En France, 41 000 décès ont été attribués à l’alcool en 2015, contre 49 000 en 2009. Cette diminution doit plus aux progrès de la médecine qu’au déclin, minime, de la consommation.
Une consommation qui reste importante ; un impact très élevé sur la mortalité ; mais aussi une interdiction de vente aux mineurs trop aisément contournée. Les dernières données françaises sur l’alcool, publiées dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 19 février, sont préoccupantes en termes de santé publique, même si elles apportent quelques bonnes nouvelles.
Pour estimer les consommations, Santé publique France a eu recours à la méthode du Baromètre santé, une enquête transversale réalisée depuis 1992. Celle de 2017 a été menée par téléphone auprès de plus de 25 000 résidents en France métropolitaine, âgés de 18 à 75 ans. L’usage d’alcool est banal : dans l’année, 86,6 % en ont consommé au moins une fois ; et plus d’un sur cinq a eu au moins une ivresse. Ce dernier indicateur est d’ailleurs en légère augmentation par rapport à l’enquête de 2014.
L’usage d’alcool est plus courant chez les hommes, et l’écart entre sexes est d’autant plus marqué que la fréquence de consommation augmente, soulignent les auteurs. Ainsi, si la consommation moyenne est de 2,3 verres par jour alcoolisé (98 jours/an en moyenne), elle est de 2,8 chez les hommes et 1,8 chez les femmes. Parmi les 10 % de consommateurs quotidiens, on compte trois fois plus d’hommes que de femmes (15,2 %, versus 5,1 %). Certes, la proportion des buveurs quotidiens a bien régressé (c’était un quart des adultes en 1992). Mais la quantité d’alcool pur consommée, après avoir beaucoup baissé depuis cinquante ans, est stable depuis 2013.
Rappelons que ces consommateurs quotidiens dépassent en tout cas les recommandations : « Maximum deux verres par jour, et pas tous les jours. » Fait notable, 58 % du volume d’alcool est consommé par les 10 % de plus gros buveurs.
Laxisme des professionnels
Les modes de consommations varient aussi selon l’âge. Les 18-24 ans boivent moins souvent, mais en quantité plus importante que les 65-75 ans : 3,3 verres par jour alcoolisé, contre 1,7. Ils sont aussi plus adeptes des bitures express. Plus d’un jeune de 18-24 ans sur deux (54 %) déclare au moins un épisode d’alcoolisation ponctuelle importante (API) – au moins six verres en une occasion –, et la proportion diminue régulièrement avec l’âge.
La surveillance des consommations par le baromètre permet de repérer des tendances comme par exemple la baisse des API, de 38,5 % en 2014 à 35,2 % en 2017, après une hausse entre 2005 et 2014. Ce type d’enquêtes sous-estime toutefois de deux à trois fois la consommation par rapport aux données issues des ventes (2,6 verres/jour).
Publiés dans le même BEH, les résultats de l’enquête Escapad 2017 confirment la grande diffusion de l’alcool chez les jeunes de 17 ans et la fréquence du binge drinking (44 % déclarent une API dans le mois). L’expérimentation des boissons alcoolisées et leur consommation régulière sont en léger recul par rapport à 2014. Cette enquête met aussi en évidence le laxisme des professionnels concernant le contrôle de la vente d’alcool aux mineurs : trois jeunes buveurs sur dix affirment« n’avoir jamais eu à présenter de pièces d’identité pour justifier de leur âge lors d’un achat en magasin ». Les contrôles sont encore plus rares dans les bars et restaurants.
Conscience des risques
Quant à la mortalité attribuable à l’alcool, elle serait de 7 %, soit 41 000 des 580 000 décès survenus en 2015, selon les estimations de l’épidémiologiste Catherine Hill et de Christophe Bonaldi. Les cancers (16 000 décès) et les maladies cardio-vasculaires (9 900) représentent les principales causes de décès, devant les maladies digestives (6 800). Ce lourd bilan semble en recul par rapport à 2009 (49 000 décès estimés), mais l’alcool reste la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac. La différence entre 2009 et 2015 « s’explique en grande partie par la diminution de la mortalité pour les causes liées à l’alcool et, dans une moindre mesure, par la baisse de consommation, passée de 27 à 26 grammes d’alcool pur par jour sur cette même période », écrivent les auteurs.
« Attention à ne pas se reposer sur des lauriers pour les indicateurs qui évoluent dans le bon sens, la baisse de la mortalité, par exemple, relève surtout des progrès de la médecine », note l’addictologue Amine Benyamina. Récemment, dans une tribune collective, ce spécialiste estimait que le plan de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca)« conforte les pires craintes sur l’inertie des pouvoirs publics en matière de consommation d’alcool ».
Qu’en pense Santé publique France ? « Dans le domaine de l’alcool, les missions de notre agence sont d’apporter de la connaissance et d’œuvrer pour la réduction des risques, dit François Bourdillon, son directeur général. Pour cela, il faut d’abord une prise de conscience des risques. Or, si les complications hépatiques de l’alcool sont bien connues, ce n’est pas le cas pour les cancers, l’hypertension artérielle, les accidents vasculaires cérébraux… » L’agence sanitaire, qui continue à affiner ses données, a de plus en plus recours à des outils de marketing social pour mieux cibler les messages. Des événements tel « Un mois de janvier sobre », adapté du Mois sans tabac, sont aussi envisagés.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire