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mercredi 28 février 2018

L’inquiétante banalisation de la contention

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Les dérives se multiplient concernant la prise en charge des malades mentaux. Agnès Buzyn reste étonnamment en retrait.

Pour justifier les réformes de notre système hospitalier, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, met souvent en avant la question de «la pertinence des soins». Ce qui se passe actuellement dans la psychiatrie publique en est un triste exemple. Les révélations de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté sur la psychiatrie au CHU de Saint-Etienne font suite aux traitements inhumains pointés à l’hôpital psychiatrique d’Amiens (lire Libération du 20 novembre 2017 ) ou encore aux révélations sur la situation de l’hôpital psychiatrique de Bourg-en-Bresse avec des patients enfermés pendant plusieurs années (lire Libération du 25 mars 2016 ).

Bref s’accumulent une série de signaux inquiétants sur les pratiques, pointant une prise en charge «indigne» des malades mentaux en France. Bien loin de la pertinence élémentaire que l’on pourrait attendre. On n’est plus dans une mauvaise prise en charge, mais dans une maltraitance avérée, qui parfois pourrait relever de la justice.
Banalisation.
Cette dérive est d’autant plus inquiétante qu’elle s’institutionnalise. Depuis dix ans, on assiste à la multiplication dans tous les services de psychiatrie de chambres d’isolement, qui n’existaient pas il y a vingt ans. On constate une banalisation des pratiques de contention. Tout cela intervient dans un contexte de hausse régulière des hospitalisations sans consentement. «Quoi qu’on en dise, toutes ces pratiques sont des échecs de prise en charge», nous disait l’ancien député socialiste Denys Robiliard, auteur de rapports sur le sujet. «La contention est un indicateur de la bonne ou de la mauvaise santé de la psychiatrie. Plus la psychiatrie va mal, plus la contention sera utilisée», répète souvent Jean-Claude Pénochet, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux.

«Besoins».
Devant ces dévoiements, la ministre de la Santé n’a pas eu un mot, en particulier lorsqu’elle a présenté un plan en 12 mesures sur la psychiatrie, le mois dernier. «La psychiatrie est une discipline d’avenir, a-t-elle déclaré, mais l’organisation des soins en santé mentale et leur place dans la société ne sont pas à la hauteur de ce constat. La prévention est insuffisante et les diagnostics trop tardifs», a déploré Agnès Buzyn. Certes, mais après ? «La psychiatrie sera l’une des premières disciplines concernées par les financements des parcours innovants, avait alors ajouté la ministre. Je serai particulièrement vigilante à ce que le financement de la psychiatrie permette de répondre aux besoins de la population. C’est pourquoi je veillerai à ce que le budget de la psychiatrie soit préservé dans les Groupements hospitaliers de territoires et dans les hôpitaux généraux.»

Propos bien administratifs. Dans son plan, la ministre a repris les recommandations de divers rapports officiels, comme le fait que tous les généralistes devront lors de leur formation suivre un stage en psychiatrie, ou que les infirmiers pourront acquérir une «surspécialité» en psychiatrie. Elle a aussi souhaité la mise en place d’«indicateurs de qualité. Ces outils sont précieux pour piloter les politiques publiques». Qualité : le mot est de nouveau lâché. Lorsqu’on voit le manque parfois cruel de moyens en personnel, la multiplication de pratiques honteuses comme à Saint-Etienne, on a du mal à comprendre pourquoi la ministre ne prend pas le dossier plus au sérieux.
É.F.

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