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mercredi 27 décembre 2017

« Les raisons de ne pas croire en un dieu sont les mêmes que celles de ne pas croire au Père Noël »

Dans une tribune au « Monde », Franck Ramus, spécialiste des sciences cognitives, regrette que la liberté de conscience des enfants soit bafouée.

LE MONDE  | Par 

Tribune. Que diriez-vous de parents qui raconteraient à leur enfant l’histoire du Père Noël, mais qui, alors que l’enfant grandit, ne lui diraient jamais qu’il s’agit d’une histoire inventée ? Et qui, alors que l’enfant commence à douter et à opposer des arguments rationnels à l’existence du Père Noël (par exemple, l’impossibilité physique de livrer tous les foyers du monde en une nuit), maintiendraient mordicus que l’histoire est vraie, que ses détracteurs sont mal intentionnés, qu’il est essentiel pour l’enfant d’y croire, et que, s’il n’y croit pas, le Père Noël lui infligera des punitions bien plus graves que de ne plus lui livrer de cadeaux ?

Vous trouveriez certainement que ces parents jouent une farce bien cruelle à leur enfant, qu’ils le maintiennent dans un état de sujétion intellectuelle et psychique inacceptable, et qu’ils lui rendent un bien mauvais service en cultivant et en perpétuant sa crédulité d’enfant au lieu de développer son esprit critique. Vous considéreriez cette attitude comme un abus de pouvoir inexcusable, et vous auriez raison.
Que diriez-vous maintenant de parents qui inscriraient leur enfant de 1 an (ou 5, ou 10) à un parti politique ? Vous trouveriez certainement qu’il s’agit là d’une tentative d’endoctrinement inacceptable, l’enfant n’étant pas en âge d’avoir des opinions politiques, et n’étant pas en capacité de consentir à une affiliation partisane.
Il est évidemment normal que les parents aient une influence sur le développement des opinions (politiques ou autres) de leurs enfants, mais cela ne peut passer par le biais d’une affiliation forcée. Vous considéreriez cette attitude comme un abus de pouvoir inexcusable, et vous auriez raison.

Un aveuglement généralisé


Ainsi, si l’on y réfléchit bien, de manière objective et dépassionnée, ce que font tous les parents qui élèvent leur enfant dans la religion – et que la plupart des gens (même non croyants) semblent trouver normal –, c’est exactement ce que tout le monde (même croyant) trouverait inacceptable dans le cas de la croyance au Père Noël et de l’adhésion précoce à un parti politique.

« La différence entre Dieu et le Père Noël, c’est simplement que Dieu est un Père Noël auquel de nombreux adultes dans le monde continuent à croire »







La différence entre Dieu et le Père Noël, c’est simplement que Dieu (et ses multiples avatars) est un Père Noël auquel de nombreux adultes dans le monde continuent à croire. Les raisons de ne pas croire en un dieu sont pourtant exactement les mêmes que celles de ne pas croire au Père Noël : aucune preuve crédible de son existence, ni des attributs magiques qui défient à la fois l’expérience personnelle que chacun a du monde et la connaissance objective qu’en fournit la science. Et pourtant, la plupart des gens (même les incroyants) ont tendance à considérer que la croyance en un dieu est moins ridicule que la croyance en un Père Noël.

Si un tel aveuglement généralisé est possible, c’est précisément grâce aux deux abus de pouvoir inexcusables évoqués ci-dessus : l’insistance des parents (ou de l’environnement proche) à ce que l’enfant continue à croire à un Père Noël nommé Dieu ; et l’endoctrinement et l’affiliation précoce de l’enfant à l’un des partis de Dieu que sont les religions institutionnelles, à un âge où il n’est pas en mesure d’y consentir.


Un embrigadement précoce


La France s’enorgueillit d’être la patrie des droits de l’homme et de garantir la liberté de conscience de tous les citoyens. Mais celle-ci n’est-elle pas bien théorique lorsqu’elle est si systématiquement bafouée chez les enfants ? La liberté de conscience, garante de toutes les libertés religieuses, présuppose en effet que les êtres humains sont libres de choisir leurs croyances.
Or la plupart des religions ont bâti leurs empires sur l’embrigadement précoce d’individus trop jeunes pour disposer de cette liberté. Dans le même temps, ces mêmes religions autorisent (et parfois même encouragent fortement) les conversions à l’âge adulte. Puisqu’il est possible de choisir une religion en toute liberté et en pleine connaissance de cause, il n’y a aucune excuse pour que ce ne soit pas systématiquement le cas. La liberté de religion n’est pas la liberté d’imposer sa religion aux autres, fussent-ils ses propres enfants.

Franck Ramus est aussi l’auteur du blog Ramus méninges

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