Malgré des avancées, le projet de décret sur la pratique avancée infirmière peine à faire l'unanimité dans les rangs de la profession. Elle publie, ce 27 avril, un plaidoyer contre la nouvelle mouture du texte qui exclut la santé mentale et la psychiatrie et rigidifie les règles d'exercice.
Ils réagissent par "devoir moral", "obligation éthique et déontologique". Les infirmiers, au travers de leurs principales instances représentatives, fédérations, associations, syndicats et ordre*, montent au créneau ce 27 avril, au lendemain d'une entrevue à la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Ce rendez-vous marquait la fin de la concertation sur le projet de décret en conseil d'État posant les jalons de la pratique avancée. Le texte devrait être encore modifié à la suite de ces échanges, pourtant les infirmiers restent inquiets et le rappellent dans un plaidoyer commun, transmis à la ministre en charge de la Santé, au Premier ministre, ainsi qu'au président de la République.
La psychiatrie n'est plus concernée
"Nous sommes en effet surpris de constater que les besoins et les attentes de la population en matière de santé restent insuffisamment pris en compte en dépit du plan d'accès aux soins lancé à l'automne 2017", expliquent-ils. Ils sont en outre "surpris" de voir les futurs infirmiers de pratique avancée (IPA) "écartés des soins de premiers recours pour des raisons qui restent encore à clarifier alors que leur contribution au sein des équipes de soins pluriprofesssionnelles aurait pourtant pu desserrer l'étau qui enserre ce secteur d'activité". Plusieurs voix se sont d'ailleurs élevées ces dernières semaines pour rappeler le rôle attendu des IPA dans les soins primaires (lire notre article).
Autre point d'inquiétude : la dernière version du projet de décret, transmis le 24 avril par la DGOS aux organisations, ne fait plus mention de la santé mentale et de la psychiatrie comme domaine d'intervention de l'IPA. Les infirmiers rappellent que la psychiatrie "est sans cesse pointée du doigt tant elle peine à s'adapter à l'évolution des besoins des patients et de leurs proches désormais majoritairement suivis en ambulatoire". Par conséquent, estiment-ils, l'IPA pouvait dans ce domaine répondre aux besoins identifiés. Mais cette mention a donc disparu du projet de texte. "Qu'est-ce qui motive ce revirement ? A-t-on bien mesuré les conséquences pour les patients et les familles de cette décision ?" interrogent les professionnels.
Une mise en œuvre plus rigide
Autre fait "surprenant", le texte proposé, dans son article 5, acte pour la profession "une rigidification extrême de la mise en œuvre de l'exercice en pratique avancée". Et les infirmiers de préciser : alors qu'ils demandaient "un document validé par l'équipe", il est désormais question de "rédiger un protocole descriptif précisant les règles de collaboration signé par le médecin et l'infirmier". Une mesure qualifiée "d'inutile" dans le plaidoyer infirmier, "eu égard aux compétences développées" par ces derniers. Ils estiment en outre que cela prête à confusion entre pratique avancée et coopération entre professionnels de santé. En filigrane, c'est une nouvelle fois le "lobbying médical" qui est dénoncé (lire notre article).
C'est pourquoi, et ce d'autant plus au regard des systèmes de santé étrangers ayant déjà mis en place la pratique avancée, les infirmiers français demandent de "dépasser le conservatisme qui bloque systématiquement toute tentative d'introduction de ces modèles dont l'efficacité ne peut être questionnée". Ils prônent une vraie modernisation et attendent les moyens d'atteindre les objectifs fixés dans la stratégie nationale de santé "en faisant de la démocratie sanitaire une réalité".
Des avancées tout de même
Malgré de vives inquiétudes dans les rangs infirmiers, quelques avancées sont aussi soulignées malgré les déceptions. "Restons positifs", confie un professionnel proche du dossier à Hospimedia. Dans la dernière version étudiée, est par exemple prévue la mise en place d'une indemnisation pour perte de ressource pour les infirmiers libéraux souhaitant suivre la formation IPA. Des modalités de validation des acquis de l'expérience (VAE) sont aussi à l'étude. Il devrait cependant être indispensable de valider un master en pratique avancée pour obtenir le diplôme d'État d'IPA. Seules quelques compétences devraient pouvoir être validées par VAE.
* Sont signataires de ce plaidoyer : l'Ordre national infirmier, le Collège infirmier français (Cif), l'Association française des directeurs des soins (AFDS), l'Association nationale des puériculteurs diplômés et des étudiants (ANPDE), l'Académie des sciences infirmières, la Coordination nationale infirmière (CNI), la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi), le Syndicat national des infirmiers et infirmières éducateurs de santé (Snies-Unsa), le réseau de la pratique avancée en soins infirmiers (GICRéPasi), l'Association nationale française des infirmières et infirmiers diplômés et étudiants (Anfiide) et l'Association française des infirmiers de dialyse, transplantation et néphrologie (AFDTN).
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