« Le sommeil est-il en train de disparaître ? ». Dans un éditorial accompagnant le BEH daté d'aujourd'hui, les Prs Damien Léger (Hôtel Dieu de Paris) et François Bourdillon (Directeur général de santé publique France) s’inquiètent du déclin du temps de sommeil, devenu une sorte de variable d’ajustement vis-à-vis des contraintes de la vie moderne.
1 franaçais sur trois dort moins de 6 heures par jour
Les données du baromètre santé 2017 publiées dans ce numéro thématique, montrent en effet que si le temps de sommeil total (TST) par 24 heures reste proche de 7 heures (6 h 55) en France, plus d’un tiers des Français (35,9 %) dorment désormais moins de 6 heures, 27,7 % sont en dette de sommeil (différence entre temps de sommeil réel et temps de sommeil idéal > 60mn) et 17,4 % en restriction (différence entre temps de sommeil quotidien en semaine et le week-end > 60 mn).
Et pour la première fois, le temps de sommeil total des adultes en semaine est passé sous la barre des 7 heures quotidiennes habituellement recommandées, pour atteindre 6 heures 42 mn en 2017.
« Notre étude confirme donc de manière pleine et entière la haute prévalence de l’insuffisance de sommeil dans la population générale Française », résument les auteurs qui alertent sur l’impact potentiel de cette carence sur la santé. De plus en plus de publications montrent en effet que dormir moins de 6 heures/24 heures est associé à une augmentation de la morbidité et de la mortalité métabolique, accidentelle et cardiovasculaire,en particulier du risque d’obésité, de diabète de type 2, d’accident vasculaire cérébral, d’hypertension et d’accidents ».
Récupération dominicale
Fait rassurant toutefois : si leurs nuits sont courtes, les Français ont tendance à « récupérer » en faisant la sieste. Ainsi, en semaine, plus d’un quart des adultes (27,4 %) s’accorde au moins un petit somme diurne. De plus « une bonne partie compensent leur dette de sommeil le week-end », que ce soit grâce à la sieste ou par des nuits plus longues, avec un TST/24 heures de 7 h 26 contre 6 h 42 les jours ouvrés. Un bon point, jugent les auteurs qui voient dans cette récupération dominicale « un facteur limitant le risque de comorbidité associé au sommeil court ».
Cette tendance à la récupération souligne aussi en contrepoint, l’impact du travail et surtout du temps de transport sur les nuits des Français. La durée du trajet domicile-travail « est probablement un déterminant fort du déclin du sommeil dans nos mégapoles, de même que pour les habitants des zones rurales de plus en plus éloignés des centres de vie active et qui conduisent entre deux et trois heures par jour, rentrant de plus en plus tard, partant de plus en plus tôt et grignotant sur leur temps de sommeil » analyse l’éditorial du BEH.
Autre grand « réducteur » de sommeil, le travail de nuit est en pleine expansion comme le souligne une deuxième étude du BEH. Selon ce travail, le nombre de travailleurs nocturnes est passé de 3,3 millions (15,0 % des actifs) en 1990 à 4,3 millions (16,3 %) en 2013. La hausse est particulièrement marquée pour travail de nuit habituel qui a plus que doublé sur cette période (1,9 million d’individus concernés en 2013 contre 800 000 en 2013). Or, « on sait que les travailleurs de nuit dorment en moyenne une heure de moins que ceux de jour, soit l’équivalent d’une nuit de moins par semaine et de 40 nuits de moins par an » alerte le Pr Damien Léger.
Fumer ou dormir, il faut choisir
Un dernier travail du BEH s’est penché sur l’impact des substances psychoactives sur le temps de sommeil. De façon assez inattendue, ce ne sont ni l’alcool ni la consommation de substances illicites qui pèsent le plus dans la balance mais le tabagisme. Avec notamment davantage de petits dormeurs parmi les fumeurs quotidiens (fortement dépendants ou non) que chez les fumeurs occasionnels ou les non-fumeurs. Les fumeurs quotidiens fortement dépendants sont également nettement plus sujets à l’insomnie chronique. Un constat que les auteurs suggèrent d'utiliser comme un "argument nouveau" pour inciter à l'arrêt du tabac.
Plus classiquement, le déclin du sommeil est aussi lié, « au surinvestissement des adultes comme des enfants dans le temps passé face à des écrans », dénoncent Damien Léger et François Bourdillon dans leur éditorial, ainsi qu’aux perturbations de notre environnement nocturne.
Bénédicte Gatin
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