Ce document de référence est destiné à mieux accompagner, dans les départements, les jeunes majeurs qui étaient placés.
Un document de référence, destiné aux départements, pour parvenir à l’objectif de « zéro sortie sèche » de l’aide sociale à l’enfance (ASE). C’est l’une des premières mesures annoncées par le gouvernement depuis le lancement officiel, le 28 janvier, de la concertation sur la protection de l’enfance. Pour la présenter, deux secrétaires d’Etat, Christelle Dubos, chargée des politiques familiales et de la lutte contre la pauvreté, et Adrien Taquet, chargé de la protection de l’enfance, ont fait le déplacement jeudi 14 février à l’Usine, à Saint-Denis, accompagnés d’Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes.
« L’objectif de ce référentiel est de préciser le caractère concret des obligations qu’ont les départements vis-à-vis de ces jeunes », a déclaré Adrien Taquet, nommé fin janvier, évoquant « une démarche partenariale nouvelle » entre l’Etat et les conseils départementaux, qui ont en charge l’action sociale depuis 1986. Il s’est dit favorable à l’octroi de « droits réels, pas formels », ouverture voilée à la proposition de loi sur l’accompagnement des jeunes majeurs sortant de l’ASE de la députée LRM Brigitte Bourguignon. Présentée en juin 2018, elle n’a toujours pas été inscrite à l’agenda parlementaire. Mais « un travail est mené avec MmeBourguignon pour enrichir sa proposition de loi qui pourrait être un des vecteurs pour la future stratégie », a fait savoir M. Taquet.
Le référentiel, présenté jeudi, qui s’appuie sur les bonnes pratiques existantes, est le fruit d’une réflexion menée en décembre et janvier par un groupe de travail regroupant des professionnels de la protection de l’enfance, des représentants des départements, de l’Etat, ainsi que d’anciens enfants placés. Christelle Dubos a rappelé qu’il figurera dans les conventions signées entre l’Etat et les départements dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté, lancée à la rentrée de septembre. Dotée de 135 millions d’euros en 2019, elle consacre 12 millions d’euros à la sortie de l’ASE. « Onze départements ont déjà signé cette contractualisation », qui prévoit un soutien financier pour les départements partenaires, s’est félicitée la secrétaire d’Etat.
Adulte référent
L’engagement numéro un des départements qui signeront ce texte sera de proposer au jeune de désigner un adulte référent, issu ou non de la protection de l’enfance, et destiné à lui fournir un soutien dans l’apprentissage de sa nouvelle autonomie. Quatre autres axes sont développés, détaillant des modalités d’accompagnement pour un meilleur accès à l’emploi, au logement, à la santé et aux dispositifs de droit commun des jeunes de 18 à 21 ans. « La sortie de l’ASE doit être considérée comme partie intégrante du dispositif et la première pierre d’une réflexion plus globale », a affirmé M. Taquet, rappelant qu’une stratégie pour la protection de l’enfance serait présentée d’ici l’été.
Chaque année, environ 21 000 filles et garçons rompent brutalement avec la protection de l’enfance, dès le jour anniversaire de leurs 18 ans.
Le sort réservé aujourd’hui aux jeunes majeurs concernés est en effet préoccupant. Chaque année, environ 21 000 filles et garçons rompent brutalement avec la protection de l’enfance, dès le jour anniversaire de leurs 18 ans. Placés parfois depuis leur toute petite enfance en foyer ou en famille d’accueil, bien souvent en raison de maltraitances familiales, ces jeunes gens peuvent se retrouver du jour au lendemain sans ressource ni logement, selon le département dans lequel ils vivent. « Or, il ne faut pas oublier qu’il existe aujourd’hui très peu de filets de soutien pour les jeunes de 18 à 25 ans », l’âge permettant de bénéficier du RSA, rappelle Antoine Dulin, auteur d’un avis du Conseil économique, social et environnemental consacré à la prévention des ruptures dans les parcours de protection de l’enfance, publié en juin 2018.
Certains territoires proposent déjà un accompagnement sous la forme d’un « contrat jeune majeur » pouvant aller jusqu’à 21 ans, soumis à plusieurs conditions. Mais, reflet des inégalités territoriales, tous ne le font pas. Pour celles et ceux qui vivent au mauvais endroit, contraints à une autonomisation à marche forcée, l’âge de la majorité rime bien souvent avec précarité, ce qui explique notamment la surreprésentation des jeunes sortis de l’ASE chez les sans-abri.
Fouzy Mathey Kikadidi, elle-même ancienne enfant placée et présidente du groupe de travail ayant élaboré le document, s’est dite « très fière de ce référentiel ». Elle a cependant prévenu les secrétaires d’Etat avant de le leur remettre officiellement : « On sera très vigilants sur son application. » Manière de pointer, en creux, la limite d’un cadre dont la mise en application repose sur la bonne volonté des départements.
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