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Dominique Friard, infirmier de secteur psychiatrique, formateur, superviseur d’équipes et épistémologue propose sur le site Serpsy une approche historique inédite de la recherche infirmière en psychiatrie, des associations, des groupes de recherche, des travaux …
« La recherche infirmière en psychiatrie est très loin d’être une idée neuve et une pratique radicalement innovante. Des travaux pionniers ont puissamment influencé nos cousines des soins somatiques. Ainsi les premiers travaux sur l’identité infirmière sont-ils l’œuvre des ISP (Infirmier de secteur psychiatrique) du Gerip. Ils sont repris quasiment dans la foulée par l’ANFIIDE (Association Nationale Francaise des Infirmieres et Infirmiers Diplomes et des Etudiants) et contribueront à générer régulièrement des enquêtes sur la « mosaïque infirmière ».
Nous nous intéressons, dans cet article, aux associations et groupes de recherche qui ont investi la recherche en psychiatrie dès la fin des années 60.
Pourquoi cet article ? Des chercheurs de différentes disciplines (sociologues, ethnologues, anthropologues, philosophes, psychosociologues, psychodynamiciens du travail, etc.) enquêtent sur les infirmières, observent leurs manières de faire, de s’organiser, de faire face à la maladie, à la mort, à la folie. Ils le font comme on étudie un peuple primitif qui est censé ne pas se penser lui-même. Ils nous considèrent comme des Dogons dépourvus d’écriture, sans littérature. Nous sommes leur objet d’études et un objet ça ne pense, ni n’écrit. Ils se gardent bien d’ailleurs de citer nos écrits. Le colonialisme universitaire n’a rien à envier au colonialisme politique ou militaire. Il s’agit donc d’abord d’affirmer que nous pensons par nous-mêmes, qu’il existe des recherches et une littérature infirmière.
La mémoire se perd, elle n’est plus transmise. Dans des Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et des Instituts de formation des cadres de santé (Ifcs) qui fabriquent des producteurs de soin ou des managers aux ordres, il n’y a pas de place pour l’histoire de la discipline. Il n’existe pas non plus d’espace où les avancées de la discipline pourraient être rassemblées, évaluées, mises en travail. Une académie du soin pourrait remplir cette fonction mais le collectif d’associations qui se regroupe sous ce nom ne se préoccupe pas de la discipline et encore moins de psychiatrie. Nous sommes condamnés à bricoler. Pendant ce temps-là, des chercheurs, des cliniciens fouillent le terrain, s’acharnent à le penser, en pure perte. La profession ne lit pas et les savoirs qu’elle produit ne sont pas repris. On préfère élaborer des protocoles.
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