Par Océane Bézivin Publié le 1er mars 2022
La Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté relève des conditions indignes et le non-respect de la loi sur les mesures de contention et d’isolement.
L’autorité administrative chargée de contrôler les conditions de prise en charge des personnes privées de liberté dénonce de nombreux dysfonctionnements au sein d’un hôpital psychiatrique de Lens (Pas-de-Calais), le centre de santé mentale Jean-Baptiste-Pussin. Le constat dressé, dans un rapport publié le 1er mars, par la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, à la suite d’une visite du 10 au 14 janvier dans l’établissement, est sans appel : « Les patients, y compris en soins libres, sont cloîtrés, souffrent de conditions d’hospitalisation médiocres, de placements à l’isolement indignes et évoquent leur insécurité. Leurs droits, aussi peu connus des patients que du personnel, sont d’autant plus rarement mis en œuvre que les juges ne se déplacent pas dans l’établissement et s’accommodent des absences répétées des patients à leurs audiences. » Déjà en 2016 et en 2019 des rapports administratifs avaient souligné des dysfonctionnements.
Restriction d’accès aux espaces extérieurs même pour les patients en soins libres, chauffage mal réparti à tel point que certains patients déclarent dormir en bonnet… Les problèmes sont nombreux. Si les personnes hospitalisées ne peuvent prendre l’air qu’entre 13 h 30 et 16 h 30, les chambres où ils doivent séjourner le reste du temps ne permettent paradoxalement pas la garantie de leur sécurité et de leur intimité, faute de système de verrouillage. De la même façon, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté décrit des chambres d’isolement indignes sans horloge permettant de se repérer dans le temps ni dispositif d’appel à l’aide pour les patients.
« C’est l’improvisation »
Outre ces conditions de prise en charge, c’est surtout le non-respect du cadre juridique des mesures d’isolement et de contention qui est dénoncé. Désignées par la loi comme étant des « pratiques de dernier recours » réservées aux personnes en hospitalisation sans consentement, ces mesures font pourtant l’objet d’une application généralisée en dépit du statut, de l’âge du patient, y compris mineur, et, pire encore, des décisions et contrôles effectués par les médecins en la matière. Est ainsi évoqué l’exemple d’une personne replacée à l’isolement une heure seulement après avoir bénéficié de la levée médicale de cette mesure…
Certains professionnels de l’établissement, désemparés, reconnaissent que la direction ne recherche guère de solution à cette restriction de liberté illégale sur de nombreux aspects. « On nous a dit parfois que ça n’était pas légal, mais on ne nous dit pas quoi faire d’autre », résume un salarié.
Les patients ne reçoivent pas toujours les décisions les concernant
Les soins sans consentement sont pourtant soumis à un cadre procédural strict et doivent systématiquement faire l’objet d’un contrôle par un juge. « Là encore, c’est l’improvisation », déplorent certains. Les patients ne reçoivent pas toujours les décisions les concernant. L’audience se tient hors des murs du centre, compliquant la préparation du dossier pour les professionnels de justice. Résultat, 37 % seulement des patients sont présentés au juge des libertés et de la détention chargé de juger leur maintien en hospitalisation sans consentement. Le manque d’effectivité de ces décisions de justice et le risque d’enfermement arbitraire sont également signalés par le rapport. Une décision de la cour d’appel de Douai du 19 juillet 2021 ordonnant la mainlevée d’une hospitalisation sous contrainte n’a ainsi été exécutée que vingt-trois jours après sa notification.
S’il regrette l’existence des manquements, le ministère de la justice, destinataire du rapport, tient à rappeler que l’absence des patients à l’audience devant le juge des libertés et de la détention est multifactorielle (refus du patient, possibilité de se faire représenter par un avocat, contre-indications médicales) et que les contraintes liées au ressort du tribunal de Béthune, comptant de nombreux centres psychiatriques, justifient que le juge ne se déplace pas au sein de l’établissement. Le garde des sceaux invite toutefois les chefs de cours à effectuer un rappel des dispositions légales et à procéder à un contrôle rigoureux des établissements placés sur leur territoire.
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