par Line Chopin publié le 5 mars 2022
Les inégalités entre les femmes et les hommes coûtent cher. Pas seulement aux femmes, pas seulement en termes de vies humaines, mais aussi financièrement, et ce pour l’ensemble de la société. Montant estimé de la facture pour la France : entre 102 et 118 milliards d’euros par an. C’est le chiffre choc avancé par la Fondation des femmes qui publie une étude à l’occasion du 8 mars. Pour le compte de l’association, l’historienne Lucile Peytavin et Ginevra Bersani, étudiante en finance à Sciences-Po Paris, ont passé au peigne fin les coûts qu’engendrent les inégalités entre les femmes et les hommes.
Elles se sont notamment appuyées sur des données tirées de l’Insee ou l’Inserm, ainsi que sur des ouvrages publiés sur le sujet. «On aimerait que le fait qu’il y ait autant d’abus dans les droits et d’atteintes à la dignité des citoyennes soit un argument suffisant pour que nos dirigeants réagissent. Mais puisqu’on n’a pas encore réussi à dégager les moyens nécessaires pour une politique ambitieuse de lutte contre les inégalités et les violences, on voit bien qu’il faut qu’on trouve d’autres arguments», justifie Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. Puisqu’elles doivent compter pour être écoutées, Lucile Peytavin et Ginevra Bersani ont sorti leurs calculatrices.
«C’est un système qui coûte énormément à l’Etat»
Plus grosse source de dépenses : les comportements virils, que les autrices de l’étude évaluent à 89,3 milliards d’euros par an. Le coût de ces «comportements virils» correspond aux dépenses liées à la délinquance et à la criminalité, comme le vol, l’insécurité routière ou les homicides, auxquelles ont été soustraites les dépenses engendrées par des femmes. Les inégalités professionnelles représentent quant à elles un manque à gagner qui varie de 5 à 22,15 milliards d’euros, quand les violences conjugales et les inégalités dans le domaine de la santé coûtent à elles deux 7,2 milliards d’euros.
Au total, le coût du patriarcat s’élèverait donc à plus de 100 milliards : une somme qui correspond à «un plan de relance post-Covid», relève Anne-Cécile Mailfert. «On nous oppose régulièrement le fait qu’on n’a pas forcément les moyens de lutter contre les inégalités et les violences. Là, ça montre que cet argument n’est pas recevable, parce que c’est un système qui coûte aujourd’hui énormément à l’Etat», souligne-t-elle. «Le fait de dire qu’on n’a pas les moyens de lutter contre, alors qu’on a les moyens de le maintenir, c’est aberrant.»
«En réalité, on est très loin du compte»
Les chercheuses soulignent par ailleurs que ces chiffres seraient largement sous-estimés, «en raison du manque de données et de travaux sur le calcul du coût du patriarcat», avance Lucile Peytavin. «Si ça paraît beaucoup, il faut se dire qu’en réalité, on est très loin du compte», appuie Anne-Cécile Mailfert. Ces chiffres donnent alors un ordre de grandeur, «qui permet de prendre conscience des effets néfastes du patriarcat», reprend Lucile Peytavin.
Comment, alors, réduire la facture ? Par «des politiques publiques ambitieuses», estime Anne-Cécile Mailfert. Dans le cas des violences conjugales, la Fondation des femmes demande un investissement de l’ordre d’un milliard d’euros. Lucile Peytavin juge quant à elle que le levier de l’éducation est primordial. «Peu de choses sont faites pour s’attaquer à la déconstruction de la masculinité toxique. A mon sens, c’est là qu’il faut qu’on agisse. Si on veut économiser ces dizaines de milliards d’euros, et si on veut sauver ces vies, il ne faut plus élever les garçons à travers ces notions de force, de toute-puissance, qui ont des répercussions sur les femmes mais aussi sur l’ensemble de la société.»
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire