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vendredi 19 janvier 2018

Raisons d’autistes

Dans « A quoi pensent les autistes ? », le pédopsychiatre Martin Joubert raconte la vie inversée ou illogique de plusieurs enfants incapables d’entrer dans l’univers de la raison commune.

LE MONDE  | Par 

John, jeune autiste.
John, jeune autiste. Kathy Sunderman/CC BY 2.0


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A quoi pensent les autistes ?, de Martin Joubert, Gallimard, « Connaissance de l’inconscient », 168 p.

Depuis des décennies, la question de la définition et du traitement de l’autisme est devenue l’enjeu d’une terrible bataille politique et clinique, avec injures, passions, procès et menaces en tous genres. Autant dire qu’il faut un vrai courage pour aborder la question des enfants autistes du point de vue de la psychanalyse à une époque où personne n’est encore en mesure de découvrir les causes exactes de cette étrange maladie. Plusieurs auteurs français contemporains, parmi lesquels Geneviève HaagPierre Delion et Henri Rey-Flaud, ont pris le risque de déchiffrer la pensée de ces enfants qui, à la manière de Jorge Luis Borges, lancent un défi à toute forme de rationalité.

Telle est aussi la visée du livre de Martin Joubert. Pédopsychiatre et membre de la Société psychanalytique de Paris (SPP), l’auteur raconte ici la vie inversée ou illogique de plusieurs enfants incapables d’entrer dans l’univers de la raison commune : Laurent, Jérémie, Hector et quelques autres encore.
Drôles de bonshommes

Chaque fois que Laurent se rend chez son thérapeute, il pose des questions incongrues : « Pourquoi on pleure quand quelqu’un meurt dans la famille ? (…) Pourquoi les grands-parents sont les parents des parents ? » De son côté, interrogé par son institutrice sur ce qu’est une urne, Jérémie répond, imperturbable : « C’est une boîte où il y a un président. » Quant à Hector, pris en charge par une équipe à l’âge de 3 ans, il va dessiner, pendant plusieurs années, de drôles de bonshommes tout en s’intégrant par le toucher à la communauté des soignants et des autres enfants.
Lorsqu’il entre dans sa neuvième année, après de nombreuses péripéties et l’arrivée d’un demi-frère, il définit les contours nouveaux de son bonhomme en perpétuelle évolution : les jambes ressemblent à des nageoires et les yeux sont cerclés de lunettes. Le bonhomme porte dans son ventre une forme ronde aux traits ondulés : « C’est une gargouille, dit Hector, il a mal au ventre parce qu’il a quelque chose dedans. » L’enfant note au verso les prénoms de tous les élèves de sa classe et, du coup, Joubert suggère que le bonhomme à lunettes est peut-être la maîtresse. Hector répond aussitôt qu’il ne faut pas le dire, avant de qualifier celle-ci de « mauvaise maîtresse ». Au fil des années, il est donc parvenu, à travers les métamorphoses de ses dessins, à construire son identité corporelle et surtout à saisir l’univers conflictuel de toute relation à autrui.

Même si parfois les interprétations sont tirées par les cheveux, comme celle de la prétendue « transaction anale » qui permettrait à l’enfant de réorienter sa « pulsionnalité »,l’ouvrage reste une contribution passionnante et fort bien écrite au décryptage de la pensée autistique.


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