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mardi 15 février 2022

Ce que deux ans de Covid-19 nous ont poussés à faire pour un peu d’amour

Par   Publié le 14 février 2022

Si certains se sont repliés sur le cocon du couple, d’autres ont vu une opportunité de remettre en question leur vie amoureuse.

A 67 ans, Isabelle n’était jamais allée sur un site de rencontre, trop certaine que ce n’était pas pour elle. Pourtant, après le confinement de mars 2020 – le premier – pendant lequel elle a porté le deuil de son mari, mort après quarante ans de vie commune quelques jours avant les restrictions, la dermatologue à la retraite s’est vite trouvée seule face à ses angoisses. Trop seule.

Aux confins du Finistère, pas d’offre d’activités collectives, moins encore de voyages dont elle espérait tant remplir ses journées de jeune retraitée. Alors, au mois d’août, elle franchit le pas et tente la rencontre virtuelle. Ce n’est pas son style, s’excuse presque celle qui tombe amoureuse de sa troisième rencontre, un Finistérien veuf, comme elle.

L’exemple d’Isabelle – et de tous les lecteurs qui ont répondu à un appel à témoignages publié sur Le Monde.fr – illustre les changements de comportements amoureux que ces deux années de vie hors normes ont autorisés. Le sociologue Jean-Claude Kaufmann l’explique par l’action du cerveau émotionnel. La pandémie a d’abord accentué une tendance de fond à davantage utiliser le cerveau rationnel, calculant toujours risques et bénéfices. Mais, en face, l’autre cerveau, « enraciné dans le corps sensible, n’en peut plus de la froidure qui s’installe et se révolte de manière impulsive, analyse cet universitaire pour qui, le désir de contact a pris de plus en plus la forme d’une révolte ».

Besoin décuplé de « combler les manques »

Comme Isabelle, Rémi (tous les prénoms ont été modifiés afin de garantir leur anonymat) a osé sa révolution. A 24 ans, ce salarié d’une collectivité locale se sait bisexuel. Mais issu d’une famille « traditionnelle, pas homophobe mais pas vraiment tolérante non plus », il s’était toujours refusé à explorer sa sexualité dans son entièreté, refoulant son attirance pour les hommes. Les restrictions sanitaires l’éloignant de son cercle familial et renvoyant sa colocataire au domicile parental, Rémi s’est saisi de cette liberté.

« Pour la première fois, je n’avais plus un regard sur moi », raconte-t-il. Le jeune homme enchaîne les rendez-vous par l’entremise d’applications dédiées. Vite accro à ces sites « comme à la cigarette », il connaît là son lot de déceptions et de mauvaises expériences mais reste... « prisonnier de cette libération », pas si facile à vivre résume-t-il.

« Le sexe est un antistress », rappelle au passage la psychothérapeute Catherine Demangeot, pour qui il est manifeste que le besoin de combler les manques affectifs a été décuplé pendant cette période et que l’amour physique a été une réponse. C’est d’ailleurs « faute de mieux » que Violette, 34 ans, a tardé à quitter, à l’hiver 2020, son compagnon de trois ans, alors que leurs aspirations divergeaient depuis un moment déjà.

« Plus aucun espace imaginable ailleurs »

La metteuse en scène toulousaine raconte avoir « essayé de faire marcher les choses parce qu’il n’y avait, d’un coup, plus aucun espace imaginable ailleurs ». Plusieurs mois plus tard, Violette s’éprend de l’ami d’un ami, une « chouette histoire, décrit-elle, mais je savais que ça ne fonctionnerait pas ». Pourtant, là encore, elle s’accroche plus que de coutume, même si elle finit par le quitter aussi. Et le regrette immédiatement. Peut-être aurait-elle pu, se dit-elle rétrospectivement, « réécrire l’histoire » et, en travaillant ses exigences, « changer l’étincelle ». Encore actuellement, face au vide de sa vie affective, elle reconnaît « être capable de prendre n’importe quel mec qui rentre un peu dans les cases [par] peur qu’il n’y en ait plus jamais d’autre ».

Le Covid-19, et plus particulièrement le premier confinement, a « cassé tout un tas de repères, théorise encore Jean-Claude Kaufmann,et face à l’inconnu, certains se sont accrochés au cocon sécuritaire d’un couple quand d’autres ont enclenché une remise en question. »

Comme Violette, la période aurait pu maintenir Isabelle dans un entre-deux inconfortable. Mais à l’inverse, elle lui a permis de forcer le destin et de prendre « une décision sûrement plus rapidement » que si elle avait été célibataire : la retraitée a décidé de vendre sa maison. Un nid dans lequel elle avait élevé ses trois garçons, accompagné son mari dans ces derniers jours et couvé son chagrin. Le lien de son intimité d’avant, mais qui s’est révélé, à la faveur de ce feu nouveau, trop lourd de souvenirs.


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