par Virginie Ballet publié le 12 janvier 2022
Ce fut un acte joué en deux temps, mardi soir, sur le compte Twitter du Président. D’abord une vidéo regroupant plusieurs témoignages de femmes atteintes d’endométriose. Comme tant d’autres avant elles, elles ont raconté leurs douleurs «jusqu’à l’évanouissement», l’interminable attente d’un diagnostic (sept ans, en moyenne) l’impact lourd sur tous les aspects de leur vie qu’a cette pathologie gynécologique qui touche environ une femme sur dix… Puis, sont arrivées les «annonces présidentielles», dans une vidéo de près de six minutes, toujours sur le réseau social. «Ce n’est pas un problème de femmes. C’est un problème de société», a-t-il entamé avec un sens de la formule maîtrisé, plus de 160 ans après que la maladie a été décrite pour la première fois par l’Autrichien Karel Rokitansky. Mais que faire ? Lancer «notre première stratégie nationale de lutte»contre la maladie, a répondu Macron. Dans les grandes lignes, il s’agira de «mieux comprendre cette maladie», de «trouver des traitements», de développer des «réflexes endométriose» à l’école, à l’université ou dans les milieux médicaux, et de créer au moins un centre de recours et d’expertise par région.
Des moyens «à la hauteur des enjeux», mais sans chiffres ni date
Basée sur le rapport commandé par la ministre de la Santé, Olivier Véran, à l’eurodéputée RE Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue de profession, cette stratégie semble pour l’heure principalement une stratégie de communication, dénuée de calendrier précis, et surtout, de budget. Car si, sur le fond, les intentions semblent louables (qui ne souhaite pas que soit mis en place un «programme de recherche d’envergure nationale sur l’endométriose» ?), les moyens mis en œuvre sont aussi, à ce stade, bien flous. Ils seront «à la hauteur des enjeux», a promis le Président. Combien ? Ni l’Elysée ni le cabinet du ministère de la Santé n’ont pu nous apporter ces précisions, renvoyant à l’installation prochaine d’un comité de pilotage sur le sujet, qui sera chargé de la mise en œuvre de cette stratégie, pour en faire «une réalité», promet-on. En attendant, la réalité des concernées, elle, demeure inchangée.
Pourtant, dès mars 2017, le candidat Macron dévoilait au magazine Elle ses pistes pour agir en la matière, s’il était élu. Agir en trois axes : développer la recherche médicale sur le sujet, créer des «centres d’excellence» pour une prise en charge pluridisciplinaire, et mieux former les soignants. Soit le plan dévoilé près de cinq ans plus tard. A quelques semaines de la fin de son mandat, et deux ans après le lancement d’un plan national sur le sujet par Agnès Buzyn, sans doute les concernées auraient-elles voulu pouvoir se raccrocher à quelque chose qui rende tangibles ces promesses. «Il était temps d’agir pour faciliter l’accès aux soins», a martelé Macron ce mardi. Ou encore : «Il était temps que nous donnions à leur combat la visibilité d’une cause nationale, que nous nous engagions à leurs côtés». En effet, il était temps. Il faut «garantir une prise en charge globale, personnalisée et équitable sur tout le territoire», a encore dit Macron.
Le gouvernement n’a pas l’intention d’intégrer l’endométriose dans la liste des affections exonérantes
Mais il est un point, pourtant crucial à cet égard, qu’il s’est bien gardé d’aborder sur Twitter : l’inscription de l’endométriose sur la liste des affections longue durée exonérantes. Revendiquée de longue date, entre autres, par l’association Endomind, objet d’une proposition de résolution défendue jeudi par La France insoumise à l’Assemblée, cette mesure permettrait aux quelque deux à quatre millions de femmes atteintes de cette pathologie de demander à voir leurs soins pris en charge à 100 % en étant sûres d’y parvenir. De pouvoir être placées en arrêt maladie lorsque leurs douleurs sont trop fortes, «jusqu’à l’évanouissement», sans délai de carence qui les pénalise financièrement.
Actuellement, selon des travaux de la post-doctorante Alice Romerio, publiés en novembre 2020, 82 % des interrogées ont des réticences à demander des arrêts maladie à leur médecin pendant les crises. Plus d’un quart des répondantes en ont été réduites à poser au moins cinq jours de congés ou de RTT l’année passée pour anticiper les jours où les symptômes seront trop invalidants. Une poignée de femmes (4 500 en 2018, selon le directeur de la caisse nationale d’assurance maladie), ont vu leur pathologie reconnue comme une affection longue durée, hors liste. Soit une goutte d’eau, et de manière aussi opaque qu’aléatoire. Mais le gouvernement, lui, n’a à ce stade pas l’intention d’intégrer l’endométriose dans la liste, harmonisée et nationale, des affections exonérantes. «Les conditions ne sont pas réunies», ont apparemment estimé les «experts» consultés. La stratégie est «holistique», défend-on à l’Elysée. Le «vrai sujet», c’est la recherche, surenchérit-on au ministère de la Santé. Le vrai sujet, c’est sans doute, et surtout, tout ce que le Président n’a pas dit dans sa vidéo Twitter.
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