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vendredi 19 juin 2015

Obéir sur commande

LE MONDE |  | Par 

Vendredi 19 juin est le dernier jour de la 12e édition de la Semaine de la qualité de vie au travail, à l’occasion de laquelle l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) a publié son étude sur le dialogue en entreprise : 7 salariés sur 10 ont le sentiment de pouvoir s’exprimer facilement au sujet de leur travail.

Mais la mise en place d’espace de discussion est encore peu répandue : seuls 23 % des salariés déclarent en bénéficier aujourd’hui. 79 % estiment que les espaces de discussion rendraient les salariés plus efficaces. Le dialogue au sein de l’entreprise peut encore sérieusement s’améliorer. 

Très nombreux sont encore les salariés qui croient aux vertus de la non-communication.
Car comme le rappelle Jean-Paul Guedj, l’auteur des 50 règles d’or de la (sur) vie en entreprise (Larousse, 2012) : « tu respecteras le chef (…). Le chef a toujours raison. Et quand tu as raison contre lui, ce n’est pas une raison suffisante pour lui donner tort ».

L’Académie française définit « obéir » par « se soumettre à la volonté d’une personne, exécuter ses ordres ». En termes de marine, « obéir à la barre, au gouvernail » signifie « prendre une direction nouvelle sous l’impulsion du gouvernail ».

Confucius pour lequel « celui qui sait obéir saura ensuite commander », est sans doute plus convaincant que Pierre Bernanos, cité par le Trésor de la langue française informatisé, qui écrit qu’il « est aussi difficile d’apprendre à obéir qu’à commander », ajoutant cependant qu’« obéir n’est pas se laisser passivement conduire, ainsi qu’un aveugle suit son chien » (Dialogues des carmélites).

Dans 18 Bonnes raisons de détester son entreprise (François Bourin Editeur, 2012), Hubert Landier décrit « la tyrannie des procédures décidées en haut ». La crise aidant, explique-t-il, « la tentation est grande pour les managers d’utiliser la manière forte » pour en finir avec les conservatismes et les corporatismes.

« Ceci se traduit par une centralisation accrue des décisions stratégiques que les instances locales n’ont qu’à appliquer sans avoir la possibilité de faire entendre leur point de vue », avec le risque de blocages, de conflits, d’efficacité en berne. Conséquence, selon Hubert Landier « le salarié n’éprouve pas de fierté pour son travail et ce mépris se retourne contre celui qui l’éprouve, dans la mesure où il accepte de se plier à ce qui lui est demandé ».

Le mot apparu au XIIe siècle est emprunté au latin oboedire« prêter l’oreille [alicui, à quelqu’un] », « suivre ses avis », mais aussi « obéir, être soumis », au sens propre ou au sens figuré (oboedio voluptatibus, « être esclave du plaisir »). L’obéissance peut être tout en souplesse, comme l’indique le Gaffiot avec son illustration du mot tirée de Pline, où ramus oboediturus est traduit par « rameau flexible », faisant fait écho au roseau de La Fontaine, qui plie mais ne rompt pas.

Enfin, il reste la possibilité de désobéir : « sache dire non quand tu n’as pas les moyens de ta mission ou pire lorsqu’il [le chef] frôle le harcèlement et l’abus de pouvoir » (Jean-Paul Guedj)… 

Une désobéissance qui évoque la « désobéissance civile » au nom du changement politique d’Annah Arendt (Du Mensonge à la violence, 1972).

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