Après le mouvement social du mois de janvier dans les prisons, « Le Monde » a pu passer quatre jours dans la maison d’arrêt. Notre reporter a partagé le quotidien des surveillants, de jour comme de nuit.
L’équipe de nuit vient de prendre son service. Il est 19 heures à Fleury-Mérogis (Essonne), la plus grande prison d’Europe (4 320 détenus). Les lourdes grilles censées fermer l’accès à chaque coursive – trois immenses couloirs de 80 mètres – sur les quatre étages du bâtiment D2, sont grandes ouvertes, celles qui permettent de descendre par les escaliers aussi. « Le système qui commande, à partir du rez-de-chaussée, l’ouverture des grilles au passage du rondier [le surveillant chargé de la ronde] est en panne. C’est peut-être pas très réglementaire pour la sécurité, mais c’est plus pratique pour nous », explique « Olivier » (les prénoms ont été changés pour des raisons de sécurité), un surveillant à l’accent ch’ti. Dans les autres bâtiments, restaurés plus récemment, ça fonctionne.
« On est là, surveillant, t’inquiète ! », lance une voix, quand Olivier vérifie, par l’œilleton, la présence des deux détenus qui se partagent une cellule de 9 m². Il y a quelques mois encore, quand la population du D2 avait dépassé les 920 occupants pour 440 places, des matelas au sol avaient dû être ajoutés. La ronde se poursuit et Olivier s’arrête devant une autre porte. « Mais oui, vous êtes toujours aussi beaux ! », lance-t-il, en surprenant deux détenus en slip, en pleine séance de musculation.
C’est l’heure de la « ronde des feux », le moment où Olivier, l’allure fragile malgré son 1,80 m, doit s’assurer, avec son collègue originaire de Mayotte, de la présence de chaque détenu sans ouvrir sa cellule. D’ailleurs, ils ne le pourraient pas : la nuit, seul leur supérieur, le « premier surveillant », a les clefs. Celui-ci, un homme de petite taille à la barbe noire façon hipster, s’inquiète : « Ce soir, ça s’annonce mal. » Des « ninjas », ces surveillants équipés d’encombrantes tenues pare-coups, viennent d’amener au quartier disciplinaire deux « clients » du bâtiment D3. L’un d’eux a tenté d’agresser un collègue, en fin d’après-midi, à l’aide d’une fourchette aiguisée. Ils sont arrivés en fourgonnette, tant la prison est vaste (30 hectares).
A Fleury, 65 % des 1 200 surveillants sont stagiaires
Le D2, où s’entassent ce soir 860 détenus, regroupe des personnes non encore jugées, donc présumées innocentes, sous mandat de dépôt criminel ou correctionnel. Les 78 cellules du quartier disciplinaire, le « QD », sont au quatrième étage. Les rondes y ont lieu toutes les heures en raison d’un risque de suicide plus élevé. Idem au rez-de-chaussée, dans le secteur réservé aux « arrivants » : là aussi, il s’agit surtout de vérifier qu’aucun détenu n’a tenté de se pendre ou de se sectionner les veines.
« Hep, surveillant, regardez », interpelle un homme fraîchement installé au QD quand le rondier originaire de Mayotte colle son œil à la porte. « Putain ! il s’ouvre l’avant-bras », réagit-il, incrédule. Le chef appelle du renfort. « Quand on monte au QD, on vient en nombre, on ne sait jamais sur quoi on tombe », justifie-t-il. Cette fois, ils sont quatre et découvrent un détenu a priori très calme. Il est là, derrière une grille de sécurité, à un mètre du seuil de la cellule. Le sol est couvert de taches de sang. Une fourchette en plastique lui a permis de rouvrir une blessure qu’il s’était déjà infligée au bras. Il n’explique pas son geste.
La médecin de garde est appelée à la rescousse. « Ça fait deux heures que je ne fais que ça », peste-t-elle en montant les quatre étages. « “Je me suis coupé parce que j’ai pas la télé, parce que je veux être transféré”, parce que ceci ou cela… Ils ne savent faire que ça, c’est leur technique pour être écoutés. » Jugeant l’état de l’intéressé incompatible avec son maintien au QD, elle suspend la sanction pour cinq jours. « Je ne savais pas qu’il avait agressé un de vos collègues au D3 », s’excusera-t-elle par la suite auprès des surveillants, restés silencieux tout au long de l’intervention, mais dont le dépit se devine sans mal.
