Avant le déploiement du système de conversation totale qui permettra d'utiliser images, son et écrit, isolément ou simultanément, le 114, numéro d'appel d'urgence pour les personnes sourdes et malentendantes, vient d'être évalué par l'Igas et l'Iga. Un rapport met en lumière la nécessité du service qui est sous-utilisé, dans sa version actuelle.
Prévu par la loi de 2005 relative à l'égalité des droits et des chances, le Centre national de relais (CNR) des appels d'urgence pour personnes sourdes et malentendantes a été créé en septembre 2011. Situé au sein du CHU de Grenoble (Isère), il assure la mise en œuvre du numéro d'urgence téléphonique 114, destiné à recevoir des appels d'urgence émanant des personnes sourdes et malentendantes. Un rapport de l'Inspection générale de l'administration (Iga) et l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) dresse le bilan des premières années de fonctionnement et donne des pistes pour le développement du service, notamment dans le cadre de la mise en place du système de conversation totale qui permettra de mixer images, son et écrit.
Le CNR 114 réceptionne actuellement des appels écrits (SMS, courriels et marginalement télécopies) et relaie les messages reçus, demandes et alertes vers les services spécialisés et numéros d'urgence 15 (Samu), 17 (police et gendarmerie) et 18 (pompiers) sur l'ensemble du territoire national. Cet outil fonctionne avec des agents, pour partie sourds, tous formés à l'urgence, garantissant ainsi la bonne prise en compte des appels dans ces situations. Depuis sa mise en service, le nombre de dossiers d'appelants a progressé régulièrement pour atteindre environ 10 000 chaque année, ce qui reste en dessous des prévisions d'origine.
De nouveaux outils pour concerner un public plus vaste
Le système uniquement écrit est inadapté pour une partie des publics cibles, notamment les personnes aphasiques et sourds-aveugles. Dès l'origine, il a été prévu de passer à un système multimédia de conversation totale. Une technique qui devrait, en outre, offrir le possibilité d'appels discrets dans des cas tels que les violences conjugales, la prise d'otage ou le terrorisme. La plateforme de conversation totale a été livrée au CNR en 2017, avec plus de deux ans de retard ; elle est en phase de tests, de même que l'application pour smartphone, et doit être opérationnelle début 2018.
Actuellement, sur les 10 000 dossiers reçus annuellement et moins de 3 000 dossiers d'urgence réelle transmis aux services opérationnels. Ce ratio dossiers reçus/dossiers transmis est conforme à ce qui se constate pour tous les numéros d'urgence. Le CNR 114, dans sa version prochaine, est très attendu par les associations qui estiment qu'il sera beaucoup plus utilisé. Mais, faute de base de comparaison, les auditeurs ne sont pas en mesure d'évaluer la montée en charge. "Les exemples étrangers sont en général moins développés ou consistent en de simples plateformes de traduction fournies par des opérateurs, sans qualification à l'urgence", écrivent-ils.
Des difficultés sont apparues en 2016 avec des demandes de moyens (budgets et effectifs) en forte hausse pour les années qui viennent. Les financeurs, ministère de la Santé et ministère de l'Intérieur, ont alors souhaité disposer de perspectives financières plus transparentes et d'une mise en perspective technique au regard des futurs systèmes d'information des Samu et de la sécurité civile. Aujourd'hui, le CNR fonctionne avec trois équipes, minimum pour garantir la continuité du service y compris en période de pointe. Chaque équipe compte six agents pour fonctionner 24 heures sur 24, 365 jours par an.
De nouvelles fonctionnalités à développer à moyens constants
"Le niveau de charge de ces équipes est très modéré et elles pourront absorber une croissance d'activité forte et durable, d'autant que le temps de traitement de chaque dossier devrait être réduit de moitié environ avec la conversation totale, d'après les tests", précisent les rapporteurs, coupant ainsi court aux demandes d'augmentation budgétaire, de création d'une quatrième équipe et de postes de superviseurs. L'Igas et l'Iga estiment que "le budget paraît devoir être stabilisé à 2,3 millions d'euros maximum pour les exercices 2018-2020". Le budget est porté à 55% par le ministère de la Santé au titre des missions d'intérêt général assumées par l'Assurance maladie, le reste est pris en charge par les trois directions générales concernées du ministère de l'Intérieur : sécurité civile, police et gendarmerie.
Avec la conversation totale et le développement de l'application pour smartphone, le CNR 114 sera en avance sur les évolutions des autres systèmes d'urgence français du Samu et de la sécurité civile qui se déploieront après 2020. La mission souligne l'importance de veiller à l'interopérabilité du CNR 114 avec les autres systèmes d'information des centres d'appels et demande la réalisation d'une étude sur ces convergences d'ici 2021. Elle réclame également l'extension du système à l'outre-mer. Dans un communiqué, la secrétaire d'État aux Personnes handicapées Sophie Cluzel, s'est dite "attentive à l'évolution de ce service performant et innovant, véritable enjeu pour garantir la possibilité de vivre en autonomie aux personnes sourdes et malentendantes".
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