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mardi 16 janvier 2018

« Faire de l’accompagnement de la fin de vie une grande cause nationale »

Continuer à opposer le suicide assisté aux soins palliatifs n’est plus tenable, estime la juriste Johanne Saison, qui dénonce les inégalités dans la prise en charge des patients

LE MONDE  | Par 

Centre gériatrique de l’hôpital d’Argenteuil, 2013.
Centre gériatrique de l’hôpital d’Argenteuil, 2013. FRED DUFOUR / AFP

Tribune. La légalisation du suicide assisté, voire la dépénalisation de l’euthanasie, pourrait constituer avec la gestation pour autrui et l’élargissement du recours à la procréation médicalement assistée la prochaine grande avancée sociétale dans la lignée de l’IVG, de l’abolition de la peine de mort et du mariage pour tous.

Pas moins de trois propositions de loi émanant de la majorité comme de l’opposition et consacrant une telle évolution ont d’ailleurs été déposées dans les quatre derniers mois de l’année 2017 (Assemblée nationale (AN), proposition de loi n° 185, 27 sept. ; AN, n° 288, 17 oct. ; AN, n° 517, 20 déc.).

La fin de vie est aujourd’hui médiatisée (Anne Bert, Le Tout Dernier Eté, Fayard, 2017) et judiciarisée. Après avoir connu les procédures collégiales d’arrêt des traitements de Vincent et de Marwa, le Conseil d’Etat s’est une nouvelle fois prononcé, en urgence, le 5 janvier, sur le cas d’Inès, pour confirmer la décision médicale d’arrêt des traitements en se fondant sur le rapport d’expertise concluant au caractère irréversible des lésions neurologiques de l’enfant et à son état végétatif persistant.

Corpus normatif


Toutefois, au-delà de la médiatisation ou de la judiciarisation de la fin de vie de Vincent, de Marwa ou encore d’Inès, c’est davantage à leur accompagnement qu’il convient de s’intéresser pour espérer réduire des inégalités toujours persistantes, et ce, en dépit des interventions législatives de 2005 (loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie) et de 2016 (loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie). Ce dernier texte complète le corpus normatif des droits des malades et des personnes en fin de vie en leur reconnaissant la garantie « du meilleur apaisement possible de la souffrance » au regard des connaissances médicales avérées mais également le droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès.


Les inégalités persistent


Evoquer les inégalités de la fin de vie revient à s’interroger sur l’effectivité des droits de la personne en fin de vie ; le cadre normatif de la fin de vie, destiné à unifier les dispositifs de prise en charge, ne vaut en effet que s’il est mis en œuvre. Or, les inégalités persistent. Elles ont encore été dénoncées lors du dernier congrès national de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, qui s’est tenu à Tours les 22 et 24 juin 2017 : inégalités dans l’accès aux soins palliatifs entre les régions, entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, inégalités dans la prise en charge en établissement ou au domicile, révélées notamment par les difficultés de mise en œuvre de la sédation palliative en dehors de l’intervention d’une équipe mobile de soins palliatifs.
Rappelons que le médecin traitant n’a accès qu’à un seul agent sédatif, le midazolam, susceptible d’être rétrocédé par une pharmacie hospitalière. Les inégalités de la fin de vie se calquent ainsi sur les inégalités territoriales et sociales de santé, ce qui ajoute à la vulnérabilité déjà prégnante de ce temps si particulier.

En réponse aux propositions de loi, précédemment citées, visant à légaliser le suicide assisté, une quatrième proposition, déposée le 6 décembre 2017, tend à faire des soins palliatifs une grande cause nationale pour 2018 (AN, n° 471).


« Continuer à opposer le suicide assisté et l’euthanasie aux soins palliatifs n’est plus tenable »





Or, bien plus largement que les soins palliatifs, c’est l’accompagnement de la fin de la vie qu’il s’agirait d’ériger en grande cause nationale. Continuer à opposer le suicide assisté et l’euthanasie aux soins palliatifs n’est plus tenable. On le sait, des personnes porteuses d’une maladie incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme échappent toujours au dispositif normatif actuel, faute de satisfaire aux conditions de « souffrance réfractaire aux traitements » ou de « souffrance insupportable » ouvrant le droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès. De nouvelles inégalités apparaissent alors en permettant à certaines d’entre elles de bénéficier d’un accompagnement en dehors de nos frontières, comme c’est le cas aux Pays-Bas, en Belgique ou encore en Suisse.

Pour reprendre les mots prononcés par Simone Veil lors de la présentation de son projet de loi sur l’IVG devant l’Assemblée nationale, le 26 novembre 1974, en les transposant à notre thématique avec une conviction toute aussi forte : l’euthanasie « doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issues ». Reste à savoir « comment la tolérer sans qu’elle perde ce caractère d’exception, sans que la société paraisse l’encourager ? ». Les états généraux de la bioéthique, qui s’ouvrent ce mois de janvier, devront en débattre pour garantir à tous une égalité de traitement devant la mort.

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