« Je croyais qu’en France, c’était comme aux Etats-Unis et qu’on battait les détenus. En réalité, on fait du service à la personne, de l’assistanat, c’est comme une crèche avec de grands enfants », explique un gardien stagiaire
Pour veiller sur ces centaines de détenus, le chef et le ch’ti sont accompagnés cette nuit de six surveillants, dont cinq stagiaires sortis de l’école il y a moins d’un an. Le jeune Mahorais est l’un d’eux. A 33 ans, il est en passe d’être titularisé après un an passé à Fleury. L’aboutissement, pour lui, d’une reconversion. « Il y avait une grosse campagne de recrutement à Mayotte, raconte-t-il. J’ai passé en même temps les concours de contrôleur des impôts, de secrétaire administratif du ministère de l’intérieur et de technicien géomètre. »
Pourquoi, dès lors, avoir choisi la pénitentiaire ? « Le concours de surveillant est le premier dont j’ai eu le résultat. » La prison n’est pas ce qu’il imaginait. « Je croyais qu’en France, c’était comme aux Etats-Unis et qu’on battait les détenus. En réalité, on fait du service à la personne, de l’assistanat, c’est comme une crèche avec de grands enfants. » Il dit n’avoir jamais été confronté à la violence en douze mois. Comme lui, 65 % des 1 200 surveillants de Fleury-Mérogis sont stagiaires. Un sur deux est originaire des DOM et bénéficie de deux mois de vacances supplémentaires tous les trois ans.
« TIS », « terroristes islamistes » dans le jargon pénitentiaire
Dans ce monde à part, où surveillants et détenus apprennent à se connaître, les surnoms pullulent, « Branlecouilles » ou « le Chat », pour les uns, « Rasta » ou « Brasil », pour les autres. L’important pour les hommes en bleu est de rester anonyme à l’égard de détenus dont ils ne sont pas censés savoir ce qu’ils ont fait. La présence de vingt-quatre « TIS » – « terroristes islamistes » dans le jargon pénitentiaire – répartis dans le D2 alimente cette inquiétude. Au total, 127 personnes sont détenues à Fleury pour des infractions liées de près ou de loin au terrorisme. En dehors des plus dangereux ou prosélytes, maintenus à l’isolement au D3 – notamment Salah Abdeslam, l’un des responsables des attentats de 2015 à Paris –, ils sont en détention ordinaire.
Au quartier des « arrivants », où deux TIS sont détenus cette semaine, Benoît, un fils de pasteur entré dans la « pénit’ » en 2005, leur apporte autant d’attention qu’aux autres. Cet homme de 44 ans, qui fut laveur de voitures dans une autre vie, est aujourd’hui surveillant principal, un grade acquis à l’ancienneté au bout de dix ans. « La première année, je voulais tous les sauver, se souvient-il. Mais, ils m’ont pris pour un baltringue. La deuxième, je voulais tous les tuer ! » Depuis, il philosophe :
« Ce n’est pas la prison qui fabrique les détenus, c’est la société, et ils y retourneront. »
Benoît confesse avoir toujours du mal avec « cet univers où la gentillesse est prise pour de la faiblesse ».
Ce matin, ses visites le conduisent dans la cellule d’un TIS, histoire de « passer aux nouvelles » et de bavarder. « Quand je sors en promenade, ça fait du bien, mais après, je suis plus mal que si j’étais pas sorti », lui confie celui-ci, un grand gaillard approchant la trentaine. Benoît lui donne quelques conseils de relaxation. Placé en détention provisoire depuis quinze jours, ce « terro » confie faire des cauchemars toutes les nuits… puis fond en larmes. « Forcément, on est touché, même si on n’oublie pas pourquoi ils sont là. »L’infirmier en psychiatrie sera appelé. En raison de la surpopulation carcérale, les « arrivants » restent en moyenne vingt-cinq jours contre les dix prévus dans ce sas destiné à amortir le choc de la détention et à les cerner. Dans ces moments, des relations de confiance peuvent se nouer.
