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lundi 9 octobre 2017

Le rapporteur de l'Onu sur les droits des personnes handicapées rencontre le monde associatif


 - HOSPIMEDIA
Catalina Devandas-Aguilar, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des personnes handicapées, est dans l'Hexagone du 3 au 13 octobre pour voir comment la France s'est emparée de la convention relative aux droits des personnes handicapées qu'elle a ratifiée en 2010. Dès le premier jour, elle a rencontré les associations réunies au CFHE.

Nommée sur le premier poste de rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées de l'Organisation des Nations unies (Onu), le 1er décembre 2014, l'avocate costaricaine, elle-même en situation de handicap, effectue sa première visite en France. Ce 3 octobre, après avoir rencontré Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, dans la matinée, Catalina Devandas-Aguilar a passé l'après-midi avec les membres du Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes (CFHE). 


Durant dix jours, elle tiendra des réunions avec des représentants du Gouvernement, des autorités régionales et départementales, l'institution nationale des droits de l'homme et d'autres institutions indépendantes, ainsi que des personnes en situation de handicap et les organisations qui les représentent. Elle passera par Paris, Lyon, Marseille et Avignon, et visitera notamment une école "inclusive", des institutions pour enfants et adultes handicapés, des établissements psychiatriques ainsi qu'un projet de logement pour personnes avec handicap psychosocial.

Au CFHE, elle a eu l'occasion de rencontrer "la fine fleur des personnes handicapées", comme le plaît à le rappeler son président Albert Prévos, qui a promis en introduction un parler vrai. 

"La France n'est pas le meilleur élève. Nous partons avec un sérieux retard. Il n'y a pas de signal politique fort. Cette convention n'intéresse aucun décideur."
Albert Prévos, président du CFHE

Et effectivement, les militants ont embrayé le pas à leur président et n'ont pas pratiqué la langue de bois. Ils considèrent que le Gouvernement français a pensé qu'avec la loi de 2005 il avait déjà beaucoup avancé sur les droits des personnes en situation de handicap. Ratifier cette convention, adoptée par l'Onu en décembre 2006, n'était finalement qu'une formalité qui n'interrogeait pas les pratiques pour les décideurs. Or, malgré l'avancée incontestable de la loi de 2005, beaucoup de chemin reste encore à parcourir pour atteindre l'égalité des droits telle qu'elle a été pensée dans la convention de l'Onu. 



La convention prévoit que chaque ministère ait un correspondant identifié pour sa mise en œuvre. "C'est loin d'être le cas", note Albert Prévos. Sans retraduire l'intégralité du débat, Hospimedia a fait le choix de reprendre ici les principaux articles de la convention pour lesquels la France semble encore bien en dessous de ses engagements. 

Article 9 : accessibilité


Pour l'Association des paralysés de France (APF), l'accessibilité reste encore un des gros points faibles du territoire. Moins de 20% des lieux publics sont accessibles aux malentendants précise le bureau de coordination des devenus sourds et malentendants. "Les méthodes comme le facile à lire et à comprendre (Falc) ne sont pas assez développées", estime quant à lui Lahcen Er Rajaoui, président de Nous aussi, l'association française des personnes handicapées intellectuelles. 

Article 12 : reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité


Sur la question de la reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d'égalité, Bruno Gaurier (APF) observe : "Cet article central n'est pas respecté. Nous ne sommes pas considérés comme des experts de notre handicap mais comme des objets de soinsLa loi française ne définit pas des personnes en situation de handicap mais des déficiences et des incapacités." "Nous sommes des objets de soins, des dossiers, des sous-citoyens", estime Julia Tabath, présidente de l'association Ch(s)oses qui milite pour une vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap. 

Article 15 : droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants


En matière de droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, ce sont les associations liées au handicap psychique qui sont montées au créneau. "Combien de personnes sont encore parquées dans des unités fermées d'hospitalisation psychiatrique, faute d'espace adapté dans la cité ?", interroge Roselyne Touroude de l'Unafam. Les dernières statistiques disponibles concernant des mesures d'hospitalisations et de soins psychiatriques sans consentement font apparaître une augmentation inquiétante du nombre de personnes qui ont été admises en soins sans consentement en 2015 par rapport aux années antérieures.



