par Alice Clair et Savinien de Rivet
Mise en place à partir de 2019 par Jean-Michel Blanquer, la réforme du lycée a drastiquement diminué le nombre de filles choisissant la spécialité maths en terminale, par rapport à celles qui choisissaient la filière S (scientifique) du temps de l’ancien système. Avant la réforme, les terminales S comptaient presque une moitié de filles (48,4 %), qui faisaient des mathématiques à un niveau intensif. En 2021, selon les dernières données disponibles, elles n’étaient plus que 38,6 %. Cette proportion est même inférieure à ce qu’elle était en 1995. Ce qui a conduit le mathématicien Jean-Pierre Bourguignon à déplorer, au micro de France Inter, le fait qu’en deux années de réformes, on ait «perdu vingt ans d’efforts».
Depuis la réforme, les lycéens choisissent trois spécialités en première et seulement deux en terminale. Ils doivent donc en abandonner une entre-temps et c’est souvent l’enseignement des maths qui en fait les frais. Il est donné la possibilité de garder les maths comme matière complémentaire optionnelle en terminale, mais de nombreux élèves ne le font pas. Aussi, l’année du bac, près de 40 % des lycéens ne font plus du tout de maths.
Lorsqu’on observe quelle proportion de filles ou de garçons de terminale générale ont choisi la spécialité maths ou avaient opté pour la filière S auparavant, on s’aperçoit que la chute est brutale pour les deux sexes. De 62 % des garçons, on passe à moins de la moitié et de 43 % des filles, on passe à moins du quart.
La réforme du lycée a ainsi provoqué un abandon brutal de la pratique des mathématiques en terminale par de nombreux élèves, et particulièrement de la part des filles. Elle est aujourd’hui largement décriée, y compris par Cédric Villani, auteur d’un rapport pour le ministère visant à améliorer le niveau scolaire en mathématiques, et qui y était à l’origine plutôt favorable. Le mathématicien et député évoque à présent sa «mise en place ratée».
Cette faible proportion de lycéennes en spécialité maths risque de faire chuter dans les années qui viennent le nombre de filles choisissant une filière scientifique pour leurs études supérieures. A l’inverse, les filières déjà très féminisées comme lettres ou sciences humaines risquent de le devenir encore davantage. Celles-ci offrent des débouchés moindres que les études scientifiques et les salaires à l’arrivée sont en moyenne largement inférieurs. A moyen terme, c’est à l’égalité économique entre hommes et femmes que la réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer risque de porter un coup.
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