En attendant une éventuelle mutation, il faut tenir la cadence
Benoît ne travaille plus qu’en journée. Le rythme de ses collègues dans les étages, la détention ordinaire, tout cela ne lui manque pas. « Quand t’as une rémunération qui te permet d’avoir un poste fixe, tu n’hésites pas », dit-il. Une jeune surveillante, dont le mari continue les nuits, se réjouit pour d’autres raisons d’être au service du planning des agents, « après six ans de nuits ». A près de 1 600 euros par mois, elle a perdu 300 euros, entre les heures supplémentaires, les primes de travail nocturne et de dimanche, mais elle rentre tous les soirs s’occuper de sa fille.
Olivier, le ch’ti, n’en est pas là. Après six années à Fleury, il vient d’apprendre sa réussite à l’épreuve écrite du concours de premier surveillant. Malgré tout, il ne se présentera pas à l’oral. Son regard clair s’illumine derrière des Ray-Ban à monture noire épaisse : « Il y a, cette année, huit postes libres à la prison de Laon [préfecture de l’Aisne] et je suis troisième sur la liste. » Pas question, pour lui, de laisser échapper cette occasion de se rapprocher de sa région d’origine. Et tant pis pour le grade et l’augmentation… De toute façon, il économisera les 340 euros de loyer de la chambre de 23 m² qu’il occupe dans un foyer situé à 500 mètres de la prison et les frais d’essence pour regagner les Hauts-de-France à chaque période de repos.
En attendant une éventuelle mutation, il faut tenir la cadence. Quand son équipe est du matin (6 h 45-13 heures), les uniformes bleus sont trois fois plus nombreux dans les étages, sans compter les officiers et le personnel administratif. Toutes les grilles sont bouclées, commandées à chaque étage par un surveillant enfermé dans le « rond-point », une cage de verre vers laquelle convergent les coursives, ces longs couloirs identifiables à leurs différentes couleurs. Olivier est seul à gérer la sienne au deuxième étage, la bleue, celle du milieu. L’administration lui confie une clef, celle qui ouvre les 50 cellules de sa coursive, et un effectif, aujourd’hui 85 détenus. Dès 7 heures, son va-et-vient entre les cellules commence par l’appel.
En infériorité numérique tout au long de la journée
Un visage embrumé, les yeux gonflés, émerge d’une cellule plongée dans le noir et dépose un sac-poubelle à l’extérieur. Les poubelles sont ramassées tous les matins. Si les détenus ne sont pas assez réactifs quand Olivier ouvre la porte, le ramassage attendra le lendemain. « En haut ? », répète-t-il jusqu’à ce qu’un avant-bras se lève péniblement pour témoigner de la présence du second détenu couché à l’étage du lit superposé.
Sur quelques portes, une feuille scotchée annonce « Ouverture à 2 agents ». Cela signifie que le détenu en question est un TIS, un agressif ou un instable, laissé seul par précaution. « Ouverture à 2 + 1 », prévient un autre message, sur une porte voisine. Cette fois, c’est plus sérieux : deux surveillants doivent être accompagnés du « premier surveillant », le seul à disposer d’une paire de menottes pour toute « arme », tandis que ses collègues n’ont qu’un sifflet pour donner l’alerte en cas de pépin.
Tout au long de la journée, ils sont en infériorité numérique. « Je n’ai jamais eu peur, mais il faut toujours rester sur ses gardes », glisse l’homme chargé de la coursive orange. Lui est stagiaire. Et seul pour 89 détenus. Heureusement, le calme règne, les détenus sont disciplinés, on est loin des scènes de violence et des flots d’insultes souvent rapportées à l’extérieur. Un mélange d’autorité affichée, de complicité plus discrète, sans doute aussi de résignation et de rapports de force bien compris de part et d’autre fait que cela se passe bien, presque dans la sérénité.
Distance parcourue en une matinée : 14 km !
A l’ouverture d’une cellule, un détenu interpelle Olivier. « Surveillant, faut vraiment qu’il voie le médecin mon “co” [codétenu], il a toujours du mal à respirer. » La veille, au retour de la promenade, le jeune homme s’était plaint de douleurs aux poumons. Le surveillant a fait le nécessaire, un rendez-vous médical a été fixé. Mais l’intéressé refuse maintenant de quitter sa cellule, affirmant ne plus souffrir. « La prochaine fois, ce sera tant pis pour lui, puisqu’il préfère rester au lit », conclut Olivier.
