Coline Garré 30.11.2016
La secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion a lancé ce matin le site autisme.gouv.fr, une plateforme nationale qui se donne pour ambition d'informer sur les connaissances actualisées, de rappeler les recommandations de bonne pratique, de casser les préjugés, et de fournir un annuaire. Intégré au portail du ministère de la Santé, financé pour 3 ans à hauteur de 300 000 euros, ce site se compose de quatre grandes catégories : qu'est-ce que l'autisme ? J'ai des doutes, le diagnostic, et vivre avec l'autisme. Il se propose de répondre aux questions des internautes sur le diagnostic, la scolarisation, l'accès à l'emploi, les loisirs ou encore les transports.
« Auparavant, lorsque l'on tapait le mot autisme sur un moteur de recherche, on trouvait pléthore d'informations mais aucun site officiel. On pouvait se sentir un peu perdu », a déclaré Ségolène Neuville, en soulignant la « nécessité d'un espace avec des informations claires, fiables et validées scientifiquement ».
« On ne peut pas résumer quelqu'un à son statut d'autiste, à sa marginalité. Il faut s'intéresser à ses forces, et ce site permet d'en apprendre beaucoup, que l'on soit concerné ou pas », a vanté la marraine, la comédienne Mathilda May, alors que le site invite à déconstruire 10 idées reçues.
Un comité scientifique, composé d'une quinzaine de membres – chercheurs, médecins, experts – ainsi que des associations, des centres de ressources autisme (CRA) et des proches d'autistes ont collaboré à sa conception, indique le ministère.
Fronde des psychiatres contre une résolution de loi
Le lancement de ce site intervient en pleine polémique autour d'une proposition de résolution LR, portée par Daniel Fasquelle, qui « invite le gouvernement à promouvoir une prise en charge de l'autisme basée sur les recommandations de la HAS » de 2012. Ce texte, qui sera discuté à l'Assemblée nationale le jeudi 8 décembre, s'oppose avec virulence à toutes les thérapies psychanalytiques ; demande sur le plan pénal, l'interdiction du packing – qu'elle assimile à de la maltraitance ; réclame que les recommandations de la HAS soient « juridiquement contraignantes pour les professionnels travaillant avec les enfants autistes » et seules remboursées et autorisées ; et appelle le gouvernement à « faire systématiquement engager la responsabilité pénale des professionnels de santé qui s'opposent aux avancées scientifiques ».
Dès le 8 novembre, le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) s'étonnait dans une lettre ouverte que des parlementaires puissent s'associer à une telle résolution qui « attaque la psychiatrie, invite de manière irrationnelle le gouvernement à retirer des budgets au service public et impose sous menace de sanctions pénales certaines pratiques aux professionnels de santé ». « Êtes-vous à ce point ignorants des procédures de droit pour demander que les recommandations d’une agence indépendante (HAS) deviennent des obligations légales ? Êtes-vous partisan du totalitarisme permettant au pouvoir politique d’imposer des modèles de prise en charge sanitaire ? », s'offusquaient les Dr Marc Bétrémieux et Isabelle Montet, en dénonçant les amalgames et approximations pseudo-scientifiques de la résolution.
Une pétition dénonçant une intrusion du politique
Quelque 2 953 personnes ont par ailleurs signé une pétition lancée par le Dr Christine Gintz, psychiatre et mère d'un jeune autiste, et soutenue par plusieurs pédopsychiatres comme le Pr David Cohen (La Pitié-Salpêtrière) et le Pr Thierry Baubet (Avicenne), pour dénoncer, dans la tentative de rendre contraignantes les recommandations de la HAS, une transgression majeure et une attaque inadmissible, en même temps qu'une intrusion abusive du politique dans les décisions médicales.
« Nous vous appelons à faire barrage à un projet qui porte atteinte aux libertés fondamentales et tend à instaurer une science d’État, un projet qui va nuire aux personnes autistes en leur imposant un seul type de méthodes alors que l'autisme est un syndrome polymorphe autant dans ses expressions cliniques que dans ses étiologies », lit-on dans cette pétition. Elle demande aux députés de rejeter la résolution, et à l'Ordre des médecins et à l'Académie de médecine de s'y opposer fermement.
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