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mardi 8 février 2022

« Avec les podcasts sur la maternité, j’ai pu me préparer à des réalités auxquelles je n’avais jamais songé »

Par    Publié le 05 février 2022

Pour de nombreux parents, ces productions sonores traitent de thématiques non abordées ailleurs et les accompagnent dans les périodes-clés de la grossesse, de l’accouchement ou encore du post-partum.

Quand Louise est tombée enceinte de son premier enfant en 2019, elle savait, « au plus profond d’elle », que sa vie allait changer, mais ne se sentait pas prête. Dans l’entourage de cette Brestoise de 31 ans, pourtant rempli de parents, personne ne lui avait parlé, pendant ses premiers mois de grossesse, de la difficile période du post-partum, l’après-accouchement. « Pour préparer cette déflagration à venir, j’ai écouté Sage Meuf, le podcast de la sage-femme Anna Roy, et là, déclic, mon corps et ma tête se sont mis en mode : “ça va être chaud après l’accouchement, il nous faut des infos. » Son mari a alors visionné tous les numéros de l’émission de France 2 « La Maison des maternelles » ; de son côté, elle a pris le temps d’écouter d’autres podcasts sur cette même thématique.

Comme cette jeune mère bretonne, de nombreuses femmes – mais aussi de futurs pères – utilisent aujourd’hui ce nouveau média pour préparer leur accouchement, mais aussi comprendre les phénomènes physiologiques de la grossesse et du post-partum, cette période difficile, jusqu’alors taboue et rendue visible en 2020 grâce au hashtag #Monpostpartum.

Depuis quelques années, plusieurs podcasts natifs (indépendants) sur ces thématiques rencontrent, en effet, une audience importante en France : « Bliss Stories », de Clémentine Galey (plus de 600 000 écoutes par mois) et « La Matrescence », de Clémentine Sarlat (plus de 300 000 écoutes par mois) arrivent régulièrement en tête des classements Apple Podcasts et ACPM. De son côté, la sage-femme Anna Roy, chroniqueuse dans l’émission « La Maison des maternelles » sur France 2, a remporté un succès important en réalisant « Sage Meuf », huit épisodes sur « l’accouchement, la vie de couple, la charge mentale » pour Europe 1.

« Aborder la parentalité de manière plus décomplexée »

Les podcasts seraient-ils aujourd’hui devenus un complément au célèbre guide de Laurence Pernoud J’attends un enfant (première édition, 1956) et à la préparation classique à l’accouchement avec une sage-femme ? Camille, avocate dans l’ouest de la France et grande consommatrice de podcasts lors de ses trajets en voiture pour se rendre en audience (cinquante minutes chaque jour), en est persuadée. Suivie en clinique privée pendant sa grossesse, elle a compris après coup qu’elle n’y avait pas trouvé un accompagnement suffisant pour se préparer au jour J : « Je n’ai eu que des cours de sophrologie, on me faisait réciter des mantras et, ensuite, il y a eu toute une partie centrée sur l’accueil du bébé. En écoutant des podcasts tardivement, dix-huit mois après la naissance de mon enfant, je me suis rendu compte que les femmes doivent être hyper-moteur pour préparer leur accouchement. » 

Clémentine Galey a créé « Bliss Stories » lorsqu’elle a réalisé que sa jeune sœur, enceinte, avait beaucoup de questions sur la grossesse et l’accouchement

Noémie, Orléanaise de 30 ans, a, elle, pris les devants pendant sa grossesse et écouté « avec avidité de précieux conseils et témoignages de Bliss. (…) J’ai ainsi pu me préparer à des réalités auxquelles je n’avais jamais songé et que je n’avais pas trouvées dans des lectures ou écoutes plus institutionnelles ». Selon elle, le livre de Laurence Pernoud – qui a conseillé des générations de jeunes parents – est une référence « fondamentale », mais « normative ». Elle a eu besoin d’écouter des témoignages de parents et de futurs parents pour « aborder la parentalité de manière plus décomplexée ».

