femmes sont plus faiblement syndiquées (‘défendues’) que les hommes et occupent plus souvent des emplois plafonnés dans ce qu'on appelle maintenant des « ghettos féminins » et dont les emplois de secrétariat sont l'exemple le plus clair. Il est facile de voir que les emplois réservés aux femmes sur le marché du travail impliquent la transposition des qualités et des comportements traditionnellement attendus de la part des femmes. Et comme les femmes exercent gratuitement au foyer des tâches comparables à celles qu'elles exercent sur le marché de l'emploi, la tentation est grande de sous-évaluer et de sous-rémunérer les emplois dits «féminins ».

Dr Dominique-Jean Bouilliez
RÉFÉRENCES
1-Apter G : Women’s health is a key issue for the nextre generatiuons : offering tomorrow’s infants an answer to their fundamentral needs. 
2-Robinson G : The myth of maternal-fetal conflict. 
3-Mari J et coll. : What makes teen girls to be more depressive tha boys ? Is there room for prevention ? 
18th World congress of psychiatry (Mexico) : 27-30 septembre 2018.

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