Le think tank #Leplusimportant prône des réformes de la formation et des pratiques médicales pour tenir compte des avancées technologiques, qui promettent de grands gains de productivité.
Membres du think tank #Leplusimportant
Tribune. Promouvoir l’innovation et le numérique, ouvrir les parcours des professionnels de santé, adapter leur formation aux enjeux du futur : autant d’ambitions au cœur du projet de loi santé dont la discussion s’ouvre cette semaine en commission à l’Assemblée. Sont-elles toutefois à la hauteur du défi que représentent les impacts des nouvelles technologies sur les professionnels de santé ? Ces effets sont-ils correctement appréhendés ou risquent-ils de remettre en cause jusqu’aux bénéfices attendus de ces nouvelles technologies pour les patients ?
L’acte de soin sera profondément transformé par une délégation croissante de l’analyse aux machines (diagnostic grâce à l’IA, aide à la prescription, évaluation des risques des patients…)
Le numérique, la robotisation et l’intelligence artificielle (IA) vont en effet, au cours des prochaines années, bouleverser notre système de santé : le modèle quantitatif d’analyse d’impact que nous avons élaboré met en évidence 45 % de gains de productivité potentiels en moyenne, d’ici à 2030, pour les huit professions de santé, médicales et paramédicales analysées, couvrant près de 80 % du total des professionnels de santé (aides-soignants, infirmiers, cadres de santé, pharmaciens, généralistes, chirurgiens, radiologues…).
L’acte de soin sera profondément transformé par une délégation croissante de l’analyse aux machines (diagnostic grâce à l’IA, aide à la prescription, évaluation des risques des patients…). Plus largement, les reports de tâches vers les machines (comme la gestion des stocks ou des flux physiques hospitaliers, la prise de rendez-vous, la recherche et l’analyse d’information, le codage des actes) devraient « libérer » du temps pour les professionnels au profit de la relation avec le patient ou d’activités médicales ou soignantes. Ces technologies devraient aussi accroître les capacités des professionnels de santé qui auront accès à l’ensemble des connaissances et protocoles, facilitant ainsi le diagnostic et la prescription.
Enjeu majeur
Inversement, ces innovations accélèrent l’obsolescence des connaissances et des compétences. Elles suscitent des craintes de déqualification et de déclassement et, partant, d’une évolution à plusieurs vitesses du corps médical et soignant. Autant de risques qu’il importe d’analyser et de traiter au plus tôt. D’autant plus qu’in fine c’est principalement du rythme d’adoption des technologies par les professionnels que dépendra l’ampleur de leur impact.
Selon qu’il sera plus ou moins rapide, la productivité des professionnels de santé pourrait varier de 15 points en 2030, soit l’équivalent du temps de près de 300 000 professionnels de santé, qui pourrait être « réinvesti » dans des activités médicales et soignantes au service des patients. L’enjeu pour les professionnels, comme pour la collectivité, est donc majeur.
Or force est de constater que non seulement l’adoption du numérique par les professionnels de santé est beaucoup plus lente que dans d’autres secteurs, mais aussi que le système de formation et de gestion des parcours des professionnels n’est, pour l’heure, pas adapté à ces disruptions technologiques. A titre illustratif, est-il raisonnable, alors que l’IA devient capable d’interpréter des examens aussi bien – voire bientôt mieux – que les radiologues, de continuer à en former autant et, surtout, de la même manière que les générations précédentes ?
Transformer le modèle de recrutement et de formation
Si le projet de loi santé comporte d’importantes avancées, celles-ci méritent d’être approfondies à l’aune de ces constats. Il faut ainsi transformer le modèle de recrutement et de formation, en recentrant ses objectifs sur l’analyse critique d’informations, la créativité, l’empathie, le travail avec les machines, le travail collaboratif. Nous estimons également nécessaire de réduire la durée des formations initiales (la mémorisation des connaissances devenant moins cruciale) au profit de formations continues, ou encore en facilitant l’intégration de profils externes et en développant les doubles cursus (par exemple ingénieur/médecin).
Il convient aussi d’accélérer la transition à large échelle des compétences et des conditions d’exercice des professionnels en activité, en favorisant les cursus complémentaires dans le cadre de la formation continue. Les technologies doivent également pouvoir être mises au profit de l’amélioration de l’évaluation et l’autoévaluation des pratiques des professionnels. Nous proposons également de soutenir les projets d’innovations technologiques portés par les professionnels eux-mêmes et d’intégrer une évaluation des impacts des innovations qui sollicitent un remboursement par l’Assurance-maladie.
Il est également temps de réviser l’architecture des professions de santé pour fluidifier les parcours et enrichir les périmètres d’activité, notamment des personnels soignants, à certains actes assistés par la technologie. Les modèles de rémunération des professionnels doivent également évoluer pour éviter le maintien d’actes réalisables par les machines, favoriser les délégations de tâches entre professionnels et recentrer chacun sur celles à plus forte valeur ajoutée.
Les médecins qui commenceront à exercer en 2030 ont déjà commencé leurs études. Nous devons agir au mieux dès maintenant pour favoriser l’adoption des innovations technologiques par les professionnels de santé dans des conditions satisfaisantes et valorisantes pour eux, au service et au bénéfice des patients.
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