Clémentine Galey a créé « Bliss Stories » lorsqu’elle a réalisé que sa jeune sœur, enceinte, avait beaucoup de questions sur la grossesse et l’accouchement.« Passionnée par ces thématiques, j’ai alors pris contact avec des influenceuses sur Instagram : j’avais envie de gratter un peu le vernis, voir si derrière les images lisses qu’elles donnaient à voir de la maternité, il n’y avait pas eu des moments difficiles liés à l’accouchement. Sur les dix demandes que j’ai faites, neuf m’ont répondu. C’est un sujet sur lequel les femmes ont envie de parler. » 

Solitude des mères

Parler et écouter pour « se sentir moins seule », c’est ce qui ressort très souvent des témoignages des jeunes mères que nous avons recueillis en octobre par le biais d’un appel à témoignages publié sur Le Monde.fr. Ainsi, Asmaé, attachée de presse, aujourd’hui maman d’une petite fille de 3 mois, a vécu une première grossesse éloignée de sa mère, vivant au Maroc, et n’avait à Paris que des amies sans enfant : « Pour pallier ce manque de présence maternelle, j’ai écouté des podcasts, cela m’a permis d’assouvir ma curiosité et d’apaiser mes appréhensions de mère en devenir. » Ils ont été, dit-elle, « la meilleure école de préparation à [son] nouveau rôle de mère. »

« Sans les podcasts, je n’aurais jamais décidé d’aller dans une maison de naissance pour mettre au monde mon deuxième enfant », explique Leïla, 30 ans

Pour d’autres parents, ces productions sonores ont favorisé des prises de décision importantes concernant l’accouchement, ou encore l’organisation des premiers mois avec leur(s) enfant(s). Leïla, Parisienne de 30 ans, a vécu deux grossesses rapprochées dont un accouchement juste avant le premier confinement de mars 2020, pendant lequel les podcasts (« Les Louves », « Les Equilibristes », « Prélude ») ont été« une compagnie précieuse ». Elle explique que ses écoutes ont déterminé le choix de la maternité pour son deuxième accouchement :« J’ai été très sensible à un épisode de La Matrescence, dans lequel intervenait le gynécologue Michel Odent, favorable à l’accouchement physiologique[moins médicalisé qu’un accouchement classique]. Sans les podcasts, je n’aurais jamais décidé d’aller dans une maison de naissance pour mettre au monde mon deuxième enfant. »

La journaliste de « La Matrescence », Clémentine Sarlat, a fait le choix de réaliser des entretiens au long cours avec des « personnalités qui l’inspirent », des médecins et des universitaires (sa rencontre avec la pédiatre Catherine Gueguen a été écoutée près de 200 000 fois). Dans chaque épisode, elle explore un sujet en profondeur (maternité, parentalité, couple) afin que « chaque auditeur ou auditrice puisse piocher dans ces podcasts en fonction du moment où il ou elle en est dans sa vie ». 

« C’est l’écoute intime »

Evelyne Cohen, professeure émérite des universités à Lyon, spécialiste de l’histoire contemporaine des médias, explique le succès des podcasts auprès des jeunes mères, par leur aspect nomade (c’est un « son que l’on emporte »avec soi, une « baladodiffusion »), mais pas seulement : « Par leur souplesse et, en particulier, par leur rencontre avec des publics jeunes, ces podcasts recherchent une forme d’intimité, une parole qui s’adresse à eux individuellement. » Une écoute intime qui s’ajoute à un intérêt grandissant pour la parole des personnes, l’autobiographie. Pour Clémentine Galey, ce « média de l’intime » est devenu « un outil d’aide, de réconfort et d’information ». Elle a d’ailleurs décidé de proposer des programmes d’accompagnement (payants) pour les futurs parents, en complément de la préparation classique à l’accouchement.

« Dans les podcasts, je parle comme si je parlais à mes patients dans mon cabinet », explique la sage-femme Anna Roy

« C’est la rencontre entre un univers numérique international et des auditeurs soucieux d’expression libre, de création et d’indépendance »,ajoute Evelyne Cohen. Cette intimité et cette liberté dans la conception sont également revendiquées par les créatrices de podcasts, qui apprécient de pouvoir prendre le temps d’explorer les sujets. « Je ne m’exprime pas de la même manière pendant les sept-huit minutes de temps d’antenne à la télévision [pendant l’émission « La Maison des maternelles »], je formate plus », explique la sage-femme Anna Roy. Dans les podcasts, j’aborde longuement des sujets complexes, comme le corps et le post-partum. Et je parle comme si je parlais à mes patients dans mon cabinet, j’ai l’impression d’être dans la même pièce que mes auditeurs. » Le succès de son expérience avec Europe 1 l’a d’ailleurs incitée à transformer l’essai : elle lancera à son tour, en février, un podcast en son nom.


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