A Souilly, dans la Meuse, un établissement pour personnes âgées pratique depuis décembre les soins médicaux avec une tablette et des objets connectés.
« Bonjour, c’est le docteur Pancher, c’est la première fois qu’on se rencontre. C’est une première consultation un peu particulière… » Installé dans la salle de soins au rez-de-chaussée de l’Ehpad Les Eaux vives à Souilly (Meuse), près de Verdun, où il vit depuis deux ans, Roger Didion, 79 ans, découvre sur la tablette tactile posée en face de lui le visage de son nouveau médecin traitant, en visioconférence depuis son cabinet, à 13 km de là.
« L’infirmière va vous ausculter… Enfin, c’est moi qui vais vous ausculter. Elle va poser le stéthoscope sur votre cœur », explique à distance Dominique Pancher, avant de demander à son nouveau patient de « respirer fort par la bouche ». Après quelques minutes d’échanges, et au tarif d’une consultation standard à 25 euros, le médecin a renouvelé l’ordonnance de kinésithérapie et prescrit un anti-inflammatoire pour une douleur au cou, via une ordonnance immédiatement accessible sur l’ordinateur de la salle de soins. Roger Didion est satisfait, bien conscient que les médecins, aujourd’hui, « ne veulent pas se déplacer ».
Si cette téléconsultation n’a en soit rien de bien spectaculaire, aux Eaux vives, elle change tout. Avant la mise en place, en décembre 2017, de ce service proposé par la société Toktokdoc pour 4 000 à 5 000 euros par an, et permise grâce à une aide financière de l’agence régionale de santé, aucun des 30 résidents de cet établissement privé à but lucratif situé en zone rurale n’avait de médecin traitant.
Baisser le nombre d’hospitalisations
Conséquence : l’équipe médicale était obligée de bricoler. Bien que ce ne soit pas dans ses attributions, Karen Blondel, le médecin coordonnateur de trois maisons de retraite, dont celle de Souilly, se retrouvait à dépanner quand cela était nécessaire. « Il y a un protocole quand je ne suis pas là, avec une liste de cinq à six médecins à appeler, raconte-t-elle. Cela se termine les trois quarts du temps aux urgences car les médecins ne se déplacent pas. » En hiver, les urgences sont ainsi sollicitées en moyenne deux fois par semaine.
Ces dernières années, deux tentatives d’installation de praticiens roumains dans la maison médicale créée par le village de 400 habitants ont échoué. Les généralistes du secteur, débordés, refusent de se déplacer jusqu’à l’Ehpad. A la maison de santé de Dieue-sur-Meuse, à un quart d’heure de voiture, où il exerce avec quatre confrères, le docteur Pancher dit voir chaque jour, de 8 heures à 19 heures, entre 35 et 50 patients. Parfois 60.
« Faire un aller et retour à Souilly me prend trente minutes. Cela veut donc dire qu’il y a trois patients que je ne vois pas dans mon cabinet ou que je travaille trente minutes de plus le soir. »
La possibilité de glisser une téléconsultation au milieu des consultations en face-à-face a changé la donne. Quatre généralistes du secteur (dont deux de Verdun, à 20 kilomètres) ont déjà accepté de participer. Résultat : en quelques semaines, 13 des 30 patients de l’Ehpad ont trouvé un médecin traitant, les autres devraient en avoir un d’ici à la fin de l’année. A terme, le docteur Blondel souhaiterait également pouvoir se connecter avec des praticiens du réseau SOS Médecin, joignables 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Ce qui permettrait, selon elle, de faire baisser le nombre d’hospitalisations.
A Souilly, le service en est encore à ses balbutiements. Six téléconsultations ont eu lieu en décembre, après l’entrée en vigueur d’une convention signée entre l’Assurance-maladie (CNAM) et les syndicats de médecins libéraux prévoyant qu’une téléconsultation en Ephad sera payée au tarif d’une consultation standard.
Des zones mal couvertes en haut débit
L’équipe des Eaux vives prévoit déjà qu’il y aura un minimum de quatre téléconsultations par semaine. « On peut régler de 70 % à 80 % des situations en faisant de la télémédecine, mais il y a du contact humain qui risque de se perdre un peu », estime le docteur Pancher, qui reconnaît avoir d’abord été « plutôt réticent » à l’égard de ce dispositif. Il prévoit cependant de mettre en place des horaires fixes de téléconsultation.
Dans les déserts médicaux, qui sont aussi souvent des zones mal couvertes en haut débit, des progrès de la couverture seront toutefois nécessaires. « Entre Souilly et Dieue, l’image est parfois un peu pixelisée ou floue, il y a aussi un petit temps de décalage entre les questions et les réponses », ajoute le médecin.
L’Ehpad participe également à un projet pilote mené par l’agence régionale de santé visant à pouvoir solliciter un médecin spécialiste via la télémédecine.
« Pouvoir joindre directement un pneumologue, un cardiologue, un dermatologue ou un ophtalmologue, même s’il doit être géographiquement éloigné de l’Ehpad, représenterait une grosse bouffée d’oxygène pour nous », assure Karen Blondel.
Signe de l’intérêt suscité par ces projets, la maire de Souilly est récemment venue se renseigner sur la possibilité pour les habitants de la commune de pouvoir venir à l’Ehpad pour bénéficier de téléconsultations.
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