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vendredi 3 mars 2023

Santé : l’urgence mondiale




Claire Carrard   Publié le 2 mars 2023

Pénurie de soignants, hôpitaux en crise, déserts médicaux… Du Royaume-Uni à la Chine, en passant par la France ou l’Italie, le diagnostic est sans appel : il y a urgence car les systèmes saturent.

 Chaque semaine, “Courrier international” explique ses choix éditoriaux. Dans ce numéro, nous nous penchons sur l’état des systèmes de santé dans le monde, particulièrement éprouvés par la pandémie de Covid-19. Pénurie de soignants, hôpitaux en crise, déserts médicaux… Du Royaume-Uni à la Chine, en passant par la France ou l’Italie, le diagnostic est sans appel : il y a urgence car les systèmes saturent.

“Comment ne pas faire d’erreur, alors qu’on nous demande de travailler avec des moyens humains et matériels bien en deçà de ceux auxquels nous pouvons prétendre ?” “La raison d’être de la médecine est de soulager la souffrance ; les défaillances du NHS l’amplifient désormais.”

Ce constat, c’est un médecin britannique qui le dresse dans une lettre ouverte envoyée au bimestriel de The Economist, 1843. Il pourrait avoir été écrit par un praticien français, italien, chinois, espagnol… et c’est pour cela que nous avons choisi de le traduire en ouverture du dossier de cette semaine. Partout dans le monde, la pandémie de Covid-19 a servi de révélateur : les soignants sont souvent à bout et les systèmes de santé sont dans un état critique. Sous-financés, sous-dimensionnés, ils ne parviennent plus à prendre en charge des patients de plus en plus nombreux. Et qui vieillissent, aussi.

En France, le sujet est plus que jamais d’actualité. Enlisé dans sa réforme des retraites, le gouvernement n’a pas non plus convaincu les médecins généralistes. Les négociations entamées il y a plusieurs mois sur la tarification et les conditions de travail ont échoué. Et, petit à petit, l’Hexagone se transforme en désert médical, se désole El Mundo.

Dans ce marasme, seule la Norvège, où chaque citoyen a son généraliste, fait figure d’exception, analyse Dagens Nyheter. En Allemagne, où de très nombreux établissements manquent d’argent, “une crise des hôpitaux est à prévoir”, explique le magazine économique WirtschaftsWoche. En Italie, il faut parfois attendre un an pour une IRM, s’indigne L’Espresso. Au Royaume-Uni, les infirmières ont fait récemment grève pour la première fois de leur histoire ; à Madrid, au moins 250 000 personnes ont défilé le 12 février pour la défense du système public de santé…

On pourrait poursuivre la liste indéfiniment, le constat est partout le même. Dans les pays riches, les systèmes sont sous pression parce que la demande de soins “explose” et que l’offre ne suit pas, avance The Economist. Alors que faire ? Pour l’hebdomadaire britannique, il faut procéder à “des réformes qui étaient déjà souhaitables, telles que la rationalisation des procédures ou l’introduction d’une plus grande concurrence”.

Un point de vue très libéral que l’on retrouve étonnamment dans les colonnes de l’hebdomadaire chinois Caixin : “L’épidémie a été un choc à court terme, mais le vieillissement de la population chinoise est une variable lente qui doit nous pousser à intensifier la réforme”, explique le magazine économique, qui appelle à en finir avec les lourdeurs bureaucratiques du système de santé mais aussi avec les conflits d’intérêts.

Preuve que certaines problématiques sont mondiales, Caixin s’émeut aussi du manque de vocation et de reconnaissance des professions liées à la santé : “Il faut susciter de l’intérêt pour les métiers de la santé. La profession de médecin est d’un accès difficile. De plus, la question de la rémunération ne peut être éludée, en particulier dans les centres médicaux de base, où la faiblesse des salaires proposés peine à attirer les praticiens.”

En Italie, face à la pénurie de personnel, la Calabre a décidé de faire appel à 500 praticiens cubains : après des cours de langue et de culture, le premier contingent devait entrer en fonction fin janvier. “Des urgentistes, des chirurgiens, des cardiologues, des hématologues, des radiologues, des gynécologues et des pédiatres. La moitié d’entre eux a déjà exercé à l’étranger : en Afrique, en Amérique, dans le monde arabe, parfois aussi en Europe”, détaille La Repubblica, qui a rencontré le chef de la délégation cubaine. “Nous sommes formés pour être en mesure de nous adapter facilement. À Cuba, cela fait partie du bagage de tout bon médecin”, veut-il rassurer. Certes.

Mais est-ce la solution à long terme ? Les malades au nord, les soignants au sud ? Au Zimbabwe, dénonce le site The African Exponent, les infirmières sont de plus en plus tentées par une migration vers le Royaume-Uni, qui leur ouvre les bras. Elles ne sont pas les seules. Au point que le Conseil international des infirmières a récemment tiré la sonnette d’alarme. Le recrutement par les pays riches de personnel issu des pays du Sud pèse désormais largement sur les systèmes de santé de ces derniers. L’urgence, décidément, est bien mondiale.


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