Un jeune étranger isolé, dans sa chambre d'un foyer de la Marne.Photo Cyril Zannettacci.VU pour Libération
Dix-neuf associations contestaient mercredi soir devant le Conseil d'Etat le décret portant la création d'un fichier recensant les étrangers qui demandent à être reconnus comme mineurs isolés.
Le monde associatif continue la lutte contre la loi asile et immigration, promulguée en septembre. A mesure que les décrets d’application sont pris, il dégaine les armes juridiques, espérant en annuler l’application. Et c’est une petite victoire qu’ont remportée mercredi soir dix-neuf organisations, parmi lesquelles l’Unicef, le Secours catholique, Solidaires, le Syndicat de la magistrature, la Cimade, Médecins du monde ou encore Médecins sans frontières, au sujet des mineurs isolés.
Inquiétude
Au début de l’année 2019, un décret avait été pris afin de créer un fichier biométrique, avec photo et empreintes digitales, dans lequel devaient être consignées des informations personnelles sur les jeunes étrangers demandant à être reconnus comme mineurs isolés, et donc à être pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). L’idée, officiellement, était de limiter la possibilité pour les jeunes dont la minorité ne serait pas reconnue d’aller tenter leur chance dans un autre département – les taux de reconnaissance de minorité variant considérablement d’un département à un autre – et donc de limiter la saturation des dispositifs d’évaluation et d’hébergement de ces personnes. Un mineur reconnu comme tel, en revanche, devait disparaître du fichier.
Pour les associations, ce dispositif posait de nombreux problèmes. Par exemple, les préfectures, qui émettent les obligations de quitter le territoire (OQTF), ont accès à la liste des personnes considérées comme majeures à l’issue de leur évaluation par les services de l’ASE, leurs données étant transférées dans un autre fichier. Or, la décision de l’ASE n’est pas forcément définitive : de nombreux jeunes gens finissent par être reconnus mineurs par la justice. Une inquiétude partagée par le rapporteur du Conseil d’Etat lors d’une audience le 10 mai, rappelle l’AFP : les erreurs d’évaluation peuvent avoir des «conséquences potentiellement beaucoup plus lourdes» qu’avant puisque «statistiquement»les personnes présumées majeures ont «un risque de devoir quitter le territoire alors qu’elles sont mineures», avait-il dit.
«Protection de l'intérêt supérieur de l'enfant»
Fin février, les dix-neuf associations avaient donc demandé au Conseil d’Etat d’annuler ce décret, et déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en ce sens. «C’est un dévoiement de la protection de l’enfance à des fins de contrôle migratoire», résumait alors dans Libération Corentin Bailleul, chargé de plaidoyer à l’Unicef. Mercredi soir, le Conseil d’Etat a accepté de transmettre aux «sages» leur QPC sur ce fichier, dont le principe est également contesté par le Défenseur des droits, Jacques Toubon, ou le Conseil national de la protection de l’enfance.
«Nos associations et syndicats saluent cette décision du Conseil d’Etat. Cette décision constitue une étape importante et encourageante. Nous espérons désormais que le Conseil constitutionnel reconnaisse l’atteinte injustifiée et disproportionnée que porte ce fichier à l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et au droit au respect de la vie privée», ont réagi les associations dans un communiqué commun.
«Nous réaffirmons notre opposition à la création de ce fichier et aux finalités qu’il poursuit. Les mineurs non accompagnés doivent être préservés des impacts d’une loi qui n’aurait jamais dû les concerner. Ce sont avant tout des enfants et ils doivent être protégés comme tels»,écrivent-elles encore.
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