Elle réunit dans un même lieu, au cœur de l'hôpital Saint-Louis à Paris, professionnels du social, de santé et administratifs. La permanence d'accès aux soins (Pass) accueille chaque année plus de 4 000 patients. En grande précarité, ils viennent y chercher bien plus que du soin. Zoom sur une organisation innovante qui a trouvé son équilibre.
C'est un espace singulier dans les murs de l'hôpital. La permanence d'accès aux soins (Pass) de l'hôpital Saint-Louis à Paris, couramment appelée consultation Verlaine, est un lieu à part, où se mêlent médecine et social, écoute et dialogue. Dans le hall ce jour-là, plusieurs dizaines de patients dans l'attente. Ils sont de toutes nationalités, de toutes origines et attendent pour des pathologies multiples. Ils ont pourtant un point commun : ils viennent tous chercher à Saint-Louis bien plus que des soins.
Une approche globale du soin
C'est là l'une des principales caractéristiques des Pass : le volet médical n'y est qu'une partie d'un tout. "Nous ne sommes pas dans la logique de l'acte et de la technique, le fonctionnement d'une Pass repose sur l'humain", explique d'emblée la responsable médicale, le Dr Claire Georges-Tarragano. Les problèmes rencontrés au sein de la consultation Verlaine sont complexes. Migrants, pauvreté, isolement... "Les problématiques sociales se surajoutent aux problématiques médicales", poursuit la professionnelle. L'approche y est donc globale et comprend sanitaire, social et administratif. Mais la complexité des situations n'empêche pas la mise en place de parcours simplifiés, grâce à une approche pluriprofessionnelle poussée. Assistantes sociales, médecins, infirmières, psychologues, psychiatres, secrétaires, apportent chacun leur pierre à l'édifice durant une ou plusieurs journées par semaine.
Ce matin-là, Marie-Laure, l'une des deux infirmières de coordination, est le premier contact des patients. Un travail déterminant pour la suite. Son rôle ? Écouter, conseiller et orienter les patients qui poussent la porte de la Pass, parfois déjà orientés par un travailleur social, ou tout simplement, dans la majorité des cas, arrivés grâce au bouche-à-oreille. En fonction de la pathologie, le patient est pris charge le jour-même ou un rendez-vous lui est proposé pour une consultation ultérieure. "C'est une fonction particulière que nous avons au sein des Pass, l'écoute fait partie intégrante du soin", confie Marie-Laure. Pour elle, il est primordial de nouer le contact avec le patient pour bien évaluer sa situation. Pas simple, surtout quand se dresse la barrière de la langue. "On se comprend toujours, avec quelques mots d'anglais...", poursuit Marie-Laure.
Le parcours se poursuit dans le bureau des assistantes sociales. Les missions de l'équipe se complètent. Prise en charge médicale et sociale s'imbriquent parfaitement. Et pour cause : c'est en traitant la situation dans sa globalité qu'on arrive à résoudre les problèmes, répète Claire Georges-Tarragano. Petit à petit, grâce au travail des membres de l'équipe, le fil des situations parfois inextricables ailleurs se dénoue efficacement. Le temps devient une denrée précieuse : celui passé pour analyser collégialement chacune de ces situations permet d'en gagner par la suite. "Il faut proposer rapidement des solutions, tout en fonctionnant au cas par cas, mais savoir prendre le temps si la situation le nécessite", raconte Faustine, l'une des deux assistantes sociales. Pourtant le flux de patients est intense, constant. Plus de 4 000 consultations ont lieu au sein de la Pass chaque année. "La précarité n'est pas saisonnière, il faut être réactif", poursuit Maya, la seconde assistante sociale.
Une équipe pluridisciplinaire et soudée
L'une et l'autre ont rejoint le service au hasard de leur parcours professionnel. Elles ne le regrettent pas. "Il y a une cohésion d'équipe très forte", expriment-elles. C'est en effet l'un des points forts de la Pass de Saint-Louis. Ce jour-là, l'équipe accueille d'ailleurs une nouvelle recrue, une psychiatre. Sylvie a choisi d'intégrer une Pass, quelques heures par semaine car elle exerce aussi dans un cabinet, pour la dimension pluridisciplinaire de la consultation. "Je pense depuis très longtemps qu'il faut gérer simultanément la prise en charge médicale et psychiatrique. L'exercice en Pass permet cela, on est en permanence au contact des autres disciplines, on mène les consultations ensemble. La pluralité des points de vue est riche", témoigne-t-elle.
Ce jour-là, une réunion de concertation pluriprofessionnelle médico-sociale et éthique a lieu. Un chef de service et une assistante sociale d'un des services de l'hôpital présentent une situation complexe. Autour de la table, l'avenir des enfants de la patiente est aussi longuement évoqué que la maladie. C'est aussi cela le quotidien au sein de la Pass, qui apparaît comme une ressource pour les autres services.
Et c'est justement l'une des raisons qui ont poussé Martin, interne, à choisir la Pass comme lieu de stage de médecine générale. Il est le seul médecin à temps plein du service. Une équipe dans laquelle il se sent à sa place. "Le fait de rencontrer des situations parfois très lourdes, une misère très profonde, ça soude. Et puis l'équipe est gérée par une chef qui se bat, on se sent utile, soutenu, même si parfois, on n'aide pas autant qu'on le souhaite", confie-t-il.
Il est vrai que la complexité du fonctionnement des Pass, leur pluridisciplinarité et "l'efficacité de la dimension intégrative du soin", la responsable médicale les défend avec passion.
À la tête du collectif national des Pass, Claire Georges-Tarragano l'assure : les Pass sont un laboratoire de ce que pourrait être demain l'organisation du système de santé de part sa capacité d'adaptation et la complémentarité de ses acteurs. La Pass serait-elle complètement déconnectée du fonctionnement d'un CH ? "Non, il ne faut pas y voir une opposition entre deux organisations. Les deux modèles se complètent et sont nécessaires", explique-t-elle.
Le juste soin au juste coût
À Saint-Louis, la consultation Verlaine est intégrée à l'hôpital, ce qui n'est pas le cas de toutes les Pass (lire l'encadré). "Elle fonctionne avec un budget limité, ce qui oblige à réfléchir la pertinence de chaque dépense. On est à la fois différent du système mais bel et bien dedans", sourit Claire Georges-Tarragano.
"Le juste soin au juste coût", tel est le credo des Pass. Il faut innover pour s'adapter aux problématiques émergentes, être imaginatif. Même si le travail n'est pas toujours valorisé. "Le bon soin n'est pas quantifiable, nous avons la chance d'être soutenu à Saint-Louis mais les Pass restent un modèle peu valorisé car peu connu", regrette la chef de service. Mais ces structures seront bientôt dans la lumière. Un colloque intitulé "Concilier valeurs hospitalières et contraintes économiques : un enjeu majeur pour un système de santé en évolution" est organisé le 21 novembre prochain par leur collectif national et l’Association des directeurs d’hôpital (ADH), au sein même du ministère des Solidarités et de la Santé. Preuve sans doute que la reconnaissance ne saurait tarder.
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