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mercredi 19 janvier 2022

Mille milliards d’euros en cinq ans pour lutter contre les urgences planétaires

par Carlo Rovelli, Professeur de physique à l'université de la Méditerranée et de philosophie à l'université Western Ontario, au Canada, coordinateur du collectif international Global Peace Dividend et Matteo Smerlak, Physicien, chef de groupe au Max-Planck Institute for Mathematics in the Sciences, en Allemagne, coordinateur du collectif international Global Peace Dividend

publié le 18 janvier 2022 
Le collectif Global Peace Dividend, composé de plus de cinquante Prix Nobel, propose à tous les Etats du monde de réduire leurs dépenses militaires de 2 % par an pour lutter contre le réchauffement climatique et les pandémies.

En 2020, deux millions de personnes sont mortes du Covid-19 et 120 millions d’autres ont été jetées dans la pauvreté par ses conséquences désastreuses sur l’activité économique mondiale, en recul de 4.4% par rapport à 2019 (1).

En 2020 encore, 98 millions de personnes ont été directement frappées par les tempêtes, inondations et autres catastrophes climatiques d’une Terre désormais 1,2 °C plus chaude qu’en 1900. Le coût financier de ces désastres s’élève à 150 milliards d’euros au bas mot.

En 2020 toujours, les pays riches n’ont pas trouvé les ressources nécessaires pour réduire efficacement les émissions de gaz à effet de serre, ou pour aider les nations moins développées à lutter contre les conséquences du réchauffement climatique.

Et pourtant, en 2020, les dépenses militaires mondiales ont continué d’augmenter pour atteindre le chiffre record de 1 730 milliards d’euros – deux fois plus qu’en 2000 en euros constants (2). A l’exception de l’Amérique du Sud, cette augmentation du budget des armées concerne tous les continents, y compris l’Europe.

Notre maison brûle, et nous construisons des sous-marins nucléaires et des missiles hypersoniques.

Briser le cercle vicieux

Comment expliquer un gâchis aussi vertigineux ? La réponse est un mécanisme bien connu des psychologues et des économistes, le «perdant perdant». Sa logique est implacable : si mon adversaire augmente ses dépenses militaires, je dois également augmenter les miennes sous peine d’être désavantagé, ce qui force mon adversaire à augmenter encore les siennes s’il ne veut pas se retrouver derrière… Au final, les coûts augmentent pour toutes les parties, sans qu’aucune n’ait rien gagné à la manœuvre ; pendant ce temps, l’humanité dans son ensemble pâtit du sous-investissement dans les domaines vraiment essentiels à sa survie : le climat, la santé, la prospérité.

Pour briser le cercle vicieux de la course aux armements, il existe une solution : la coopération internationale. Avec plus de cinquante Prix Nobel et les présidents de cinq Académies des sciences (dont la française), nous appelons tous les pays du monde à négocier une réduction de leurs dépenses militaires de 2 % par an pendant cinq ans. Une telle réduction ne changerait rien à l’équilibre des puissances, mais grâce à elle l’humanité réaliserait une économie de plus de mille milliards d’euros. Il ne tient qu’à nous de nous coordonner pour jouir ensemble d’un immense «dividende de la paix».

Mille milliards d’euros en cinq ans. Nous proposons que la moitié des sommes économisées reste à la disposition des gouvernements nationaux, qui pourront les utiliser pour soutenir la reconversion des industries militaires – ou pour financer écoles et hôpitaux. L’autre moitié devra être versée à un fonds global sous l’égide de l’ONU et dédiée à la lutte contre les urgences planétaires. Avec de telles ressources supplémentaires – supérieures au montant total de l’aide internationale sur la même période – l’humanité sera enfin en mesure de lutter sérieusement contre les pandémies ou le réchauffement climatique. A coût nul pour les Etats.

Eviter la catastrophe

On peut penser que de telles négociations internationales n’ont aucune chance d’aboutir ; l’histoire récente prouve le contraire. Depuis les années 80, les Etats-Unis et la Russie ont volontairement réduit leurs stocks d’armes nucléaires de presque 90 %. Quelles qu’étaient leurs rivalités durant la guerre froide, la coopération stratégique était dans l’intérêt des deux pays, et c’est cet intérêt qui a prévalu. Aujourd’hui, ce ne sont pas deux pays qui doivent se coordonner pour éviter la catastrophe, mais toutes les nations du monde.

Comme l’ont déjà fait des milliers de citoyens du monde entier ainsi que de nombreuses associations, signez la pétition adressée à Emmanuel Macron et aux autres dirigeants des pays membres permanents du Conseil de sécurité afin qu’ils organisent des négociations internationales pour la réduction des dépenses militaires dans tous les pays ; l’article 26 de la charte des Nations unies les y oblige, et il ne tient qu’à nous de leur rappeler (3).

(1) Johns Hopkins University.

(2) Stockholm International Peace Research Institute.

(3) «Afin de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le Conseil de sécurité est chargé […] d’élaborer des plans qui seront soumis aux Membres de l’Organisation en vue d’établir un système de réglementation des armements.»

Pour signer la pétition visitez www.peace-dividend.org

Carlo Rovelli est l’auteur de livres sur la science traduits dans plus de 50 langues, dont Sept Brèves Leçons de physique (Odile Jacob) et Helgoland (Flammarion).

Matteo Smerlak est l’auteur du Que sais-je ? sur les Trous noirs (Presses universitaires de France).


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