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lundi 13 mai 2019

Le recrutement par simulation : un remède aux métiers en tension ?

La méthode de mise en situation des candidats, indépendamment de leur CV, facilite le travail des responsables des ressources humaines, toujours en quête de la perle rare.
Par Myriam Dubertrand Publié le 15 mai 2019
« Pôle emploi dispose de 110 équipes spécialisées et de 500 conseillers MRS sur l’ensemble du territoire » (Agence Pôle emploi de Montpellier, le 3 janvier)..
« Pôle emploi dispose de 110 équipes spécialisées et de 500 conseillers MRS sur l’ensemble du territoire » (Agence Pôle emploi de Montpellier, le 3 janvier).. PASCAL GUYOT / AFP
Ils étaient préparateur en pharmacie, paysagiste, spécialiste du marketing ou du tourisme, gestionnaire des achats… Ils sont aujourd’hui codeurs-développeurs. Florian Carmelet, 27 ans, est diplômé de l’Ecole nationale supérieure d’ingénieurs de Poitiers (Ensip). Après une expérience d’ingénieur thermique dans le bâtiment, il est, depuis le mois d’avril, salarié à Nantes chez Wiztivi, une société qui développe notamment des interfaces télé pour des opérateurs téléphoniques et pour des opérateurs de contenus.
Une reconversion vers un métier en très forte tension rendue possible par le recrutement par simulation (MRS). Cette méthode développée par Pôle emploi fait fi du traditionnel CV et met les candidats en situation afin de déceler leurs capacités ou leur « habileté » à exercer leur nouveau métier.

Ce procédé met tout le monde sur un pied d’égalité. « Il s’agit de casser les représentations, explique Adeline Guiter, chef de projet MRS numérique à Pôle emploi. Non, les codeurs-développeurs ne sont pas que des hommes. Non, il n’est pas nécessaire d’avoir un bac + 4 ou +5. Oui, les seniors peuvent exercer ce métier. »

« Découvrir des talents cachés »

« Le processus de recrutement est très inhabituel, confirme Johan Sanchez, codeur-développeur depuis mars à La Bécanerie, entreprise de vente à distance de pièces détachées pour deux-roues basée à Avignon. Ici, personne ne m’a demandé quoique ce soit sur mon diplôme ou sur mes précédentes expériences professionnelles. » A 40 ans, il craignait que son âge puisse être un frein. Après une formation en management et en gestion, il a exercé des fonctions diverses (achats, logistique, supply chain…), dans de grands groupes et de petites structures. Laurent Henni, le directeur de La Bécanerie, apprécie quant à lui une démarche qui « casse les habitudes et qui permet de découvrir des talents cachés venant d’horizons professionnels différents ».
La méthode n’est pas nouvelle. Loin de là : elle existe depuis 1995. « Au départ, elle a été créée pour les métiers de l’industrie, notamment pour pourvoir des postes de soudeurs, dont les entreprises avaient besoin en grand nombre, explique Christian Hiron, coordinateur équipe MRS à Pôle emploi. Ensuite, elle s’est très rapidement étendue à la restauration rapide, à la grande distribution, notamment dans le cadre de nouvelles implantations, aux centres d’appels… » Aujourd’hui, elle concerne tous les secteurs : logistique, agroalimentaire, aéronautique, téléphonie… Pôle emploi dispose de 110 équipes spécialisées et de 500 conseillers MRS sur l’ensemble du territoire.
Wiztivi fait partie des entreprises confrontées à de sérieuses difficultés de recrutement. Créée en 2007, elle connaît une croissance exponentielle. Ses effectifs sont passés de 60 salariés en 2017 à 160 aujourd’hui, dont 130 basés à Nantes. « Avant, nous recrutions de façon classique (cabinet de recrutement, candidatures spontanées…), explique Xavier Michel, le dirigeant de la société. Mais, le marché des ingénieurs informaticiens est extrêmement tendu. Ce qui nous a amenés à réfléchir à la possibilité de procéder autrement et, pourquoi pas, de faire appel à des profils atypiques. »
Il découvre alors la méthode de recrutement par simulation. A la suite d’une première session de MRS en octobre 2018, qui a attiré une centaine de personnes pour la réunion d’information, dont 30 ont passé les tests et 10 ont été conviées à un entretien de motivation, 9 candidats ont été recrutés par l’entreprise après une formation de trois mois à l’Ecole centrale de Nantes. Une deuxième session, en avril 2019, a débouché sur 10 embauches supplémentaires.

Une formation exigeante

Concrètement, les demandeurs d’emploi sont invités par Pôle emploi à rencontrer l’entreprise lors d’une réunion collective. Ceux qui sont intéressés sont ensuite convoqués à une séance de mise en situation d’une durée de deux heures et demie à quatre heures et demie. Les exercices sur mesure sont coconstruits par Pôle emploi et l’entreprise recruteuse afin de coller au plus près des besoins.
Guillaume Ravel, responsable du service développement de La Bécanerie, illustre : « Nous avons mis au point des tests de logique, du déchiffrage de codes, de la consolidation d’informations, mais nous voulions aussi vérifier la capacité des candidats à travailler en équipe en leur demandant de réaliser un montage en groupe… Le tout, bien sûr, dans un temps imparti. »
Des compétences peuvent être transposées des emplois précédemment occupés, même s’ils étaient sans rapport avec l’informatique, « ou même de la vie personnelle », précise Adeline Guiter. C’est le cas de Florian Carmelet. « Je n’ai pas vraiment fait d’informatique dans mon cursus, mais je m’y suis toujours beaucoup intéressé », souligne-t-il. Les candidats qui obtiennent un score supérieur à la note seuil rencontrent alors l’entreprise pour un entretien de motivation, puis peuvent commencer leur formation. Un cursus de 400 heures sur trois mois particulièrement exigeant. « L’investissement personnel est très important, avertit Johan Sanchez, soir et week-end inclus. »
Pour Xavier Michel, les profils des nouvelles recrues issues de la MRS sont bien différents de ceux des autres candidats : « Sur un marché particulièrement tendu, certains candidats, notamment les très jeunes, ont des exigences très fortes et jouent les divas. Ils sont difficilement gérables. Les personnes engagées à travers le recrutement par simulation sont plus matures car elles ont déjà une expérience de la vie. Leur motivation est très puissante et même contagieuse. » Laurent Henni y voit, lui, une tendance lourde du marché du travail : « A l’heure où les salariés deviennent de plus en plus des intrapreneurs, il est logique que les compétences prennent le pas sur le diplôme et l’expérience professionnelle. » Bientôt la fin du CV ?
Les chiffres
Pôle emploi indique qu’en moyenne, un candidat sur deux qui réussit la phase de mise en situation est embauché. L’opérateur public a dressé le bref bilan suivant :
– 40 000 recrutements sont réalisés chaque année grâce à la méthode de recrutement par simulation (MRS).
– 80 % des candidats recrutés à travers la méthode de recrutement par simulation ont changé de métier.
– 65 % ont changé de secteur d’activité.

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