La situation a été jugée suffisamment grave pour décider d'intervenir avec des mesures immédiates. Malgré un agenda extrêmement chargé en raison de l'examen de la loi de santé au Sénat, c'est à la dernière minute, mercredi soir, que la ministre de la Santé a décidé de se rendre ce jeudi matin au congrès Urgences, Porte Maillot à Paris, pour tenter d'éteindre le feu qui se propage dans les services d'urgences de l'Hexagone.
Confrontés à la violence croissante, à des conditions de travail qui se dégradent, épuisés et surmenés à cause de la pénurie paramédicale et médicale, 80 services sont à ce jour en grève. Les personnels devaient manifester ce jeudi à Paris pour crier leur exaspération et leur désarroi.
« J'entends votre colère », « les urgences sont en détresse »
Face aux urgentistes, Agnès Buzyn a d'abord rappelé ce jeudi avoir déjà œuvré pour améliorer le quotidien des hospitaliers en augmentant les tarifs en 2019, « la première hausse depuis dix ans ». Mais ayant conscience que ce signal n'est pas suffisant, pressée aussi par le syndicat SAMU-Urgences de France de prendre des mesures immédiates, la locataire de Ségur a annoncé plusieurs dispositions, faisant elle aussi le constat d'urgences « en détresse ».
Côté financier, la ministre a promis « l'homogénéisation » de la prime individuelle de risque pour le personnel paramédical. Créé en 2000, cette prime de 97,69 euros brut par mois s'adresse au départ aux soignants des structures psychiatriques ou exerçant en établissements pénitentiaires. « Cette prime n’est pas portée partout à son juste niveau, des inégalités existent entre hôpitaux pour des situations pourtant analogues », a admis la ministre. Cette aide sera désormais « mobilisée partout où cela est justifié » a-t-elle insisté, évoquant un engagement moral indispensable vis-à-vis de ceux qui soignent « en assumant cette part de risque ». En avril déjà, pour calmer la colère des personnels des urgences de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), le directeur général Martin Hirsch avait annoncé le relèvement de cette prime dans le CHU francilien de 5,76 euros par mois à « environ 60 ».
Délégations : un bonus pour les paramédicaux
En parallèle, la ministre a annoncé la création d'une « nouvelle prime de coopération » à l'intention des paramédicaux, dont le montant reste à définir. Le principe : grâce à de nouveaux protocoles de coopération, prévus dans la loi de santé, « les médecins peuvent déléguer aux paramédicaux de leurs équipes des tâches qui leur étaient jusque-là réservées ». Cette « opportunité nouvelle [est] à la fois porteuse de solutions de fond pour fluidifier les prises en charge [c'est] une formidable occasion de reconnaître tous les talents d'une équipe », a plaidé Agnès Buzyn.
Par ailleurs, toujours sans définir d'enveloppe financière, Agnès Buzyn a assuré que chaque agence régionale de santé (ARS) devra apporter son « soutien aux hôpitaux qui traversent des épisodes de tension ». « Il faut leur donner les moyens, sans délai, de rétablir des conditions de travail décentes pour les équipes », a-t-elle martelé. Cette ambition se concrétisera par un « fléchage » de crédits spécifiques à attribuer aux hôpitaux en cas d'augmentation « très importante » de l'activité dans les services d'urgences.
« Je ne veux plus voir de services d'urgences vétustes »
Agnès Buzyn décide aussi de mobiliser les ARS pour engager des « travaux de rénovation architecturale » dans les services d'urgences où les besoins se font sentir. Il s'agit à la fois d'améliorer la qualité de l'accueil de patients et les conditions de travail des personnels hospitaliers. « Je ne veux plus voir des services d'urgences vétustes, il n'est plus admissible d'être en retard dans les travaux de rénovation », s'est-elle agacée, évoquant même l'image inacceptable de « peintures défraîchies ou en lambeaux ». « Travailler dans des locaux modernes et propres, c'est bien la moindre des choses », a-t-elle souligné.
Au-delà de ces mesures de court terme, la ministre a confié une mission nationale de refondation des urgences au Pr Pierre Carli (président du Conseil national de l'urgence hospitalière) et au député (LREM) Thomas Mesnier. Ces deux experts devront rendre leur rapport en novembre 2019 « sans tabous, sans réticences ». Il s'agit à la fois d'objectiver la situation actuelle (typologie de structures d'urgences en fonction de leur activité, difficultés de recrutement), d'analyser l'organisation des transports sanitaires ou encore d'identifier les travaux supplémentaires à mener notamment en termes d'information et de « responsabilisation de la population » et d'articulation avec la médecine de ville.
Enfin, la ministre recevra les urgentistes à la mi-juin lors d'une réunion de préparation à la période estivale, « souvent critique pour les services d'urgences ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire