Crédit Photo : S. Toubon
Comment faire des EHPAD des lieux de vie où il peut y avoir du soin, et non des lieux de soins où l'on doit insuffler de la vie ? Telle est la gageure soulevée lors de la Matinale de la Fondation Hôpitaux de Paris, Hôpitaux de France, le 11 octobre dernier, dans le cadre de l'opération + Vie*.
À chaque EHPAD, sa réponse. À Janzé, en Île-et-Vilaine, on organise des repas réunissant familles, soignants et résidents ; on accueille deux fois par mois les assistantes maternelles ; on développe la médiation animale. À l'EHPAD du Creusot, on développe des médiations intergénérationnelles qui prennent la forme d'ateliers où les résidents, avec les proches, travaillent sur des photos de leurs défunts ; le patrimoine musical des résidents est exploré ; et des cycles d'éducation thérapeutique sont organisés pour les aidants. À Maromme (Normandie), la directrice du village les Aubépins Marie-Pascale Mongaux-Masse s'est battue sept ans durant pour que l'EHPAD reste dans le centre du bourg et abrite en son rez-de-chaussée, une brasserie, et des salons de coiffure, de couture, et d'esthétique, ouverts à tous.
La vieillesse n'est pas une maladie
À l'origine de ces initiatives se trouve le souci de ne pas pathologiser tout le vieillissement, sans pour autant opposer soins et animation. « Lorsqu'on a abandonné le modèle de l'hospice, on s'est reporté sur le modèle de l'hôpital. Mais que soigne-t-on ? Certes, les personnes âgées sont polypathologiques, mais elles restent des citoyens à part entière », explique Marie-Pascale Mongaux-Masse. « La vieillesse n'est pas une maladie », dit en écho le Dr Bruno Le Dastumer, pourtant psycho-gériatre et chef de pôle de l'hôpital Sainte-Périne (AP-HP).
Plusieurs leviers d'action doivent être explorés pour faire des EHPAD des lieux de vie. Le psychologue-clinicien de l'EHPAD du Creusot Raphaël Leichner insiste sur la place des proches. « Qu'ils ne soient pas des visiteurs, mais des acteurs », résume-t-il. L'architecture doit aussi permettre de changer le regard, croit Marie-Pascale Mongaux-Masse. La directrice insiste sur le nom des choses : « Nos résidents n'habitent pas un service ou un secteur, mais une rue ; ils ne portent pas un bracelet pour "éviter le risque de fugue", mais une montre », explique-t-elle.
Elle plaide aussi pour l'assouplissement des normes de sécurité et d'hygiène, au profit du respect de la liberté et de la dignité des résidents (une proposition formulée aussi par le comité consultatif national d'éthique dans son avis 128). « Si l'on considère l'EHPAD comme un chez soi, alors il n'est pas aberrant d'y faire entrer une cuisine ou un chien… Sans que cela soit "thérapeutique" », juge-t-elle. Enfin, elle prône une formation à l'éthique de tous pour démêler les cas difficiles, par exemple le désir de sortir d'un résident susceptible de chuter.
L'animatrice de l'EHPAD de Janzé Angélique Vignon rappelle, de son côté, l'importance pour les soignants, d'avoir du temps « pour prendre en compte la personne et ses histoires de vie » dit-elle. Et donc, du personnel, et de l'argent.
À l'hôpital, une bataille
Les approches non-médicamenteuses se développent aussi dans les services de gériatrie, comme ceux que chapeaute le Dr Bruno Le Dastumer à Sainte-Périne. Concrètement, certains soins se font en musique, les toilettes peuvent être faites en plusieurs fois selon les résidents ; un cadre de santé a inventé un cinéma de nuit, pour les patients qui déambulent - ce qui évite de donner des sédatifs ; un jardin thérapeutique a vu le jour, des associations de musique ou des médiations animales interviennent…
Le Dr Le Dastumer n'entend pas opposer les soins médicamenteux et les approches non thérapeutiques. « Certains moments de crise doivent être réglés par des médicaments. Mais les approches alternatives peuvent diminuer les épisodes aigus », explique-t-il. « Cela suppose de rappeler aux soignants qu'il ne faut pas sauter sur le médicament et prendre le temps d'observer le symptôme. Donner un neuroleptique pour calmer un état agité ne sert à rien si la personne souffre de dépression hostile », poursuit-il.
Mais il reconnaît que prôner ces approches est une bataille de tous les jours. « Il n'y a pas de volonté politique qui les soutienne. » Si bien que le risque est grand de les voir disparaître avec les soignants qui les impulsent et les font vivre.
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