Interpellée par les députés lors d'un débat sur la situation des hôpitaux, la ministre de la Santé a partagé le constat selon lequel les établissements vont "très mal". Elle a expliqué et précisé les réformes et travaux en cours (urgences, attractivité médicale, finances...) pour viser justement à pallier les problématiques actuelles.
Lors d'un débat organisé à l'Assemblée nationale dans la soirée du 17 janvier sur "la situation des hôpitaux", à l'initiative notamment du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR, lire notre article), la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a précisé les réformes et travaux actuellement en cours et à venir, pour répondre aux problématiques soulevées.
La tribune des 1 000 "me soutient"
En ouverture de la séance, les élus GDR ont souligné qu'il y a une "alerte rouge" dans les hôpitaux, récemment illustrée par une tribune signée par un collectif de mille médecins hospitaliers et cadres de santé et publiée le 15 janvier par Libération. Ils s'alarment de la "nouvelle cure de rigueur budgétaire" imposée aux établissements et dénoncent une "baisse de la qualité des soins". La ministre a signalé aux députés dire "la même chose" qu'eux, à savoir que "les hôpitaux vont très mal". "Vous ne pouvez pas dire que je n'ai pas pris la mesure de la gravité de l'État de nos hôpitaux", a-t-elle insisté. Agnès Buzyn a assuré avoir été "l'une des premières à dénoncer" dans la presse la situation, causée notamment "par la réduction de leurs moyens depuis plusieurs années et un mode de tarification qui ne correspond plus à l'identification de la vraie valeur ajoutée" des établissements. "Je vous remercie d'avoir cité la tribune des 1 000 car elle me soutient, a déclaré la ministre. Elle me remercie d'avoir pointé du doigt les difficultés [...] et d'avoir proposé une évolution des tarifs et de l'évaluation de l'activité hospitalière et de sa valorisation."
"Les hôpitaux vont très mal [...], vous ne pouvez pas dire que je n'ai pas pris la mesure de la gravité de l'État de nos hôpitaux".Agnès Buzyn, aux députés de l'opposition.
Questionnée plus précisément sur les problématiques rencontrées par les services d'urgences, Agnès Buzyn a rappelé avoir réuni l'ensemble des urgentistes pour prendre les mesures nécessaires en amont de l'hiver, début décembre, et organiser les hôpitaux "de façon à pouvoir dégager des lits d'aval, en repoussant des activités de routine en cas de pic épidémique, ce qui a été fait dans de nombreuses régions" (lire notre article). Par ailleurs, a-t-elle poursuivi, "différentes missions sont actuellement diligentées par des députés ou par le Conseil national de l'urgence hospitalière [CNUH] pour travailler" sur la situation des urgences, sur l'amélioration de l'organisation entre l'hôpital et la ville, et de l'organisation territoriale de l'accès aux soins.
Des travaux sur les urgences rendus dans le trimestre
Ces saisines "déboucheront dans les trois mois qui viennent sur des propositions pratiques, qui modifieront les organisations et permettront aux urgences d'être mieux régulées". Les travaux se penchent notamment sur la question de l'amplitude horaire des cabinets libéraux et l'ouverture des maisons de santé, a indiqué le ministre, avant d'ajouter que les problèmes sont "multiples" et concernent les lits d'aval, l'organisation de l'amont, les moyens hospitaliers et la démographie médicale des urgentistes. Pour cette dernière, "nous ne trouverons pas de solution évidente dans les années qui viennent, d'où la nécessité de repenser les organisations", a poursuivi Agnès Buzyn.
Outre la mission confiée au CNUH, portant globalement sur une meilleure gestion des flux des urgences, la ministre a signalé avoir demandé la mise en place d'une mission parlementaire sur la prise en charge des soins non programmés (lire aussi notre article). Menée par Thomas Mesnier (La République en marche, Charente), elle vise "à identifier les conditions d'accès en réponse à une demande de soins non programmés des patients, notamment dans le secteur ambulatoire". Enfin, Agnès Buzyn a évoqué le lancement récent du chantier des autorisations (lire notre dossier), qui permettra de "mieux réfléchir à l'organisation de la médecine d'urgence et probablement d'améliorer ses conditions d'application". En somme, a-t-elle résumé, de nombreuses mesures ont été initiées et "devraient être appliquées dans le courant" de l'année 2018.
Attractivité médicale, hôpitaux de proximité et GHT
Les députés ont également questionné la ministre sur la démographie médicale et sur le maintien des hôpitaux de proximité. "Dans le cadre de la réforme des hôpitaux que je souhaite proposer dans le courant de l'année, nous travaillerons sur l'attractivité des carrières et des différents hôpitaux", a annoncé Agnès Buzyn. En permettant aux praticiens "d'accéder à des plateaux techniques de qualité et de partager leur exercice entre plusieurs établissements, les groupements hospitaliers de territoire [GHT] rendront un certain nombre d'hôpitaux beaucoup plus attractifs qu'ils ne le sont aujourd'hui", a-t-elle poursuivi.
Agnès Buzyn a indiqué qu'un "certain nombre de mesures sont prévues qui visent à rendre plus attractifs nos hôpitaux ruraux, nos hôpitaux de proximité". En permettant aux professionnels de partager des plateaux techniques et des projets médicaux, en organisant la gradation des soins entre établissements, les GHT y concourront, a-t-elle insisté. La proximité "restera" mais avec cette gradation. Questionnée plus avant dans le débat sur le temps 2 des GHT, la ministre a indiqué qu'elle souhaite "laisser cette année ou les deux ans qui viennent aux équipes de gouvernance et aux équipes médicales, qui doivent reprendre leur souffle et s'organiser pour répondre à la demande de création de GHT sur le terrain". Mais une réflexion sera menée pour "pousser plus loin les questions de gouvernance, qui pourrait être partagée ou harmonisée".
Effectifs soignants sous tension
Au sujet des effectifs hospitaliers, la ministre a reconnu qu'ils sont "sous tension", tout en soulignant "la croissance régulière de la fonction publique hospitalière". Certains craignent que cette croissance concerne les administratifs, au détriment des soignants, "mais cela n'est pas prouvé, en tout cas dans la majorité des établissements", a-t-elle poursuivi. D'ailleurs, "en cas de réduction d'effectifs, j'ai bien dit à l'ensemble des fédérations hospitalières que je souhaite qu'elle porte exclusivement sur le personnel administratif et que je ne souhaite pas aujourd'hui que l'on diminue le nombre de soignants auprès des malades", a insisté Agnès Buzyn.
Interrogée sur les médecins intérimaires, la ministre a rappelé avoir signé récemment un décret (lire notre article) pour réduire ce recours à l'intérim, en lien avec une baisse des rémunérations. "Cela obligera ces intérimaires à occuper des postes pérennes et à arrêter de grever le budget des hôpitaux", a-t-elle assuré. Enfin, la réforme de la tarification à venir "permettra probablement de valoriser certaines activités aujourd'hui peu rentables, et dont certains directeurs d'hôpitaux peuvent être amenés à réduire les effectifs, pour favoriser des activités plus rentables". Et Agnès Buzyn de conclure : "Je veux aussi que cela s'arrête et que toutes les activités soient considérées au même niveau dans un hôpital quand les patients en ont besoin".
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