Quand vient l’heure du départ des « auxis » – les auxiliaires employés aux cuisines, au ménage des coursives ou à la distribution des repas –, dix-sept détenus sont extraits de leurs cellules et se retrouvent face aux grilles, à attendre que le rond-point leur ouvre. Trois collègues sont venus épauler le ch’ti, mais cela reste un rapport de quatre face à dix-sept… La palpation effectuée à chaque sortie de cellule ressemble davantage à une tape sur les épaules, les hanches et les mollets qu’à une fouille. « Au fait, ils ont fait quoi Paris hier ? », lance le surveillant à une armoire à glace qu’il sait fan du PSG, histoire de détendre l’atmosphère.
Tous les mouvements de la matinée sont consignés sur une petite feuille. Olivier court d’un bout à l’autre de la coursive pour sortir un à un les détenus au rythme de leurs activités. A son programme : trois extractions judiciaires à 7 h 30, un parloir avocat à 8 h 15, un autre à 10 heures, trois visites à l’infirmerie, quatre « scolaires », une « bibliothèque », onze « sports »… Un jour, un de ses collègues a eu l’idée de mesurer avec un podomètre la distance parcourue en une matinée : 14 km !
Plus de 500 portables seraient présents dans le D2
Un haut-parleur crache des ordres aussi assourdissants qu’indéchiffrables. On se croirait sur le quai d’une gare perdue. « Retour parloir ! », « Mains dans les poches ! »… Dans les coursives, les casquettes et les mains dans les poches sont interdites. Un groupe de malabars en sueur déboule. C’est le retour de la salle de musculation. « Il faut faire vite pour les rentrer, parce qu’ils sont souvent encore excités de leurs exploits », prévient Fanty, 31 ans. Stagiaire depuis septembre 2017, elle gagne 1 481 euros net par mois, sans les heures sup’. Femme dans un milieu d’hommes, elle n’en souffre pas. « C’est sûr, certains tentent leur chance et sont un peu lourds, mais ils voient la femme avant de voir l’uniforme, alors ça apaise plutôt. » Le plus dur, à l’entendre, ce n’est pas la gestion des détenus, mais la séparation d’avec sa fille, restée chez sa grand-mère en Martinique.
« Ce n’est pas parce qu’on va refuser de passer un paquet de cigarettes d’une cellule à une autre qu’on se fera respecter », se justifie un surveillant de 24 ans. « Faut leur laisser un peu d’air. On peut rendre des services à ceux qui vous respectent »
Tous les jours, les surveillants ont une cellule à fouiller par étage. Une sur 150. Olivier regarde par l’œilleton de la 38 et met son pied devant en déverrouillant la porte, au cas où quelqu’un la pousserait violemment. « Les gars, fouille ! » Un homme râblé, grisonnant, sort sans dire un mot pour patienter dans le couloir le temps que son « co » se déshabille pour une fouille à nu. Puis vient son tour. L’opération est rapide, sans protestation, comme un rituel obligé.
Une fois les deux quinquagénaires enfermés dans la « salle d’attente » du rond-point – un lieu sécurisé prévu à cet effet –, la fouille peut commencer. « C’est toujours comme ça, on est en retard, il reste cinq minutes pour la faire. » Par quel bout commencer ? Le sol est encombré de paires de chaussures, de packs de lait, d’eau et de Coca. Sur l’étagère, des boîtes de conserve, du tabac, divers produits de toilette. Ici, les détenus « cantinent » sans limite, grâce au pécule qu’ils gagnent ou à l’argent envoyé par les familles. « Ils savent que plus ils ont de choses, plus on aura du mal à retrouver leur téléphone », commente, désabusé, Olivier en décrochant un « yoyo », une lanière découpée dans un drap pour faire passer des objets d’une cellule à une autre par les fenêtres.
