En Suède, le nombre de plaintes pour menaces ou actes de violence à l’école est en forte augmentation. La ville du Sud va mettre en place un contrat en primaire pour favoriser « une attitude positive ».
Trop, c’est trop. Le 22 mai, la Ville de Malmö, dans le sud de la Suède, a annoncé qu’à la rentrée prochaine les parents de 30 000 enfants inscrits en primaire seraient priés de signer un contrat en début d’année. En parafant le document, ils s’engageront à adopter « une attitude positive » à l’égard des enseignants et à leur « faire confiance », mais aussi à leur envoyer des enfants « reposés et ayant pris un petit déjeuner ».
Les dirigeants de la Ville espèrent une prise de conscience, pour mettre un terme aux incidents, dont les médias se font l’écho chaque semaine, à Malmö comme dans le reste du pays. Un enseignant poussé dans un couloir par un élève et victime d’un traumatisme crânien, des insultes, des coups… En 2018, l’Office suédois de l’environnement du travail a enregistré 870 plaintes déposées par des enseignants ou des élèves, pour des menaces ou des actes de violence à l’école, soit cinq fois plus qu’il y a cinq ans.
Une évaluation écrite ?
La situation est telle que le gouvernement, composé des Verts et des sociaux-démocrates, vient d’introduire un nouveau paragraphe dans le programme scolaire, qui entrera en vigueur à la rentrée prochaine : il rappelle « le devoir des élèves de respecter leurs enseignants et camarades de classe ». Dans une tribune, la ministre de l’enseignement secondaire, Anna Ekström, souligne que l’obligation de respecter les professeurs ne concerne pas juste les enfants, mais également « les parents ».
Au Parlement, les quatre partis de centre droite ainsi que l’extrême droite réclament la mise en place d’une « note de comportement ». Elle prendrait la forme d’une évaluation écrite sur l’attitude de l’élève en classe. Mais la proposition est décriée par les enseignants, qui rappellent qu’un tel dispositif existait dans les années 1950 et qu’il avait été supprimé faute d’efficacité.
Johanna Jaara Astrand, présidente du principal syndicat enseignant (Lärarförbundet), s’inquiète d’une augmentation de la charge de travail et du risque accru de pression de la part des parents : « Il faudra documenter les moindres faits et gestes des élèves pour pouvoir justifier de l’évaluation, alors que les professeurs sont déjà noyés dans les tâches administratives. » Sa collègue Asa Fahlén, à la tête de l’Union nationale des enseignants (Lärarnas Riksförbund), approuve : « C’est comme tenter de soigner une hémorragie de la carotide avec un pansement. » Car le mal est plus profond, selon elle.
Le paroxysme de l’individualisme
Les grandes enquêtes internationales sur les valeurs et les attitudes distinguent la Suède comme une société « où l’individualisme est aujourd’hui poussé à son paroxysme ». « A l’école, l’accent est mis sur les droits de l’individu et pas sur ses devoirs », observe Åsa Fahlén. Elle évoque sa propre formation, dans les années 1990 : « Nous étions préparés à être des coachs, à socialiser les élèves, les pousser vers l’avant. Pas à être des leaders détenteurs d’une autorité. Nous avons besoin de directives claires, qui décrivent ce que nous sommes autorisés à faire pour maintenir le calme dans la classe nécessaire à l’enseignement. »
« Nous faisons face à une culture malsaine et destructive, où les parents réagissent comme des clients et non plus comme des partenaires. » La présidente du principal syndicat enseignant
L’an dernier, le médiateur des enfants et des élèves (BEO) a condamné une école à verser 15 000 couronnes (1 400 euros) à un élève qui accusait son enseignante de l’avoir maltraité. Elle avait sorti le garçon de sa classe en le tirant par le bras. Les parents ont porté plainte. La police et l’inspection scolaire ont toutes deux blanchi l’enseignante. Mais celle-ci a démissionné, sous la pression de sa direction.
« Nous faisons face à une culture malsaine et destructive, où les parents réagissent comme des clients et non plus comme des partenaires », constate Johanna Jaara Astrand. La présidente de la Lärarförbundet met en cause la privatisation du secteur de l’éducation et la concurrence extrême entre les établissements scolaires, privés ou publics mais tous financés par le contribuable, parmi lesquels les parents peuvent faire leur marché.
Le mal-être des enseignants suédois est tel qu’aujourd’hui 37 000 diplômés ont jeté l’éponge et changé de métiers. Une catastrophe dans un pays où manquent actuellement 65 000 professeurs diplômés et dont les besoins en recrutement sont estimés à 187 000 enseignants d’ici à 2031.
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