Lors d'une réunion le 18 décembre au ministère, les représentants de la psychiatrie ont pu faire connaître leurs priorités pour la discipline. Entre autres besoins, parmi les plus "brûlants", exposés directement à Agnès Buzyn, figurent sans surprise la préservation des moyens financiers et les besoins de formation, notamment en pédopsychiatrie.
Comme annoncé le 21 novembre dernier devant les membres de l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis, lire notre article), la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn a reçu les représentants de la psychiatrie, lors d'une réunion le 18 décembre. Alors que doit sortir incessamment le décret fixant les orientations de la stratégie nationale de santé (SNS, lire notre article) dont certaines orientations portent sur la santé mentale et la psychiatrie, il s'agissait ici, indique simplement le ministère à Hospimedia, d'une réunion de travail au cours de laquelle chaque participant était invité à proposer deux ou trois idées-forces et/ou priorités pour la discipline.
Vers un dégel plus large des dotations ?
Parmi les points les plus prégnants, au nombre des difficultés rencontrées actuellement par les acteurs de terrain, plusieurs participants, dont les syndicats de psychiatres publics, ont insisté de nouveau sur la nécessité de sanctuariser les crédits alloués au secteur. Selon le Syndicat des psychiatres hospitaliers (SPH), la ministre "s’est engagée parmi les mesures à prendre d’urgence, à demander une sanctuarisation des budgets" de la psychiatrie. Cet engagement, estime le syndicat dans un communiqué le 19 décembre est "un premier pas en faveur des soins psychiatriques, qui attendent également des réflexions et actions pour l’évolution des [objectifs nationaux de dépenses d'assurance maladie] Ondam et [dotations annuelles de fonctionnement] Daf de psychiatrie, à la mesure de l’ampleur d’autres aspects à améliorer". Et d'évoquer pêle-mèle, la recherche, la formation et l'enseignement, la reconnaissance des spécificités de la discipline dans le paysage sanitaire national et des organisations territoriales.
La mobilisation de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp) et du Syndicat des psychiatres d'exercice public (Spep) était également focalisée ces derniers jours sur l'enjeu budgétaire. Les organisations syndicales dénonçaient ainsi le 12 décembre le dégel partiel des crédits mis en réserve pour la psychiatrie. En effet, alors qu'en SSR et psychiatrie, 96 millions d'euros (M€) ont été gelés en début d'année sur les dotations annuelles de financement (Daf) et 20 M€ sur l'objectif quantifié national (OQN), seul un déblocage de 44 M€ a pour l'heure été annoncé (lire notre article). Il y a quelques mois déjà, alors que de vives alertes des commissions médicales d'établissement (CME) se multipliaient sur les difficultés de la psychiatrie, le Dr Christian Müller, président de la Conférence des présidents de CME de CHS, plaidait déjà pour la préservation des moyens en 2018, notamment d'exempter la psychiatrie de ces réserves prudentielles (lire notre interview).
Attentes réitérées sur les effectifs universitaires
Comme d'autres représentants des psychiatres, la présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), Rachel Bocher salue la volonté affichée de la ministre de faire des enjeux sanitaires en psychiatrie une priorité mais attend "une déclinaison en actes" de cette volonté sur ces "questions brûlantes". Elle a également relevé l'engagement exprimé par la ministre quant à cette sanctuarisation. "Comme disait Churchill, "là où il y a une volonté, il y a un chemin"... Don't act. Prenons ce chemin ensemble. Nous verrons comment se traduit cette volonté ministérielle, notamment d'ici la fin du mois, au travers des orientations de la SNS", commente Rachel Bocher. Elle indique que la ministre ne serait pas favorable à un nouveau plan mais à des orientations concrètes, entre autres, sur différents enjeux (ambulatoire, numérique, etc.) déclinées et adaptées via la SNS pour la santé mentale et la psychiatrie. Parmi les autres besoins impérieux ont également été remis en lumière ceux touchant à la pédopsychiatrie et plus particulièrement celui des effectifs universitaires.
Le Pr Pierre Thomas*, pour le Collège national des universitaires de psychiatrie (Cnup) a ainsi transmis une communication à la ministre, corédigée avec le Pr Bernard Granger, président du Syndicat universitaire de psychiatrie (Sup), dans laquelle est rappelée la situation très préoccupante de la psychiatrie universitaire en France, chiffres actualisés à l'appui (lire encadré). Manque d'effectifs professoraux, des professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) qui cumulent les responsabilités (chef de pôle, de service, présidente de CME de CHU, etc.), dans un contexte de forte hausse des internes et de multiplication des demandes adressées aux professionnels. Sur ce point, la ministre avait déclaré il y a quelques semaines, durant les auditions parlementaires liées au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qu'elle avait "obligé les doyens dès la campagne 2018 à ouvrir des postes de pédopsychiatres dans les facultés pour mieux former les jeunes". Mais le besoin d'ouvrir des lits dédiés reste prégnant. Et Agnès Buzyn avait alors signalé qu'elle y travaillerait dans le cadre de la SNS. Affaire à suivre avec la parution du décret attendu dans les prochains jours...
Insuffisance des effectifs universitaires
Il y a à ce jour en France plus de 2 000 internes inscrits au diplôme d'études spécialisées (DES) de psychiatrie, précisent le Cnup et le Sup dans leur communication au ministère. "La réforme du troisième cycle a triplé le nombre de stages en service universitaire dans la maquette du DES de psychiatrie (lire notre dossier), [mais] sans aucune modification de l’effectif de l’encadrement universitaire". Le nombre d’hospitalo-universitaires de rang A en psychiatrie est resté inchangé depuis des années, précisent-ils, avec aujourd’hui, 109 PU-PH et maîtres de conférence des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH) en poste, dont respectivement 81 en psychiatrie d’adulte et 28 en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Il existe de plus une disparité entre les régions où les taux d’encadrement pour les internes peuvent varier d'un PU-PH pour 12 internes à un pour 60 (versus un PU-PH pour 3 à 4 internes en cardiologie ou neurologie). Huit facultés de médecine ne disposent pas de PU-PH en pédopsychiatrie et les postes hospitalo-universitaires de rang B (chef de clinique des universités-assistants des hôpitaux) sont "tout aussi insuffisants" (environ 140 en France). "Ce qui limite considérablement l’attractivité des carrières [...] et obère les possibilités de formation des futurs hospitalo-universitaires", concluent-ils.
* Président du Cnup depuis 2011, il a été remplacé le 8 décembre dernier à cette fonction par le Pr Marie-Rose Moro.
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