Comment retrouver un projet d’émancipation à l’heure du capitalisme addictif et de ses effets sur nos vies et nos sociétés ?
Patrick Pharo est sociologue, spécialiste de sociologie de la morale, qu’il a étudiée à partir des interactions courantes des sujets sociaux. Il s’est ensuite intéressé à la dépendance à la drogue et aux politiques publiques la concernant, puis, par extension, à d’autres formes de dépendances, amoureuse ou sexuelle notamment. Il élargit désormais sa réflexion aux dérives addictives du capitalisme, en cherchant à renouer avec l’idéal d’émancipation qui avait animé, un temps, nos sociétés. Il a accepté de répondre à nos questions à l'occasion de la sortie de son nouveau livre : Le capitalisme addictif.
Nonfiction : L’arrêt du combat pour l’émancipation, expliquez-vous, a peu à voir avec la montée de l’individualisme que l’on associe souvent à Mai 68. Où faudrait-il en chercher les causes dans ce cas ?
Patrick Pharo : L’arrêt du combat pour l’émancipation est d’abord le fait de la perte de croyance et de confiance dans l’imminence d’une révolution sociale. Cette croyance était très forte dans le mouvement de Mai 68 qui, quoi qu’on en dise, a été profondément influencé par les idéologies gauchistes de l’époque. On a perdu cette croyance tout simplement parce qu’on s’est rendu compte que la société n’était pas prête à la révolution en question et parce qu’on a découvert (on aurait pu le faire avant si on s’en était donné la peine...) que les révolutions réelles aboutissaient à des tragédies, en Chine et au Cambodge par exemple, sans même parler des atteintes insupportables aux libertés.
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