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lundi 1 avril 2024

Déprimante psychiatrie

 Par Mikkel Borch-Jacobsen.

Publié en mars 2024

L’histoire de la psychiatrie est un cimetière de conceptions fantaisistes, aux conséquences souvent dévastatrices. En Europe et aujourd’hui plus encore aux États-Unis.

Desperate Remedies de Andrew Scull, Belknap Press, 2022

Desperate Remedies, sous-titré « Psychiatry’s Turbulent Quest to Cure Mental Illness », est un livre déprimant. Son auteur, Andrew Scull, est un éminent sociologue et historien de la psychiatrie et plus largement de la folie. Dans l’un de ses précédents livres, Madness in Civilization, il brossait une très ambitieuse histoire culturelle de la folie qui concurrençait par son ampleur l’Histoire de la folie à l’âge classique de Michel Foucault. Dans un autre, Hysteria, il suivait les métamorphoses de cette étrange « maladie » à travers les âges et les « thérapies » le plus souvent aberrantes mises en œuvre pour la contrôler. Dans un autre encore, Madhouse, il racontait l’histoire édifiante du Dr Henry Cotton, un influent psychiatre américain du début du XXe siècle qui s’était convaincu que la folie était causée par des infections focales et pratiquait à la chaîne des ablations d’organes qui mutilaient les patients sans pour autant les guérir.

Deux cents ans d’histoire et aucun progrès ?

Desperate Remedies prolonge cette dernière dénonciation de l’hubris psychiatrique, en l’étendant cette fois-ci à la psychiatrie américaine dans son ensemble et même, faut-il comprendre, à la psychiatrie en général depuis ses débuts européens. Scull nous en avertit dès les premières lignes de sa préface : « Dans ce livre, j’ai tenté de fournir une évaluation sceptique de l’entreprise psychiatrique – de son impact sur ceux qu’elle traite et sur la société dans son ensemble. [...] Je me suis concentré sur la thérapie des maladies mentales et sur les professionnels qui l'ont développée. » La psychiatrie, discipline médicale qui a émergé au début du XIXe siècle avec la prétention d’étudier et de traiter ce qu’elle présentait comme des maladies mentales, n’a en fait jamais réussi, dit Scull, à en percer les causes et encore moins à les guérir : « Deux siècles après la naissance de la profession psychiatrique, les racines des formes les plus graves de troubles mentaux restent toujours aussi énigmatiques. »

Deux cents ans d’histoire et aucun progrès ? Toujours dans sa préface, Scull raconte comment « un producteur hollywoodien qui avait un temps envisagé de faire un film basé sur l’un de mes livres m’a expliqué que celui-ci fournissait une très bonne matière pour un premier et un second acte. “Mais où est donc le troisième acte ?”, m’a-t-il demandé. Il voulait dire par là : “Où est le happy end ?” » Hollywood étant Hollywood, on soupçonne qu’en fait ce producteur demandait plutôt à Scull : « Où est l’histoire ? » Où est, autrement dit, la bonne vieille intrigue aristotélicienne avec un début, un milieu et une fin, heureuse ou non ? 

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