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lundi 24 janvier 2022

Pour soigner les blessures, un protocole « Peace and love »

Publié le 19 janvier 2022

CHRONIQUE

Imaginé par des Canadiens, l’acronyme « Peace and love » définit les règles de prise en charge des entorses, atteintes musculaires et autres traumatismes des sportifs.

Dix mille pas et plus. Et si cette première chronique de l’année était placée sous le signe de la paix et de l’amour ? Rassurez-vous, ce n’est pas juste un contre-pied à l’ambiance générale mais bien un sujet de sport santé. « Peace and love » est un acronyme inventé par deux physiothérapeutes canadiens, Blaise Dubois et Jean-François Esculier (Clinique du coureur, Québec), pour guider la prise en charge des blessures : entorses, atteintes musculaires, mais aussi lésions des tendons, voire du cartilage ou des os. Cette stratégie en deux temps a été exposée dans un court article du British Journal of Sports Medicine en janvier 2020.

Traumatismes aigus liés à une contrainte violente (choc, contraction, torsion), mais aussi atteintes plus chroniques, par contraintes mécaniques répétées, les pathologies musculo-squelettiques sont très fréquentes chez les sportifs. « En athlétisme, 70 % des pratiquants ont au moins une blessure dans l’année, quel que soit leur niveau, et cela est peut-être valable dans d’autres sports », souligne le professeur Pascal Edouard, médecin du sport au CHU de Saint-Etienne et chercheur à l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne.

L’acronyme « Peace » correspond à la prise en charge immédiate des lésions aiguës. Le « P », pour « protection », consiste à cesser dans un premier temps (généralement deux à trois jours) toutes les activités provoquant des douleurs. L’objectif est de minimiser les saignements, prévenir la distension des fibres endommagées et prévenir les risques d’aggravation des lésions. L’« élévation » (« E ») du membre blessé au-dessus du niveau du cœur vise, elle, à réduire la stagnation des fluides. « A » renvoie à l’« abstention » d’anti-inflammatoires, ces médicaments pouvant affecter négativement la cicatrisation à long terme des tissus, justifient les deux Canadiens. Ils déconseillent aussi l’application de glace, faute de preuve de haut niveau sur son efficacité. Même si les effets sont surtout antalgiques, la glace pourrait perturber l’inflammation et la revascularisation, et au bout du compte altérer la réparation tissulaire, justifient-ils. Pour réduire l’œdème, ils préconisent une « compression » (« C ») par des bandes élastiques ou de taping. Enfin le « E » est l’« éducation » du patient aux bénéfices d’une approche active, et en prévenant la surmédicalisation. « Les modalités passives, telles que l’électrothérapie, les thérapies manuelles ou l’acupuncture, pratiquées précocement après la blessure, ont des effets insignifiants sur la douleur et la fonction par rapport à une approche active, et peuvent même être contre-productives à long terme », écrivent-ils.

Etre actif pour récupérer plus vite

Après la paix, ils invitent à l’amour, avec une remise en charge et en mouvement progressive (« L » pour « load ») tenant compte des douleurs, dans un état d’esprit « optimiste »  (« O »), qui influence positivement la récupération. Le « V », comme « vascularisation », met l’accent sur l’activité cardio-vasculaire, qui renforce la motivation et augmente le flux sanguin vers les zones lésées. Le « E » correspond à des « exercices » (souplesse, renforcement…) pour restaurer la mobilité, la force et la proprioception.

Pour le professeur Edouard, l’un des points innovants de cette approche est le concept de « load », qui a bouleversé les pratiques ces dernières années. « Plus on est actif de manière adaptée aux capacités du corps, plus vite on récupère, précise-t-il. J’ajouterais que la fonction crée l’organe, ce que certains interprètent comme “use it or lose it” ». A l’exception de la réticence des deux Canadiens sur l’utilisation de la glace, qui ne fait pas consensus, ces recommandations pragmatiques sont « ce que l’on peut faire de mieux en 2022 pour la prise en charge des blessures », estime le médecin du sport. Il espère que celles-ci vont se diffuser dans le milieu sportif, mais aussi dans le monde médical, et notamment dans les services d’urgence, où les anti-inflammatoires sont encore souvent prescrits en première intention plutôt que des antalgiques ou les autres éléments du protocole Peace and love.

Enseignant-chercheur en physiologie de l’exercice à l’université Clermont-Auvergne, Sébastien Ratel retient de son côté que cette stratégie incite les athlètes à s’écouter davantage et à mettre la douleur au centre de leur réhabilitation. « Les auteurs appellent aussi à traiter la personne avec une blessure plutôt que la blessure de la personne. Ce principe devrait être au centre de toute rééducation », juge-t-il.



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