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samedi 20 juin 2015

Buenos Aires joue les illusionnistes à la Maison Rouge

M le magazine du Monde | Par Roxana Azimi




Les artistes réunis pour l’exposition « My Buenos Aires » invitent à une déambulation singulière dans la capitale argentine.

"Rue Lavalle", d'Alberto Goldenstein, série "Flâneur", 2004. 
"Rue Lavalle", d'Alberto Goldenstein, série "Flâneur", 2004.  ALBERTO GOLDENSTEIN


« Se voir dans un miroir et ne pas se reconnaître. » Ce sentiment d’inquiétante étrangeté, la curatrice Albertine de Galbert l’expérimente à chacun de ses séjours à Buenos Aires, une ville baignée, selon ses mots, « dans un champ magnétique qui vous fait perdre le Nord ». Bien que « Porteña » de naissance, sa consœur Paula Aisemberg y voit aussi sa boussole s’affoler.

Commissaires de l’exposition « My Buenos Aires » à la Maison Rouge à Paris, les deux complices tentent de décrypter la capitale argentine en mettant une soixantaine d’artistes à contribution. Une gageure tant cette mégalopole en trompe-l’œil, à la fois européenne et latina, a fait du trouble sa pierre angulaire. 


“Fan”, de Jorge Macchi, installation, 2013.

“Fan”, de Jorge Macchi, installation, 2013. JORGE MACCHI


Née une première fois en 1536, rasée par les Indiens dix ans plus tard, elle fut reconstruite en 1580. Transformiste dans ses fondations, elle devient caméléon dans ses emprunts. Déjouant toute tentation tropicaliste, ses architectures haussmanniennes instillent le doute. « Rio ou Caracas correspondent à ce qu’on attend de l’Amérique latine. Buenos Aires non, cela malgré les stéréotypes du tango ou du football », insiste l’artiste argentin Leandro Erlich. Et d’ajouter : « Ici, on est branchés, mais on se trouve aussi loin de tout, ce qui nous force à être inventifs. »


“Plaza de Mayo”, de Marcos Lopez, 1996.
“Plaza de Mayo”, de Marcos Lopez, 1996. MARCOS LOPEZ


Une invention qui passe bien souvent par l’introspection. Buenos Aires a façonné la psyché d’écrivains maîtres en dédoublement comme Jorge Luis Borges ou Julio Cortázar. Pour eux, comme pour les artistes biberonnés à leurs écrits, la ville est une poupée russe où les imaginaires s’emboîtent. « Ce qui m’attire, c’est l’idée de la cité secrète, une ville sous la ville. La magie peut se tapir dans n’importe quel patio, confie le plasticien Eduardo Basualdo. Tout est familier, mais tout est en mouvement, ce qui rend Buenos Aires méconnaissable. » Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. Du double à la duplicité, il n’est parfois qu’un pas. « Buenos Aires est comme une femme belle et difficile, dont vous tombez amoureux, mais vous devez éviter qu’elle ne vous tue », résume l’artiste Nicola Costantino.


Dans "Totloop", une installation vidéo (2003), l'Argentin Fabio Kacero s'est représenté comme mort à plusieurs endroits de Buenos Aires (ici devant la Casa Rosada, le palais présidentiel argentin). 
Dans "Totloop", une installation vidéo (2003), l'Argentin Fabio Kacero s'est représenté comme mort à plusieurs endroits de Buenos Aires (ici devant la Casa Rosada, le palais présidentiel argentin). FABIO KACERO

Cette dernière a justement fait de la dualité le cœur de son œuvre. Dans le petit film baptisé Trailer - mot ambigu signifiant aussi bien bande-annonce que roulotte -, elle se met en scène enceinte avec une réplique qu’elle a amoureusement forgée à son image. Après l’avoir chérie, elle finit par se débarrasser de son encombrante doublure. « Le double est un antidote à la solitude, explique-t-elle. A un moment il se détache de l’original et apparaît presque pervers et menaçant. C’est qu’on peut à lafois s’aimer et se détester, et tout simplement être victime de soi-même.

Trailer, de Nicola Costantino A voir ici ...

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