| 27.06.2018
Troubles de santé mentale, consommations addictives, exposition à la violence… Les internes en psychiatrie vont mal, met en lumière l'étude nationale « Bourbon », du Dr Guillaume Fond (AP-HM) et coll., publiée le 25 juin dans « Journal of affective disorders ».
L'étude a inclus 2 165 internes (dont 302 internes en psychiatrie) de 35 facultés de médecine (soit 8 % du nombre total d'internes) qui ont répondu à un auto-questionnaire entre le 13 décembre 2016 et le 15 mai 2017. L'âge moyen des étudiants est de 25,9 ans, 35 % sont des hommes.
Addictions et médicaments
L'étude montre que les taux de tabagisme, de consommation problématique d'alcool, et de recours au cannabis sont plus importants chez les internes en psychiatrie.
Les futurs psychiatres ont 1,9 fois plus de risques de fumer que leurs pairs ; la prévalence est chez eux de 31,5 % vs 21,4 % dans la population globale des internes (et 19,4 % chez les internes hors psychiatrie) – des taux particulièrement élevés notent les auteurs, au regard de chiffres observés à l'étranger. Les étudiants psychiatres seraient 40 % à présenter des troubles liés à l'alcool (contre 32,9 % chez les autres internes), et 12 % à avoir des problèmes avec le cannabis (vs 5,2 %).
Ils déclarent plus souvent bénéficier d'un suivi psychiatrique ou psychologique. Cela pourrait s'expliquer par le recours à une supervision de leurs pratiques mais pas seulement, expliquent les auteurs. Les internes en psychiatrie consomment en effet, davantage d'antidépresseurs (3,8 fois plus que les autres internes) et d'anxiolytiques (1,8 fois plus), et se plaignent d'une moindre vitalité.
Ils sont aussi plus prompts à expérimenter des produits illicites durant leurs études : ecstasy (24 % vs17 % pour les autres étudiants), champignons (17 % vs 11 %), amphétamines (10 % vs 6 %), LSD (7 % vs 4 %). Ils semblent mus non par un désir de découverte ou de plaisir, mais par la recherche d'effets anxiolytiques, sédatifs, stimulants ou désinhibiteurs, notamment lorsqu'ils sont confrontés à une peine de cœur. Si le design de l'étude ne permet pas d'affirmer des liens de causalité explicites, ces résultats suggèrent que les internes en psychiatrie constituent une population plus vulnérable à la dépression et aux troubles anxieux, analysent le Dr Fond et coll.
Prévenir la violence
Par ailleurs, les internes en psychiatres sont davantage exposés que les autres à des violences sexuelles (3 % vs 1,4 %) et physiques (12 % vs 6,9 %) lors de leurs études. La prévention de la violence doit être renforcée, en particulier aux urgences et en psychiatrie, lit-on. Les médecins sont insuffisamment préparés à répondre à un risque de violence, pourtant non négligeable.
Ces résultats recoupent la tendance dessinée dans une précédente enquête de moindre envergure (382 réponses), présentée par l'Association française fédérative des étudiants en psychiatrie (AFFEP), lors du congrès de l'Encéphale 2018. Les résultats préliminaires indiquaient que 85 % des internes avaient déjà été témoins directs d'une situation de violence (majoritairement verbale et physique mais aussi sexuelle dans 1,1 %) au cours de leur internat et plus de 50 % déclaraient en avoir été victimes.
En conclusion, le Dr Guillaume Fond et coll. appellent à mener des interventions de prévention auprès des internes psychiatres qui constituent une population à risques, afin d'améliorer leur santé mentale… Et par ricochet, celle de leurs patients.
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