Le document de travail remis, jeudi 15 février, par le gouvernement aux partenaires sociaux propose quelques pistes de réflexion. Syndicats et associations mettent en avant la nécessité de favoriser le maintien dans l’emploi.
LE MONDE | | Par Catherine Quignon
Réunissant les syndicats d’employeurs et de salariés autour de la table, le gouvernement a lancé, jeudi 15 février, une concertation destinée à réformer la politique de l’emploi en faveur des personnes handicapées. Premier volet : la révision de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) dans les secteurs public et privé. Autrement dit, la refonte de la politique des « quotas ». Ce sont principalement les pistes du rapport de l’Igas (lien vers PDF) qui sont sur la table des négociations.
Jusqu’ici, les entreprises de plus de vingt salariés comptant moins de 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs doivent payer une « contribution » finançant les aides à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Mais elles peuvent bénéficier de nombreuses exemptions.
Ce système montre ses limites : malgré une progression du taux d’emploi des personnes handicapées, leur taux de chômage stagne à un niveau deux fois supérieur à la moyenne nationale (18 % contre 9 %). Et les fonds qui financent les dispositifs d’insertion – l’Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) pour les salariés du privé et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) – tirent la langue.
« Tout est envisageable », a affirmé la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel, citée par l’AFP, lors du lancement de la concertation. Mais le document de travail remis par le gouvernement aux partenaires sociaux, et dont Le Monde a eu connaissance, met en avant quelques pistes. Et en exclut d’autres.
Simplification
Tout d’abord, pas question de revenir sur le principe des « quotas » en lui-même. C’est d’abord une volonté de « simplification » qui est mise en avant par le gouvernement. Sophie Cluzel a déjà annoncé que les déclarations des employeurs relatives à leur OETH seraient simplifiées. Ces déclarations seront intégrées à la déclaration sociale nominative (DSN) à partir de 2020. Le sujet fait consensus : les règles de décompte actuelles des salariés sont un vrai casse-tête pour les entreprises.
« Il y a trop de possibilités de contournement de la règle des 6 % » Bruno Le Maire ministre de l’économie
Mais dans le cadre de cette simplification, plusieurs mesures auraient l’avantage d’augmenter à la marge l’obligation d’emploi des entreprises. Certaines sont très techniques : il pourrait être question, par exemple, de supprimer la « règle de l’arrondi » (les employeurs peuvent arrondir à l’unité inférieure le nombre « d’unités » qui leur manquent pour atteindre les 6 %). Ou bien de limiter la prise en compte des stagiaires et des intérimaires dans l’effectif des travailleurs handicapés de l’entreprise. Le document de travail propose aussi de « réduire la complexité » des nombreuses possibilités de minorations qui existent pour les employeurs : en 2013, 48 % des établissements n’atteignant pas le seuil légal d’emploi ont bénéficié de minorations de leur contribution.
Les entreprises n’atteignant pas le seuil des 6 % peuvent notamment bénéficier d’une minoration en raison d’emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières (ECAP), lorsqu’elles appliquent un accord agréé en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés ou encore lorsqu’elles ont recours au secteur adapté ou protégé. Le document de travail remis aux syndicats évoque la possibilité de revenir sur ces exemptions. « Il y a trop de possibilités de contournement de la règle des 6 % », a déclaré le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, lors du lancement de la concertation.
Mettre à contribution les petites entreprises
Deux autres propositions, plus radicales, figurent dans le document de travail du gouvernement : il pourrait s’agir de « faire évoluer les modalités de calcul du seuil d’assujettissement aujourd’hui fixé à vingt salariés ou moins » et de « renvoyer au décret la fixation du taux de l’obligation ». Autrement dit, mettre à contribution les entreprises de moins de vingt salariés, aujourd’hui exemptées de l’obligation d’emploi, et laisser aux pouvoirs publics la possibilité de revoir à la hausse le « quota » de 6 %, aujourd’hui inscrit dans la loi.
« On est en attente d’un plan Marshall de la politique des personnes handicapées » Christophe Roth délégué national CFE-CGC
En revanche, le document reste silencieux sur une proposition clé du rapport de l’Igas : la mise en place d’un système de bonus/malus, via l’introduction d’une « contribution négative » pour les entreprises les plus méritantes en matière de recrutement et de maintien dans l’emploi des personnes handicapées. Trop complexe à mettre en œuvre ?
Cette proposition a néanmoins les faveurs de plusieurs responsables syndicaux et associatifs. « Le bâton ne suffit pas ; il faut aussi une carotte », est d’avis Arnaud De Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail (FNATH).
Du côté des organisations patronales c’est le silence face à ces délicates questions. Le Medef préfère ne pas se prononcer, estimant qu’il est encore « trop tôt » à ce stade de la concertation. Du côté des syndicats de salariés, FO se dit « favorable au fait de faire participer toutes les entreprises et de les inciter à faire encore mieux » indique Anne Baltazar, secrétaire confédérale chargée du handicap au sein de Force ouvrière (par ailleurs présidente de l’Agefiph).
Du côté de la CFE-CGC, le discours est plus radical. Christophe Roth, délégué national « santé au travail et handicap » et « services publics » au sein de la confédération, dénonce le risque de « saupoudrage ». « On est en attente d’un plan Marshall de la politique des personnes handicapées », fait valoir le responsable syndical, par ailleurs membre du comité national du FIPHP et chargé de mission de la convention CFE-CGC Agefiph.
Favoriser le maintien dans l’emploi
Une autre proposition fait la quasi-unanimité contre elle : la fusion du FIPHFP et de l’Agefiph, voire le pilotage de cette nouvelle instance par Pôle Emploi. Il faut dire aussi que les syndicats participent à leur gestion. Un référé de la Cour des comptes a d’ailleurs ciblé les coûteuses subventions versées par l’Agefiph aux organisations patronales et syndicales.
parmi les engagements du quinquennat figure l’accueil d’au moins 6 % d’apprentis handicapés dans le secteur public
Au-delà de la refonte de l’obligation d’emploi, syndicats et associations mettent en avant la nécessité de favoriser le maintien dans l’emploi. La CFE-CGC insiste sur la question des salariés déclarés inaptes par le médecin du travail – une procédure qui a souvent pour conséquence le licenciement du salarié. La confédération propose notamment d’aménager des « périodes transitoires de formation et de réinsertion prise en charge financièrement ».
« Le maintien dans l’emploi est un sujet majeur pour l’emploi des personnes handicapées », confirme Patrice Tripoteau. Le directeur général adjoint de l’Association des paralysés de France (APF) fait également valoir la nécessité de travailler sur d’autres sujets, comme l’accessibilité ou l’apprentissage.
Le gouvernement met aussi en avant le développement de l’apprentissage pour favoriser l’emploi des travailleurs handicapés : parmi les engagements du quinquennat figure l’accueil d’au moins 6 % d’apprentis handicapés dans le secteur public. Mais la question de l’accessibilité, coûteuse, reste problématique, malgré les évolutions législatives. « Des bâtiments qui ont été rénovés il y a quarante ans ne répondent pas à l’obligation d’accessibilité », pointe Patrice Tripoteau.
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