par Charlotte Belaïch publié le 1er avril 2024
«Une bombe sociale à fragmentation». Alors que le gouvernement a annoncé la suppression de l’Allocation de solidarité spécifique (ASS), avec une bascule vers le Revenu de solidarité active (RSA), le groupe socialiste à l’Assemblée nationale publie mardi 2 avril une note pour la Fondation Jean-Jaurès, qui analyse l’impact de la réforme sur ses allocataires. Le député PS Arthur Delaporte, qui a participé à l’élaboration de la note que Libération a pu consulter en amont, estime que cette suppression s’inscrit dans la droite ligne de réformes qui «n’ont en réalité qu’un objectif : faire des économies sur le dos des chômeurs, et les rendre coupables de la mauvaise santé du marché du travail».
Pourquoi cette note ?
Nous recevons la ministre du Travail, Catherine Vautrin, mercredi soir à l’Assemblée nationale dans le cadre de la semaine de contrôle parlementaire, à l’initiative des socialistes, pour lui demander une justification du bilan des réformes du gouvernement sur l’assurance chômage et leurs conséquences sur les allocataires. Nous proposons donc en amont – et avant même la troisième réforme promise par l’exécutif – un chiffrage des économies faites depuis 2021 : à horizon 2027, le gouvernement aura ponctionné près de 30 milliards d’euros. Pour les allocataires en fin de droits, il restait l’ASS, mais le Premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé dans son discours de politique générale la fin de cette allocation, avec une bascule vers le RSA.
Avec quelles conséquences ?
D’abord, une perte de revenus. Une personne seule sans enfant à charge sans autre source de revenus que l’ASS perdrait 11 euros par mois. Pour un couple sans enfant à charge, dont l’un des conjoints touche des revenus entre 0,6 et 1 smic, cela représenterait une perte de 89 à 136 euros par mois, soit autour de 1 600 euros de moins par an. La suppression de l’ASS représenterait ainsi pour ces ménages la perte de l’équivalent d’un mois de salaire. Or les allocataires de l’ASS sont une population très fragile : 6 sur 10 sont des seniors. Au-delà de la baisse des prestations, le gouvernement ferait des économies sur les cotisations car aujourd’hui, la personne allocataire de l’ASS, comme celle qui bénéficie de l’allocation chômage, valide des trimestres de retraite, ce qui n’est pas le cas d’un allocataire du RSA. Le gouvernement, enfin, entend ainsi se défausser sur les collectivités locales puisque le RSA est financé par les départements.
Vous parlez d’une «bombe sociale» ?
Quand on additionne toutes les réformes, il y a un effet cocktail. La réduction des indemnités chômage rend les gens plus précaires, la réduction de la durée de l’indemnisation les pousse vers l’ASS et donc, avec sa probable suppression vers le RSA, dont les conditions sont toujours plus durcies. Avec la réduction de la durée de l’allocation chômage de 25% récemment rentrée en vigueur, c’est déjà 48 000 personnes de plus chaque année qui basculent vers l’ASS.
Cette réforme interviendrait en outre à un moment où le marché du travail se dégrade...
Il y a un an, le gouvernement justifiait ses réformes en disant que la situation s’améliorait. On entendait dire qu’il y avait une pénurie de main d’œuvre, avec l’idée sous-jacente que les gens au chômage étaient des paresseux qui allaient retrouver un emploi s’ils le voulaient. Mais aujourd’hui, la situation se dégrade et ils décident de dégrader encore plus la situation des chômeurs. Il y a un mot dans le discours du Premier ministre qui a été assez peu commenté : les trappes à inactivité. C’est la reprise d’une vulgate des années 90 : quand les socialistes ont créé le RMI, la droite parlait de trappes à inactivité, comme si les gens préféraient les allocations au travail. Depuis trente ans, toutes les études montrent le contraire mais le gouvernement continue. Ces réformes n’ont en réalité qu’un objectif : faire des économies sur le dos des chômeurs, et les rendre coupables de la mauvaise santé du marché du travail.
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