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vendredi 17 mai 2019

Filiation : non à la tyrannie de la transparence

Par Audrey Kermalvezen, association Origines — 

Obliger à préciser sur l’état civil qu’un enfant est né grâce à un don de sperme ou d’ovocytes stigmatisera les personnes conçues par PMA.

Tribune. L’extension de la PMA à toutes les femmes implique-t-elle de modifier les règles de la filiation pour tous ? Plusieurs rapports, dont celui de la mission d’information parlementaire relative à la bioéthique, proposent de changer le mode d’établissement de la filiation de toutes les personnes conçues par don de gamètes ou d’embryon. A l’avenir, le demandeur d’une PMA avec don devrait réaliser une déclaration anticipée de filiation pour établir un lien avec son futur enfant, avant même sa conception.

En réalité, c’est déjà comme cela que ça se passe. Depuis 1994, le consentement du couple à la PMA avec donneur scelle, de manière irrévocable, la filiation avec l’enfant qui naîtra du don. Ce régime dérogatoire de filiation, basé sur la volonté, a fait la preuve de son efficacité. Il peut parfaitement être étendu aux couples de femmes et aux femmes célibataires qui auront recours à un donneur.
Faut-il faire apparaître cette particularité, propre aux PMA avec donneur, sur l’état civil ? C’est là que le bât blesse. Cela reviendrait à inscrire le mode de conception sur l’état civil pour les personnes conçues par don et seulement pour elles. Cette idée est présentée comme la solution pour permettre à l’enfant de savoir qu’il est né d’un don, qu’il soit le fruit du projet parental d’une femme célibataire, d’un couple de femmes ou d’un couple hétérosexuel. Elle part du postulat erroné que le souhait de ces parents serait de cacher la vérité à leur enfant. Il ne faudrait pourtant pas passer du mensonge indécelable à la tyrannie de la transparence.
Jusqu’à présent, les pouvoirs publics organisent le secret de la conception. Les banques de sperme et d’ovocytes sélectionnent un(e) donneur(se) qui a le même groupe sanguin que le parent stérile. Cet appariement n’a aucune utilité médicale et a pour seule finalité que l’enfant ne s’aperçoive jamais qu’il n’est pas le fruit biologique de ses deux parents. Les textes prévoient que le consentement à la PMA avec donneur recueilli par le notaire doit rester secret et que seul le couple qui en est l’auteur peut en avoir connaissance.
L’Etat devrait d’abord cesser de créer les conditions du mensonge indécelable et en observer les effets plutôt que de consacrer une tyrannie de la transparence, en portant sur l’état civil une mention marginalisante. Il pourrait en outre favoriser l’évolution des mentalités à travers l’information et la pédagogie, dans une démarche préventive et bienveillante envers ces parents plutôt que les déposséder de la part d’éducation qui leur revient.
Les études démontrent que, dans les pays comme la Suède où les enfants bénéficient à leur majorité du droit d’accéder à l’identité du donneur, les parents sont plus nombreux à informer leur enfant de l’intervention d’un tiers dans sa conception que dans ceux qui appliquent un anonymat irréversible. La reconnaissance d’un droit d’accès aux origines en France favoriserait donc la libération de la parole.
Cela fait près de cinquante ans que la législation sur la PMA ne prend pas suffisamment en compte l’intérêt de l’enfant. Il est heureux de vouloir changer cette donne, mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment des intérêts des autres parties en présence.
Et, en réalité, la mention d’une déclaration anticipée de filiation sur l’acte de naissance de l’enfant n’est nullement dans son intérêt. En effet, deux hypothèses sont envisageables. Soit en lisant ce jargon, l’enfant ne comprendra pas qu’il est issu d’un don, et on aura changé son état civil et les règles de filiation pour rien. Soit l’enfant déduira de cette formule alambiquée sur son acte de naissance qu’il est issu d’un don, et cette découverte fortuite sera violente pour lui. Souvenons-nous de cet homme qui a fait un procès à l’Etat français car il a découvert, en lisant son acte de naissance, qu’il avait été adopté (Cass. 1re ch. civ., 31 mars 2016 n° 15-13 147).
Nous devons donc mettre en place des mesures incitatives moins intrusives. Apprendre qu’on a été conçu grâce à l’aide d’un donneur est important, avoir la possibilité de connaître l’identité de ce tiers est souhaitable. Mais il est loin d’être nécessaire de modifier les règles de filiation et de dévoyer l’état civil pour atteindre l’un ou l’autre de ces objectifs.
Il suffirait de centraliser tous les consentements à la procréation avec don recueillis par les notaires au sein d’une plateforme gérée par un organisme tiers et de permettre à tout intéressé de le saisir pour savoir si son(ses) parent(s) a(ont) eu recours au don de gamètes ou d’embryon. Les parents au courant que cette information est disponible, et que l’enfant pourra y avoir accès s’il le souhaite à sa majorité, seraient encore plus incités à anticiper cette démarche.
Pourquoi ne pas faire confiance à ces futurs pères et mères par PMA pour être d’aussi bons parents que les autres ?

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