Quant aux associations de parents d'autistes, elles rappellent que certains établissements pratiquent encore l'isolement, la contention, le packing. Elles estiment que trop d'enfants sont privés de leurs parents, soit parce que les services sociaux les ont arbitrairement retirés à des mères célibataires, soit parce qu'ils ont été forcés à un bannissement en Belgique, faute de place adaptée en France. Les associations ont également unanimement mis en lumière la question des prisons françaises où des milliers de personnes handicapées mentales et psychiques sont détenues sans soins.



Article 19 : autonomie de vie et inclusion dans la société

Sur la question de l'autonomie et de l'inclusion, Stéphane Forgeron, administrateur de l'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Ladapt), interroge : "La France ne parle pas de droit des personnes mais de droit en général et de dispositifs où la personne handicapée reste un objet de soins. Comment une vie autonome peut-elle être soumise à une orientation administrative de la maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) ?" Stéphane Lenoir, du Groupement pour l'insertion des personnes handicapées physiques (GIHP), rappelle que "sans logement adapté, dans une ville où l'accessibilité n'est pas la norme et avec des services d'accompagnement au bord de la faillite, il est difficile d'envisager une vie autonome et une inclusion pleinement réussie."

Article 27 : travail et emploi



Jacques Marion, président d'honneur de Trisomie 21 France précise, quant à lui, que les travailleurs d'établissements et services d'aide par le travail (Esat) n'ont pas les mêmes droits que les autres salariés, ils n'ont pas le droit de grève par exemple. Il estime également qu'aucun effort n'est entrepris pour permettre aux handicapés mentaux de travailler dans le milieu ordinaire. "Depuis des années, note Bruno Gaurier, les personnes handicapées en âge et en capacité de travailler sont trois fois plus souvent au chômage que le reste de la population. Ce chiffre est désespérément stable."



Article 28 : niveau de vie adéquat et protection sociale

Sur le niveau de vie, là encore, les associations ont rappelé que 10% des personnes vivant sous le seuil de pauvreté en France sont en situation de handicap et que même revalorisée l'allocation aux adultes handicapés (AAH) resterait toujours sous le seuil de pauvreté. De plus, note Malika Boubekeur, conseillère technique de l'APF, "les décrets d'application des mesures ont toujours tendance à plafonner le droit et minorer le champ d'intervention". 

Article 29 : participation à la vie politique et à la vie publique
Pour le président de Nous aussi, en matière de participation à la vie politique et publique : "On ne nous donne pas les moyens financiers et humains à l'autoreprésentation. Beaucoup doutent encore de nos capacités, alors qu'on peut participer, même sous tutelle et sous curatelle." Albert Prévos rappelle qu'en France 450 000 personnes vivent sous tutelle et que leur droit de vote est soumis à l'appréciation d'un juge.

Article 30 : participation à la vie culturelle et récréative, aux loisirs et aux sports
André Fertier du Cémaforre (Centre national de ressources pour l'accessibilité des loisirs et de la culture) a dressé, lui, un bilan sévère sur la participation à la vie culturelle des personnes en situation de handicap : "Des milliers de personnes souffrent de l'exclusion culturelle absolue, ils ne bénéficient que de soins de nursing, c'est une forme extrême de maltraitance. En France, on parle de continuité du service public de la culture mais cette continuité ne s'applique pas aux personnes en situation de handicap. Les personnes handicapées apparaissent comme une option, ils n'ont pas d'accès dans le cadre du droit commun. C'est une politique de ségrégation."
Au cours des jours qui viennent, Catalina Devandas-Aguilar recroisera, en plus petit comité, bon nombre des interlocuteurs rencontrés ce 3 octobre. À l'issue de son enquête, elle présentera un premier rapport de fin de mission où elle fera des recommandations et mettra en lumière les problèmes les plus urgents. Un document finalisé sera présenté en 2019. Elle invite tous les interlocuteurs qu'elle n'aurait pu rencontrer à lui transférer des contributions. Elle a notamment insisté pour recueillir des retours concernant les minorités (ethniques, religieuses...) et les méthodes de communication alternatives et augmentées expérimentées par certains.
Emmanuelle Deleplace


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