Ils vont s’installer devant le ministère de la Santé. Ce jeudi en fin de matinée, à l’appel du collectif Inter-Urgences et soutenus par les syndicats, des délégations des plus de 80 services d’urgences en grève vont manifester pour «dire haut et fort l’impossibilité de faire correctement leur travail», comme l’explique un infirmier de l’hôpital de Lons-le-Saunier (Jura). «On nous a dit qu’une délégation sera reçue, a précisé à Libération Hugo Huon, infirmier à l’hôpital Lariboisière et membre du collectif Inter-Urgences. Le gouvernement se rend compte qu’il ne peut pas faire le dos rond et continuer de nous critiquer.»
Le changement de ton est, en tout cas, sensible au ministère de la Santé. Mardi, Agnès Buzyn avait vertement réagi à une série de dépôts d’arrêts de travail du personnel de nuit du service des urgences de l’hôpital parisien Lariboisière, dénonçant «le dévoiement» du personnel. La porte-parole du gouvernement s’est, elle, montrée plus conciliante mercredi matin. Sibeth Ndiaye a rappelé que la ministre était «disponible pour recevoir» les médecins urgentistes et «trouver des solutions» à leurs «difficultés». Et a assuré sur RTL «comprendre leur colère, parfois leur désespoir»,ajoutant même, à propos des arrêts maladie des derniers jours, qu’elle ne jetait «la pierre à personne» étant donné la situation de l’hôpital français.
Des mots doux qui ne suffiront peut-être pas à calmer un mouvement devenu inédit par son histoire, son ampleur et sa durée. Tout a commencé il y a deux mois, après l’agression d’un membre du personnel soignant, quand les infirmiers et les aides-soignants de l’hôpital Saint-Antoine à Paris se sont mobilisés. Cette initiative a vite fait tache d’huile, d’abord au sein des Hôpitaux de Paris (AP-HP), où des soignants ont créé le collectif Inter-Urgences, puis celle-ci n’a cessé de s’étendre.
A l’AP-HP, on en est désormais à plus de dix semaines de grève. Le taux global de mobilisation, qui prend en compte les personnels absents et assignés, se maintient «en deçà de 30 %» dans les 25 services concernés, selon la direction. Certains pourront dire que cela reste sous contrôle, pour autant, ce mouvement dure et surtout se charge d’exaspérations. Des incidents ont lieu, la permanence des soins devient parfois hasardeuse, des préfets, comme à Lons-le-Saunier, perdent leur sang-froid au point de faire appel à la force publique pour les réquisitions de médecins. Le collectif est pour sa part soutenu, voire encadré par les principaux syndicats hospitaliers (CGT, SUD, FO).
Le conflit s’est cristallisé autour de revendications traditionnelles, comme la hausse des salaires et des effectifs. Mais les blessures sont profondes. Comme nous l’avait dit François Braun, chef de service au CHR de Metz-Thionville (Moselle) et président de Samu-Urgences de France, «jamais je n’ai vu un malaise de cette ampleur et une démobilisation complète de professionnels pourtant très attachés au service public». Non sans gravité, l’ordre des médecins a appelé mercredi «à l’organisation d’une concertation d’urgence impliquant tous les acteurs»,précisant : «Leur souffrance face aux conditions de travail actuelles doit être entendue.»
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