PMA et secret : le mieux ennemi du bien Photo Loic Venance. AFP
Donner aux enfants nés par don l’accès à leurs origines personnelles est une nécessité. Mais pourquoi l’inscrire à l’état civil ? Un tel affichage peut être contre-productif, paralysant.
Tribune. On le sait, le mieux est parfois l’ennemi du bien. Faire en sorte que le secret qui entoure la filiation des enfants nés par don de gamètes soit levé est une impérieuse nécessité. Un «bien», oui.
Il est primordial pour l’équilibre psychique, tant des parents que de l’enfant, puis de l’adulte, que ceux-ci puissent avoir un accès à leurs origines. La révision prochaine de la loi de bioéthique doit indéniablement aboutir à la levée de l’anonymat des dons de gamètes. Les mentalités ont évolué. Les parents qui ont eu recours à un don savent pertinemment qu’il est essentiel de dire son mode de conception à celui ou celle qu’ils ont ardemment désiré. Qu’à enfouir cette histoire particulière sous des monceaux de silence, celle-ci finit toujours par suinter. Entraînant les mêmes conséquences délétères que ces secrets de famille qui empoisonnent des générations. On ne peut donc que souhaiter sortir de ce cercle vicieux : bravo.
Mais la question que semblent se poser certains sur l’aménagement de cette filiation est : «Comment imposer la nécessité de dire à l’enfant qu’il est né d’un don ?». Car il s’agit bien d’imposer. Que la loi permette un jour l’accès aux origines n’est pas, à leurs yeux, suffisant. Ils espèrent «mieux» : que le mode de conception de l’enfant soit inscrit sur une «déclaration commune anticipée de filiation»,mention figurant sur l’état civil intégral de l’enfant, que les parents soient mariés ou non, de sexe différent ou non. Une mention légale qui change tout : ces parents qui ont désiré, qui ont entamé et mené à bien un parcours difficile, ces parents-là seraient dépossédés d’une liberté de révéler à leur enfant son mode de conception, simplement, à leur manière, à leur moment et selon leurs propres modalités.
A la culture du secret instituée depuis des années succéderaient donc une culture du contrôle de la vérité obligatoire et ce, par voie administrative.
Rappelons-le : si, dans notre pays, le donneur est choisi selon le même groupe sanguin que le parent infertile, c’est pour éviter que l’enfant, au cours de son itinéraire de santé, ne découvre le pot aux roses. L’appariement des cheveux, la couleur des yeux, de la peau, participe de cette même volonté. Tout est fait pour que l’acte de «don», confié au notaire, soit secret. Cela part d’une «bonne» intention, mais cela ne correspond plus à ce que nous savons aujourd’hui des arcanes d’un développement psychologique épanouissant. Les témoignages de ceux qui, devenus adultes, ont souffert de la découverte trop tardive de leurs origines, ou de l’impossibilité de les connaître, confirment leur sentiment d’avoir été trahis ou d’avoir souffert d’être prisonniers d’un mensonge. Pour autant, la déclaration de filiation ne nous semble pas le meilleur accompagnement pour éviter ces maladresses.
Non, ce n’est pas pour revenir à des vieilles antiennes que ce projet de «déclaration» nous semble mal venu. Ce n’est pas non plus parce que nous serions timorés. Nous sommes aussi attachés à la révélation du mode de conception à l’enfant mais pas dans un autoritarisme de la transparence.
Ne pas tout mélanger. Une telle révélation par le mode de la «déclaration» peut être contre-productive, voire paralysante. Imaginez les ravages que cette annotation administrative pourrait avoir sur une personne née de don de gamètes qui vient à la mairie, pour une raison des plus banales, chercher son acte d’état civil !
Mais il y a plus grave : cette idée de «déclaration» donne la curieuse impression d’un retour en arrière et d’infantiliser, voire stigmatiser, les parents qu’ils soient mariés ou non, qu’ils soient de même sexe ou de sexe différent. Tout se passe comme s’ils étaient soupçonnés d’être incompétents à dire la vérité à l’enfant, et qu’il fallait que l’Etat se substitue à eux. Intrusion violente et choquante dans la vie intime des individus. Un manque de confiance singulièrement anachronique pour que ceux qui proposent d’«instituer la volonté et l’engagement des parents à l’égard de l’enfant, plutôt que d’escamoter le don (1)…» au moment où notre société devient favorable à l’accès aux origines et ose penser que les parents ne cacheront pas leur recours à un don, tout en attribuant au donneur(se) sa juste valeur. Ces parents, qui au premier chef ont bravé des épreuves, ont réfléchi - plus que bien des parents bio ! - avant de se lancer dans cette aventure, seraient-ils inaptes à entretenir leur petit des circonstances de sa conception ?
Pourquoi, plus simplement, plus justement, ne pas centraliser tous les consentements à la procréation avec don au sein d’un organisme géré par un tiers (2) ? Les parents ayant, quand ils le souhaitent, comme ils le souhaitent, révélé leur parcours à leur enfant, ce dernier pourra y avoir accès, s’il le désire, à sa majorité. Connaissant l’existence de cette éventualité, les parents seraient encore plus enclins à anticiper cette démarche, et les enfants devenus adultes pourraient naturellement y avoir recours. Vouloir libérer le silence, soit. Lever de force un secret, non.
(1) «PMA : les familles et leurs fantômes», de Serge Hefez, Libération du 27 mai.
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