par Léo Soesanto publié le 16 janvier 2022
Narré par Mathieu Amalric, le documentaire d’Yves Jeuland déroule richement, sur deux heures vingt-six, la vie de Charlie Chaplin. Une longueur fleuve tant le film se gargarise à raison avec sa profusion d’images d’archives, d’extraits de films restitués in extenso : on ne peut en effet se résoudre à couper les scènes finales déchirantes, chacune dans leur genre, des Lumières de la ville et du Dictateur. «Génie de la liberté» donc, tant Charles Spencer Chaplin Jr a bataillé pour s’extraire de sa condition («une enfance à la Oliver Twist» passée dans un orphelinat). Affiné son art aux travers des centaines de prises et des scènes chronométrées de ses films sur lesquels il gardait un contrôle absolu. Défendu son humanisme contre vents, marées et l’Amérique puritaine.
Déjouer le monde des adultes
Nul besoin de trouver des images de l’âge tendre de Chaplin (sauf les photos où son regard magnétique se détache déjà d’un groupe de gamins), puisque ses films sont largement infusés par l’enfance, son imagerie (le Kid bien sûr) et son énergie à déjouer le monde des adultes en toutes circonstances. Vitalité disciplinée («Vous êtes un danseur», lui dira Nijinski), mal distribuée dans la vie privée (ses liaisons avec de très jeunes femmes dont Lita Grey, 16 ans lorsqu’il l’épouse), inespérée lorsqu’il persiste pendant une décennie dans la pantomime et produit encore des chefs-d’œuvre (le Cirque, les Temps modernes) lorsque le cinéma parlant menace de le rendre obsolète après avoir remisé au placard son ami de génie Buster Keaton.
Le documentaire rappelle habilement comment, aux balbutiements des médias de masse, Charlie Chaplin est devenu la première star mondiale du XXe siècle, reconnaissable par tous grâce à son avatar de Charlot (enfin, sauf par Gandhi, avec qui une maladroite rencontre médiatisée sera mise en scène). Une star vite imitée (chapitre cocasse de la «chaplinsploitation» où, bien avant les sosies profanateurs post-mortem de Bruce Lee, apparaissent des clones de Charlot sans copyright), scrutée par les médias et le FBI jusqu’au harcèlement. Et bientôt en concurrence avec un autre moustachu global tristement célèbre : Adolf Hitler. «Ce fils de pute est un des plus grands acteurs que j’ai jamais vus», avouera Chaplin. En volapük hilarant d’abord, en pacifiste passionné, le nazisme fera enfin parler Chaplin dans le Dictateur.
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