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mercredi 26 janvier 2022

CBD : le Conseil d’Etat invalide l’interdiction des fleurs de cannabis

par Charles Delouche-Bertolasi

publié le 24 janvier 2022
Près d’un mois après la décision de l’Etat d’interdire les fleurs de cannabis, le Conseil d’Etat a donné raison ce lundi aux défenseurs de la filière en suspendant l’interdiction de la vente de fleurs. Une claque pour le gouvernement. 

Les sages auraient-ils échangé la hache de guerre contre le calumet de la paix ? Après des jours de stress pour la filière et de joutes dans les prétoires, le Conseil d’Etat a finalement décidé ce lundi soir d’invalider la décision polémique du gouvernement prise le 30 décembre dernier via le nouvel arrêté régissant le cannabis en France.

«Le juge des référés du Conseil d’Etat estime qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de cette mesure d’interdiction générale et absolue en raison de son caractère disproportionné», peut-on lire dans le texte. La décision du Conseil d’Etat, prise à la suite de l’audience qui s’est déroulée le 14 janvier, relève certaines incohérences du nouvel arrêté. «[…] il n’apparaît pas, au terme de l’instruction contradictoire et des échanges qui ont eu lieu lors de l’audience publique, que les fleurs et feuilles de cannabis sativa L. dont la teneur en THC est inférieure à 0,3 % présenteraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d’interdiction totale et absolue : ce seuil est précisément celui retenu par l’arrêté contesté lui-même pour caractériser les plantes de cannabis autorisées à la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle», écrivent les sages.

«Par ailleurs, il n’est pas démontré qu’il serait impossible de contrôler cette teneur pour les fleurs et les feuilles, alors même que des moyens de contrôle sont détaillés, pour l’ensemble de la plante, à l’annexe de l’arrêté. En attendant que le Conseil d’Etat se prononce définitivement au fond sur la légalité de l’arrêté contesté, le juge des référés suspend à titre provisoire l’interdiction contestée.» Les feux sont de nouveau au vert pour le CBD. Et l’Etat est condamné à payer 1 000 euros à chaque partie. Une claque pour Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur et la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) pris en flagrant délit d’incohérence juridique et d’amalgame idéologique.

Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’université Paul-Valéry de Montpellier et spécialiste du droit de la drogue, l’atteste, «après la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, celles de la Cour de cassation et du conseil d’Etat, celle du Conseil constitutionnel, une nouvelle fois un juge rappelle au gouvernement que la lutte contre les drogues est un enjeu de santé publique, pas un enjeu politique ou idéologique.» Il précise également que cet arrêté «suspend à la fois l’interdiction de commercialisation des fleurs de CBD et l’interdiction d’en consommer, tout en permettant dès à présent la culture de la plante de cannabis pour produire du CBD. C’est une décision qui garantit la pérennité de la filière en attendant le jugement au fond qui prendra plusieurs mois.»

2 000 boutiques réparties sur le territoire

Car contrairement au THC – tétrahydrocannabinol, l’actif le plus connu de la plante et prise par les consommateurs de cannabis récréatif –, le CBD ne possède pas d’effets psychotropes. Autrement dit, cette molécule n’est ni planante ni euphorisante. Mais elle fait tourner la tête du gouvernement. Pour que les produits cannabidiol soient vendus en toute légalité, ils ne devaient pas jusqu’alors contenir un taux de THC supérieur à 0,2%. Désormais, la limite est de 0,3% mais uniquement pour les produits transformés. Dans le business du CBD, les fleurs brutes représentent 50% à 70% du chiffre d’affaires des 2 000 boutiques réparties sur le territoire national et ressource indispensable pour les 600 agriculteurs qui ont planté pour la première fois du chanvre CBD cette année. L’interdiction à la vente menace un marché français en plein essor : le chiffre d’affaires du secteur est estimé par les syndicats à 1 milliard d’euros, les deux tiers tirés de la commercialisation des fleurs et feuilles brutes.

Le 7 janvier, le Conseil constitutionnel avait rejeté une demande d’associations de cannabiculteurs et autres défenseurs de la planteattaquant l’arrêté de 1990, et sa version révisée régissant la consommation de cannabis en France. Elles demandaient que l’instance reconnaisse le manque de définition autour de la notion de stupéfiants ainsi que l’absence de compétence du législateur à formuler ce texte.

Le nombre de détaillants du CBD en France avoisinerait les 2 000 personnes, selon Aurélien Delecroix, président du Syndicat professionnel du chanvre. «Avec deux à trois employés par magasin, c’est 5 000 emplois directs qui sont en danger», développe le gendarme réserviste. Pour lui, l’argument de santé publique utilisé par le gouvernement pour interdire la fleur ne tient pas, car il est «déjà pris en compte par la circulaire européenne». Il y a déjà une restriction de l’accès à ces produits, comme l’interdiction aux mineurs. Officiellement la décision du gouvernement d’interdire les fleurs était motivée par le fait qu’il serait difficile de différencier une fleur de CBD d’une fleur de cannabis et par la nocivité des inhalations. Mais il s’agit surtout pour l’exécutif d’afficher une fermeté sans faille dans sa guerre à la drogue, quitte à se retrouver hors sol. En face, une pétition pour obtenir l’annulation de l’arrêté pris le 30 décembre avoisine déjà les 40 000 signatures.


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