Les grands intellectuels ne seraient plus : pas un jour sans que le lamento ne soit entonné par quelques esprits chagrins. Dans un monde aux valeurs liquides, le savoir ne serait plus, l’enseignement mis à bas, pour preuve cette énième réforme des collèges. Il suffit pourtant de se tourner vers une grande institution qui fête cette semaine ses quarante ans : l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS). Loin de s’enfermer dans l’hermétisme de connaissances de plus en plus spécialisées, cette école prouve que la recherche est vivante, complexe, prolifique. Dans un texte manifeste, Philippe Descola, Jean-Louis Fabiani, Antoine Lilti et Irène Théry affirment que l’arme majeure des sciences sociales est la fabrication patiente d’un «regard éloigné». Une arme sans égale dans un monde globalisé, par ailleurs tenté par le repli. Mais les sciences sociales, c’est aussi la figure inégalée de Roland Barthes dont on fête le centenaire de la naissance. Comme une sorte de viatique pour l’existence, l’écrivaine Chantal Thomas rappelle une des exigences de l’intellectuel : «Enseigner sans se répéter, enseigner comme on vit.» Une réforme pour le collège ?