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mardi 10 octobre 2017

Le consentement des mineurs en cas de relation sexuelle en débat

La polémique enfle alors qu’un homme ayant eu une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans est poursuivi pour « atteinte sexuelle » et non pour « viol ». Des pétitions et propositions de loi réclament la création d’une présomption de non-consentement entre un majeur et mineur.

LE MONDE | Par 

Existe-t-il un âge avant lequel un enfant ou un adolescent ne peut consentir de façon éclairée à un acte sexuel avec une personne majeure ? Oui, répondent des voix de plus en plus nombreuses. Plusieurs pétitions et pas moins de quatre propositions de loi émanant d’élus de toutes les tendances politiques réclament la création d’une présomption de non-consentement en cas de relation sexuelle entre un majeur et un mineur âgé de moins de 13 ou de 15 ans – les positions varient sur ce point.

En clair, il s’agirait alors automatiquement d’une agression sexuelle ou d’un viol en cas de pénétration, passible de vingt ans de réclusion criminelle. La garde des sceaux, Nicole Belloubet, a lancé des consultations à ce sujet. « Des pistes d’évolutions [de la législation] me seront soumises très prochainement », précise la ministre de la justice.

Aujourd’hui, pour qu’une agression sexuelle ou un viol soient caractérisés, il doit être démontré que l’auteur a agi en utilisant la contrainte, la violence, la menace ou la surprise. Sinon, le consentement des deux parties est supposé de façon implicite. Ceci sans considération de l’âge des protagonistes, et de l’emprise qu’un adulte peut exercer sur un enfant. Aujourd’hui, seuls les enfants de moins de 5 ans sont automatiquement considérés comme non consentants par la jurisprudence.
Mais depuis une quinzaine de jours a lieu une « prise de conscience brutale », résume la psychiatre Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, investie de longue date en faveur d’une réforme. Depuis que, le 25 septembre, Mediapart a relaté l’histoire de Sarah, 11 ans.


Plainte pour viol, poursuites pour atteinte sexuelle


Les faits se déroulent le 24 avril. Scolarisée en classe de 6e dans le Val-d’Oise, Sarah accepte de suivre un homme de 28 ans qui l’a abordée dans un square. Il la conduit dans un immeuble où ils ont deux relations sexuelles, l’une dans la cage d’escalier, l’autre dans un appartement. Le jeune homme n’a pas exercé de violences, Sarah n’a pas résisté.

Mis au courant des faits par leur fille « désespérée », selon Mediapart, les parents portent plainte pour viol. Mais le parquet poursuit pour « atteinte sexuelle », une infraction qui sanctionne des rapports sexuels consentis entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans, punie de cinq ans de prison.

Sarah a-t-elle effectivement consenti ? « Elle était en état de sidération, répond l’avocate des parents, Carine Durrieu-Diebolt. Certaines victimes de viol restent tétanisées, figées comme des pantins, et deviennent extérieures au déroulement des faits. Ces mécanismes sont désormais bien connus et agissent a fortiori quand il s’agit d’une gamine qui se retrouve dans un ascenseur avec un homme qui commence à la tripoter. Elle était complètement novice. Comment peut-on imaginer que c’est ce qu’elle voulait ? » « Elle fait plus âgée et précoce sexuellement que son âge, avance Marc Goudarzian, l’avocat du prévenu. Mon client fait au contraire plus jeune. »

Le parquet n’a pas tenu compte de la différence d’âge entre eux, alors que le code pénal prévoit depuis 2010 que « la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge entre une victime mineure et l’auteur »« Les enquêteurs sont partis sur une fausse idée, qui était qu’elle avait rencontré cet homme sur un site de rencontres et qu’ils avaient affaire à un flirt qui a mal tourné, argumente Carine Durrieu-Diebolt. Pendant la première heure d’audition par la police, les questions n’ont porté que sur les réseaux sociaux. Elle n’a pas été entendue comme une enfant aurait dû l’être. »


Plusieurs pétitions


L’affaire, qui devait être jugée en septembre, a été renvoyée en février 2018. Les juges du tribunal correctionnel pourront juger le prévenu pour atteinte sexuelle, ou se déclarer incompétents s’ils estiment que les faits relèvent du viol et renvoyer l’affaire au procureur.
Mais ce seul cas d’espèce a servi de révélateur. Pour les partisans d’une réforme, les débats autour du consentement de Sarah n’ont pas lieu d’être, en raison de son âge. « Le fait que la contrainte morale puisse se déduire de la différence d’âge est laissé à l’appréciation des juges, commente Muriel Salmona. Nous estimons que sous un certain âge le discernement, la maturité psychologique et affective, la capacité à dire sa volonté de façon éclairée ne sont pas suffisants pour que le consentement puisse exister. »

La psychiatre a signé l’appel publié par Marianne le 6 octobre en faveur de la fixation d’un seuil d’âge sous lequel le défaut de consentement est présumé, tout comme les anciennes ministres Roselyne Bachelot et Aurélie Filippetti, la philosophe Elisabeth Badinter, l’historienne Elisabeth Roudinesco, l’ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny Jean-Pierre Rosenczveig, l’humoriste Sophia Aram… Plusieurs pétitions ont été lancées.

« Changeons la loi car un enfant n’est jamais consentant », demande celle de Madeline Da Silva, maire adjointe (sans étiquette) des Lilas en Seine-Saint-Denis (280 000 signatures), tout comme celle du Collectif national pour les droits des femmes (près de 40 000 signatures), ou du Collectif féministe contre le viol (270 signatures). Une dernière réclame « justice pour Sarah 11 ans violée » (94 000 soutiens).


Propositions de loi


Dans le même temps, plusieurs élus ont réagi. A l’Assemblée nationale, Patrick Mignola (MoDem) et Bérengère Poletti (LR) ont déposé chacun une proposition de loi. Les sénatrices Laurence Cohen (PCF) et Laurence Rossignol (PS) s’apprêtent à faire de même.
« C’est une mesure de protection de l’enfance », soutient cette dernière, ancienne ministre de la famille. « Nous avons une chance d’aboutir à un consensus », se réjouit Laurence Cohen. Tous s’appuient sur les travaux menés par le Haut Conseil à l’égalité (HCE) entre les femmes et les hommes, une instance indépendante qui a publié en 2016 un rapport préconisant d’instaurer un tel seuil, en vigueur dans de nombreux pays développés (Espagne, Italie, Etats-Unis…).

« L’intérêt de la limite d’âge serait d’obtenir une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, estime Ernestine Ronai, responsable de la commission violences du HCE. C’est aussi pour la société un message de prévention. » « Il est nécessaire de fixer des repères clairs, y compris des interdits à destination des adultes, renchérit l’ancien juge des enfants Edouard Durand, également membre de cette instance. La priorité doit être la protection du développement moral, mental et physique des enfants. »

Cependant, le niveau du seuil ne fait pas l’unanimité. Muriel Salmona préconise de le fixer à 15 ans pour des raisons de maturité physique et psychique. Patrick Mignola a fait de même pour des raisons « sécurité juridique », car c’est le seuil déjà fixé pour l’atteinte sexuelle. Bérengère Poletti a fixé la limite à 14 ans. « Je suis une ancienne sage-femme, explique l’élue. J’ai accouché des jeunes filles de 15 ans qui voulaient leur enfant. » Le HCE préconise de retenir l’âge de 13 ans.

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