« Les gars ont été corrects, alors je n’ai pas mis leurs draps ni leurs affaires par terre, poursuit-il. Le week-end, on peut trouver des choses, on a davantage de temps et il faut bien une demi-heure à trois pour tout fouiller. » Les meilleures cachettes ? Le double fond dans le stick déodorant ou la boîte de sel. Plus de 500 portables seraient présents dans le D2, estime le chef du bâtiment. « Ils entrent par les parloirs, mais pas que… », dit-il d’un air entendu.
L’empathie est parfois plus forte que le règlement
« Pour la sécurité, il nous faudrait des effectifs, pas des gilets pare-balles », commente un surveillant encore tout fier d’avoir été du mouvement social de janvier. « J’ai l’impression d’avoir participé à quelque chose de grand. » Un autre, dégoûté, a déchiré sa carte de l’UFAP, le syndicat majoritaire, signataire de l’accord. « Au plus fort du mouvement, quand tout le monde nous écoutait, on a tout arrêté », regrette-t-il. Les sanctions tombées en application du statut, qui bannit le droit de grève, ont ajouté à l’amertume ambiante. « Je n’ai jamais fait autant de cartes en quinze jours, seize sur le bâtiment », se vante le délégué FO du D2.
Pas de doute, une odeur de joint flotte devant une cellule. Le cannabis n’est pas plus légal ici que dehors, mais les surveillants ferment yeux. Les boulettes saisies sont jetées dans les toilettes. « En sortant de l’école, on applique le règlement, on dit non à tout », explique un surveillant de 24 ans, dont trois à Fleury. « Mais, ce n’est pas parce qu’on va refuser de passer un paquet de cigarettes d’une cellule à une autre qu’on se fera respecter, se justifie-t-il. Faut leur laisser un peu d’air. On peut rendre des services à ceux qui vous respectent. »
L’empathie est parfois plus forte que le règlement. La gêne aussi. Nous voici maintenant dans le secteur des parloirs, au cœur de l’étoile que forment les cinq bâtiments de cette cité pénitentiaire démesurée. Deux rangées de vingt cabines sont alignées de part et d’autre d’un couloir que parcourt un homme en bleu. Dans chaque porte, un hublot permet de contrôler ce qu’il se passe entre le détenu et son ou ses visiteurs.
Une jeune femme embrasse vigoureusement son compagnon sur lequel elle est assise à califourchon. En principe, les relations sexuelles sont interdites au parloir. « S’ils font ça discrètement, je les laisse faire leurs affaires, ce sont des hommes, je comprends », explique le surveillant. « Et puis, si tu l’embêtes avec sa copine, je te garantis que demain quand tu vas le croiser sur la coursive il va te faire chier. » Le mieux, pour éviter de se sentir voyeur, est de ne pas trop surveiller le parloir… La sécurité est censée être garantie par les fouilles intégrales.
Aujourd’hui, un détenu sur cinq y a droit en sortant du parloir. La plupart remontent ensuite au D2 avec de grands sacs de linge apportés par les familles, reparties avec les affaires sales. C’est ainsi : il n’y a pas de laverie à Fleury ; ceux qui n’ont pas de visiteurs font leur lessive dans leur cellule.
Il est 2 h 30 du matin, le calme est revenu
Retour à l’équipe de nuit. Il est 2 h 30, le calme est revenu. Les hurlements de détenus qui se parlent au travers des portes ou par les fenêtres ont cessé. Dans la salle des surveillants, une émission sur les transgenres passe sur la chaîne Chérie 25. Fanty regarde sans regarder tandis qu’un collègue cherche le sommeil sur une chaise entre deux rondes. Dans le rond-point central, fusent les insultes d’un détenu à partir de l’Interphone de sa cellule : « Fils de pute, enculé de ta race ! » Le déluge dure trente secondes.« C’est toujours plus facile à distance », réagit, stoïque, le surveillant. Au dispatching central de la maison d’arrêt, un fourgon de police arrive du dépôt du palais de justice de Bobigny. Cinq hommes vont passer leur première nuit en prison. Le greffe pénitentiaire de Fleury-Mérogis est le seul ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours par an.
Au bout de la nuit, le ch’ti prend la route pour rentrer chez lui, sans avoir dormi. Il est heureux, demain, il a un jour de repos pour accompagner sa femme enceinte à une échographie. Ce n’était pas gagné : en mars, un congé sur deux est supprimé, faute d’effectifs suffisants au D2.
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