Après la polémique sur les « violences obstétricales », les résultats de l’enquête nationale périnatale devraient quelque peu rassurer médecins et sages-femmes.
LE MONDE | | Par Gaëlle Dupont
Après la polémique lancée en juillet par la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, sur les « violences obstétricales », les résultats de l’enquête nationale périnatale, parus mercredi 11 octobre, devraient quelque peu rassurer médecins et sages-femmes.
Réalisée auprès de près de 14 000 femmes ayant accouché en mars 2016 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et le ministère de la santé, elle offre une photographie unique des pratiques dans les maternités. Sans nier l’insatisfaction de certaines femmes, les chiffres montrent une évolution vers une meilleure prise en compte des attentes des patientes.
Baisse de la proportion d’épisiotomie
C’est le cas concernant l’épisiotomie, une incision du périnée longtemps considérée comme un moyen de prévenir des déchirures plus graves. Elle est désormais pratiquée dans 20 % des accouchements, contre 27 % en 2010 – bien loin des 75 % évoqués par Mme Schiappa en juillet au Sénat (tous les chiffres concernent la France métropolitaine). Le bénéfice systématique de ce geste, qui peut causer des douleurs pendant plusieurs mois aux femmes, est aujourd’hui remis en cause.
La proportion est passée depuis 2010 de 45 % à 35 % pour les femmes ayant leur premier enfant, et de 14 % à 9,8 % pour les multipares. L’objectif fixé en 2005 dans la recommandation du Collège national des gynécologues et obstétriciens de France, qui visait un taux moyen inférieur à 30 %, est dépassé.
Autre indice d’une diminution des interventions médicales lors de la naissance : l’administration d’ocytocine pour accélérer le travail, qui s’est déroulée dans 44 % des naissances, contre 58 % en 2010.
« Cette pratique était devenue routinière, explique Camille Le Ray, gynécologue-obstétricienne et épidémiologiste. Elle n’est pas justifiée dans un grand nombre de cas, et des études ont montré qu’elle augmentait le risque d’anomalies du rythme cardiaque chez le fœtus et d’hémorragies après la naissance. »
Le taux de césarienne est, lui, stable, à 20 %. « Nous sommes un des seuls pays d’Europe qui l’a stabilisé », observe François Goffinet, chef de service de la maternité Port-Royal à Paris.
La péridurale reste généralisée
Le recours à l’anesthésie péridurale reste cependant généralisé, puisqu’il concerne 82 % des femmes ayant eu une tentative d’accouchement par voie basse, contre 78 % en 2010. Un peu plus de la moitié ont pu gérer elle-même le dosage. Les méthodes alternatives de gestion de la douleur (massages, changements de postures, marche, acupuncture…) progressent (35 % d’utilisatrices), mais en complément de l’anesthésie.
Moins de 15 % de femmes ne souhaitaient pas de péridurale en arrivant à la maternité, et 21 % étaient indécises. L’enquête ne dit pas comment elles ont été accompagnées.
Or de nombreux témoignages de femmes déplorent une absence de choix. « Un premier accouchement avec un travail long sans anesthésie demande qu’une sage-femme s’y consacre entièrement, reconnaît M. Goffinet. Aujourd’hui nous ne pouvons pas offrir cet accompagnement individualisé. »
L’enquête aboutit cependant un résultat plutôt rassurant : 88 % des femmes se sont déclarées satisfaites de la méthode reçue pour gérer la douleur et les contractions. Mais cela laisse 11,7 % de femmes non satisfaites, ce qui, rapporté au nombre de naissances, donne plus de 90 000 femmes concernées chaque année… Or en cas de difficulté, le traumatisme est proportionnel à l’importance du moment. Le chiffre n’est pas contradictoire avec les témoignages relatifs aux violences obstétricales qui se sont multipliés depuis cet été.
Chute du taux d’allaitement exclusif
En outre, la question ne concerne que la gestion de la douleur, et l’attitude du personnel soignant, ou le premier contact avec l’enfant… Les femmes qui présentent des projets de naissance ou des demandes à l’arrivée à la maternité sont peu nombreuses (respectivement 3,7 % et 17 %). Parmi elles 80 % estiment que l’équipe médicale y a répondu.
Certains indicateurs sont plus inquiétants. Le taux d’allaitement exclusif à la maternité a chuté de 60 % à 52 % en six ans, alors que les bénéfices de cette alimentation pour la santé de l’enfant et de la mère sont reconnus, et que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l’allaitement exclusif jusqu’à six mois.
Si certaines mères ne souhaitent pas du tout allaiter, l’accompagnement et les conseils prodigués lors du séjour à la maternité peuvent être décisifs pour lancer le processus. Or la durée de ce séjour diminue : elle est passée de 4,3 jours à 4 jours en moyenne en six ans.
Des évolutions de société
L’enquête reflète en outre des évolutions de société sur lesquelles les maternités n’ont pas de prise. L’augmentation de l’âge des mères se poursuit : 21 % étaient âgées de plus de 35 ans, contre 19 % en 2010. Or, plus les grossesses sont tardives, plus les risques sont élevés pour la mère (hypertension, diabète, accouchement par césarienne…) et les nouveau-nés (petit poids de naissance). Les mêmes risquent augmentent avec le surpoids et l’obésité des mères (respectivement 20 % et 12 % de femmes concernées).
Le nombre de fumeuses pendant la grossesse ne baisse pas (17 %). Dans le même temps, le nombre d’enfants prématurés augmente. Il est passé de 4,5 % en 1995 à 6 % en 2016. « Ce résultat pose question dans la mesure où d’autres pays ont des chiffres stables ou en baisse », observe Béatrice Blondel, responsable scientifique de l’étude.
Ce taux atteint presque 10 % dans les départements et régions d’outre-mer, où de nombreux indicateurs sont moins bons qu’en métropole : 25 % des femmes enceintes déclarent ne pas vivre en couple, les mères très jeunes sont plus nombreuses, et le taux d’obésité est plus élevé. En revanche, les fumeuses sont moins nombreuses (5 %) et les mères allaitent plus souvent leurs enfants (58 % d’allaitement exclusif à la maternité).
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