Sébastien Missoffe, directeur général de Google France, affirme, dans une tribune au « Monde », vouloir « donner aux utilisateurs le choix et les moyens de se déconnecter ».
LE MONDE ECONOMIE | | Par Sébastien Misoffe (directeur général de Google France)
Tribune. L’heure du « temps de cerveau disponible » est révolue. L’attention est une ressource rare et précieuse. Elle ne peut, elle ne doit, être assaillie au quotidien par un trop-plein d’informations et de sollicitations en ligne.
Au commencement, Internet était un foisonnement d’informations. Une manne incroyable de données qu’il était difficile d’appréhender, car éparpillées en différentes listes de catégories fermées. C’est de ce constat qu’est née l’idée, il y a vingt ans, du moteur de recherche Google. Organiser l’information, la classer en fonction de critères d’utilité et de pertinence, c’est finalement la rendre intelligible pour le cerveau humain. Nous avons toujours suivi ce principe cardinal : proposer à l’utilisateur du contenu pertinent et non intrusif.
NOTRE APPROCHE EST D’AFFICHER UNE PUBLICITÉ EN LIEN AVEC L’INTENTION DE RECHERCHE DE L’INTERNAUTE
Un credo qui a par la suite inspiré la construction de notre modèle économique reposant sur la publicité. À rebours de certaines pratiques qui visent à saturer l’écran d’espaces publicitaires et de pop-up intempestifs, notre approche est d’afficher une publicité en lien avec l’intention de recherche de l’internaute. Nous croyons qu’Internet est une économie de l’intention et non de l’attention. Telle est notre proposition de valeur pour les annonceurs : nous leur permettons de répondre aux intentions des utilisateurs qui les recherchent, au moment où ils les recherchent.
Dépouiller la navigation en ligne de tout contenu inutile, c’est finalement créer un cercle vertueux. Les utilisateurs y trouvent leur compte grâce à une navigation plus simple. Les annonceurs gagnent en visibilité dans un environnement plus fluide.
Mieux comprendre son comportement en ligne
Le défi de l’attention dépasse le seul champ de la publicité. D’après une étude récente de deux de nos chercheuses, Julie H. Aranda et Safia Baig, de plus en plus de personnes ont un fort sentiment d’obligation sociale d’être tout le temps connecté (« Toward JOMO : the joy of missing out and the freedom of disconnecting », MobileHCI’18, 3-6 septembe, Barcelone). Elles ressentent également de l’anxiété à l’idée de ne pas consulter leurs téléphones régulièrement, de peur de passer à côté d’une information. Cette angoisse de ne pas en être – « fear of missing out » en anglais – incite de nombreux utilisateurs à rester connectés en permanence, un phénomène qui peut entraîner selon d’autres études une réduction de la productivité (« Frequency of College Student Smartphone Use : Impact on Classroom Homework Assignments », R. Terry Furst, Douglas N. Evans, Nicole M. Roderick, Journal of Technology in Behavioral Science n°3/2, juin 2018) et une véritable dépendance à l’égard des objets connectés (« Psychological Predictors of Problem Mobile Phone Use », Adriana Bianchi, James G. Phillips, CyberPsychology & Behavior n° 8/1, 2005).
Notre conviction est que la technologie doit être placée au service des femmes et des hommes. Elle n’est légitime que parce qu’elle simplifie leur vie, ou leur fait gagner du temps. C’est là notre vocation originelle.
NOUS AVONS RÉCEMMENT LANCÉ SUR LES SMARTPHONES PLUSIEURS FONCTIONNALITÉS CONSACRÉES AU BIEN-ÊTRE NUMÉRIQUE
Le corollaire de cette approche est de donner aux utilisateurs le choix et les moyens de se déconnecter. En ce sens, nous avons récemment lancé sur les smartphones plusieurs fonctionnalités consacrées au bien-être numérique. Un tableau de bord permet à l’utilisateur de mieux comprendre son comportement en ligne : il comptabilise le nombre de notifications reçues et le temps passé sur chaque application. L’étape suivante est de donner aux internautes les moyens de leurs résolutions : par exemple, un minuteur permet de définir une durée maximale d’utilisation pour certaines applications. Ou le fait de poser le téléphone face contre table désactive automatiquement les notifications.
Cette démarche s’inscrit dans la droite ligne de notre philosophie fondatrice : créer des produits utiles pour tous et innover de façon responsable. Tout l’enjeu pour nous est de saisir pleinement les opportunités économiques offertes par le Web, sans transiger sur le respect dû à l’utilisateur en lui redonnant le contrôle sur ses usages numériques.
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